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samedi 3 mars 2018

03ème dimanche de Carême B - 04 mars 2018

Oser dire Dieu.





Puis-je parler de Dieu sans risque ? Puis-je poser une parole sur celui qui aime l’homme et entre en relation avec lui en lui donnant tout ? Puis-je parler de Dieu sans en faire « Mon Dieu » ? C’est-à-dire sans risquer de mettre trop vite la main sur lui et l’enfermer dans mes idées ? Tout prédicateur doit, un jour ou l’autre, affronter ces questions qui ne lui sont pas réservées. En effet, tout croyant qui veut témoigner de sa foi honnêtement se heurte nécessairement à ces mêmes questions. Car il s’agit bien, pour tout croyant quel que soit son statut, de parler de Dieu aux hommes de la manière dont Dieu lui-même se présente à eux. Que dit Dieu de lui-même ? Que laisse-t-il découvrir de lui ? Les lectures de ce troisième dimanche de Carême nous donne des éléments de réponses. 

            Le passage du Livre de l’Exode nous permet de reconnaître en Dieu celui qui vient libérer l’homme : Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison d’esclavage. Voilà bien posé le cadre des relations entre l’homme et Dieu ; voilà bien posé le cadre de tout discours sur Dieu. Ce cadre, c’est celui de l’Alliance conclue jadis avec le peuple lors de la libération de l’esclavage. Le Dieu en lequel nous croyons est ce Dieu qui a manifesté à l’homme son amour en lui redonnant confiance, en le faisant sortir d’une vie impossible et indigne de l’homme. Quand notre Dieu parle de lui, il vient nous redire qu’il veut notre bonheur et notre vie. Le Dieu vivant veut que l’homme vive à son tour, de la même vie !  

            Mais ce passage vient aussi nous apprendre que notre Dieu est le Dieu fidèle. Ceux qui m’aiment et observent mes commandements, je leur montre ma fidélité jusqu’à la millième génération. Autant dire toujours ! Quand Dieu parle de lui, il fait donc référence à cette alliance conclue avec l’humanité, alliance qu’il s’engage à respecter et dans laquelle il nous engage ! Cette fidélité fait que jamais Dieu ne pourra revenir sur sa volonté de faire vivre l’homme, et de le faire vivre libre et heureux. Il semble important à Dieu lui-même, lorsqu’il se communique et lorsqu’il communique sa loi, de rappeler ces deux points en préalable. Une manière de dire : je te propose une loi à respecter, certes ; mais cette loi n’est pas injuste, cette loi n’est pas autoritaire. Elle est simplement la suite et la conséquence logique de l’amour que j’ai pour toi, amour que je t’ai manifesté dans le passé, amour que je te manifesterai encore dans le futur.  

Ce Dieu libérateur et fidèle, Jésus continue de le révéler par toute sa vie. J’avoue que dans l’Evangile de ce matin, il le fait de manière curieuse, pour ne pas dire violente. Ce nettoyage en règle du Temple dit son attachement jaloux à Dieu. Il lui est insupportable que l’homme réduise l’alliance avec Dieu à un marchandage commercial : je t’offre un bœuf ou une brebis, en échange tu me donnes… Il chasse les marchands du Temple pour que l’homme retrouve avec Dieu une relation « humaine » vraie. Entre Dieu et les hommes, il ne saurait être question d’argent ou de cadeaux. Entre Dieu et les hommes se joue la vérité d’une vie. Jésus se situe bien dans la ligne de quelques prophètes qui avaient déjà annoncé que la fumée des sacrifices, Dieu les avait en dégout. Relisez le psaume 50 : Si j’offre un sacrifice, tu n’en veux pas, tu n’acceptes pas d’holocauste. Le sacrifice qui plaît à Dieu, c’est un esprit brisé ; tu ne repousses pas, ô mon Dieu, un cœur brisé et broyé. Ce que Dieu attend de nous, c’est que notre cœur soit à lui. Il est le Dieu des cœurs à cœurs, le Dieu des relations profondes. Il exige tout de nous parce qu’il nous donne tout, en Jésus. Paul nous le rappelait dimanche dernier déjà dans sa lettre aux Romains.  

Ce même Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens lue en ce dimanche, achève de nous dérouter dans nos discours sur Dieu. Il nous invite à le découvrir là où nous ne l’attendions pas. Il rappelle que Dieu ne se trouve ni dans des signes miraculeux, ni dans une sagesse. Dieu n’est ni un miracle, ni un système de pensée. Dieu s’est révélé en Jésus. Paul en a fait l’expérience sur le chemin de Damas. Et désormais et pour toujours, la figure de Jésus sera la pierre d’achoppement : scandale pour ceux qui voient dans la croix un abaissement inadmissible de la part de Dieu ; folie pour ceux qui ne s’appuient que sur la raison, refusant toute transcendance, niant l’existence de Dieu parce que non vérifiable scientifiquement. A croire Paul, notre Dieu serait un Dieu fou si nous l’évaluions à mesure humaine. Ce qu’il a fait pour l’homme, personne ne l’a jamais fait auparavant. Pour ceux qui ne connaissent pas Dieu, cela peut sembler pure folie que d’avoir donné son fils et d’avoir permis qu’il soit crucifié, mis à mort pour le salut des hommes. C’est pourtant ce qu’il a fait, une fois pour toutes, pour tous et pour chacun. Parler de Dieu aux hommes, c’est parler de ce don inouï. Parler de Dieu, quand on est chrétien, c’est parler de l’alliance qu’il a conclu avec les hommes en Jésus, mort et ressuscité. En lui réside désormais la vie de l’homme ; en lui, réside désormais le salut de l’homme. 

Oser parler de Dieu, c’est finalement oser parler de notre expérience avec lui. En quoi Dieu est-il mon libérateur ? De quoi me suis-je senti délivré par lui ? Comment est-il mon Sauveur ? Ce n’est sans doute pas un hasard si la Congrégation pour la Doctrine de la Foi vient d’envoyer un courrier aux évêques rappelant ce qu’est le salut apporté par Jésus Christ : non pas un bien-être intérieur, ni plus de richesses, mais la communion réelle et plénière avec Dieu. Le document nous rappelle fort justement que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine. Lorsque nous parlons de Dieu, que ce soit toujours dans cet unique but : permettre à notre auditeur de se découvrir sauvé, appelé à la vie avec Dieu. AMEN.

(Dessin de M. LEITERER) 

 

 

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