Puis-je
parler de Dieu sans risque ? Puis-je poser une parole sur celui qui aime
l’homme et entre en relation avec lui en lui donnant tout ? Puis-je parler
de Dieu sans en faire « Mon Dieu » ? C’est-à-dire sans risquer
de mettre trop vite la main sur lui et l’enfermer dans mes idées ? Tout
prédicateur doit, un jour ou l’autre, affronter ces questions qui ne lui sont
pas réservées. En effet, tout croyant qui veut témoigner de sa foi honnêtement
se heurte nécessairement à ces mêmes questions. Car il s’agit bien, pour tout
croyant quel que soit son statut, de parler de Dieu aux hommes de la manière
dont Dieu lui-même se présente à eux. Que dit Dieu de lui-même ? Que
laisse-t-il découvrir de lui ? Les lectures de ce troisième dimanche de
Carême nous donne des éléments de réponses.
Le passage du Livre de l’Exode nous
permet de reconnaître en Dieu celui qui vient libérer l’homme : Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait
sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage. Voilà bien posé le cadre
des relations entre l’homme et Dieu ; voilà bien posé le cadre de tout
discours sur Dieu. Ce cadre, c’est celui de l’Alliance
conclue jadis avec le peuple lors de la libération de l’esclavage. Le Dieu en
lequel nous croyons est ce Dieu qui a manifesté à l’homme son amour en lui
redonnant confiance, en le faisant sortir d’une vie impossible et indigne de
l’homme. Quand notre Dieu parle de lui, il vient nous redire qu’il veut notre
bonheur et notre vie. Le Dieu vivant veut que l’homme vive à son tour, de la
même vie !
Mais ce passage vient aussi nous
apprendre que notre Dieu est le Dieu fidèle.
Ceux qui m’aiment et observent mes
commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération. Autant dire toujours ! Quand Dieu
parle de lui, il fait donc référence à cette alliance conclue avec l’humanité,
alliance qu’il s’engage à respecter et dans laquelle il nous engage !
Cette fidélité fait que jamais Dieu ne pourra revenir sur sa volonté de faire
vivre l’homme, et de le faire vivre libre et heureux. Il semble important à
Dieu lui-même, lorsqu’il se communique et lorsqu’il communique sa loi, de
rappeler ces deux points en préalable. Une manière de dire : je te propose
une loi à respecter, certes ; mais cette loi n’est pas injuste, cette loi
n’est pas autoritaire. Elle est simplement la suite et la conséquence logique
de l’amour que j’ai pour toi, amour que je t’ai manifesté dans le passé, amour
que je te manifesterai encore dans le futur.
Ce Dieu libérateur et fidèle, Jésus
continue de le révéler par toute sa vie. J’avoue que dans l’Evangile de ce
matin, il le fait de manière curieuse, pour ne pas dire violente. Ce nettoyage
en règle du Temple dit son attachement jaloux à Dieu. Il lui est insupportable
que l’homme réduise l’alliance avec Dieu à un marchandage commercial : je
t’offre un bœuf ou une brebis, en échange tu me donnes… Il chasse les marchands
du Temple pour que l’homme retrouve avec Dieu une relation
« humaine » vraie. Entre Dieu et les hommes, il ne saurait être
question d’argent ou de cadeaux. Entre Dieu et les hommes se joue la vérité
d’une vie. Jésus se situe bien dans la ligne de quelques prophètes qui avaient
déjà annoncé que la fumée des sacrifices, Dieu les avait en dégout. Relisez le
psaume 50 : Si j’offre un sacrifice,
tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à
Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur
brisé et broyé. Ce que Dieu attend de nous, c’est que notre cœur soit à
lui. Il est le Dieu des cœurs à cœurs, le Dieu des relations profondes. Il
exige tout de nous parce qu’il nous donne tout, en Jésus. Paul nous le
rappelait dimanche dernier déjà dans sa lettre aux Romains.
Ce même Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens
lue en ce dimanche, achève de nous dérouter dans nos discours sur Dieu. Il nous
invite à le découvrir là où nous ne l’attendions pas. Il rappelle que Dieu ne
se trouve ni dans des signes miraculeux, ni
dans une sagesse. Dieu n’est ni un
miracle, ni un système de pensée. Dieu s’est révélé en Jésus. Paul en a fait
l’expérience sur le chemin de Damas. Et désormais et pour toujours, la figure
de Jésus sera la pierre d’achoppement : scandale pour ceux qui voient dans
la croix un abaissement inadmissible de la part de Dieu ; folie pour ceux
qui ne s’appuient que sur la raison, refusant toute transcendance, niant
l’existence de Dieu parce que non vérifiable scientifiquement. A croire Paul,
notre Dieu serait un Dieu fou si nous l’évaluions à mesure humaine. Ce qu’il a
fait pour l’homme, personne ne l’a jamais fait auparavant. Pour ceux qui ne
connaissent pas Dieu, cela peut sembler pure folie que d’avoir donné son fils
et d’avoir permis qu’il soit crucifié, mis à mort pour le salut des hommes. C’est
pourtant ce qu’il a fait, une fois pour toutes, pour tous et pour chacun. Parler
de Dieu aux hommes, c’est parler de ce don inouï. Parler de Dieu, quand on est
chrétien, c’est parler de l’alliance qu’il a conclu avec les hommes en Jésus,
mort et ressuscité. En lui réside désormais la vie de l’homme ; en lui,
réside désormais le salut de l’homme.
Oser parler de Dieu, c’est finalement oser
parler de notre expérience avec lui. En quoi Dieu est-il mon libérateur ?
De quoi me suis-je senti délivré par lui ? Comment est-il mon
Sauveur ? Ce n’est sans doute pas un hasard si la Congrégation pour la
Doctrine de la Foi vient d’envoyer un courrier aux évêques rappelant ce qu’est
le salut apporté par Jésus Christ : non pas un bien-être intérieur, ni
plus de richesses, mais la communion réelle et plénière avec Dieu. Le document
nous rappelle fort justement que la
vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine.
Lorsque nous parlons de Dieu, que ce soit toujours dans cet unique but :
permettre à notre auditeur de se découvrir sauvé, appelé à la vie avec Dieu.
AMEN.
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