Nous voici
déjà bien avancé dans le temps du Carême. Plus de la moitié du chemin est
parcouru. Et plus nous progressons, plus nous sommes confrontés au noyau dur de
notre foi : la croix du Christ. Elle est, et sera toujours, la pierre d’achoppement,
scandale pour les uns, folie pour d’autres, signe de l’amour de Dieu pour nous.
Notre salut vient de la croix du Christ, offert par amour, que cela plaise ou
non. C’est ce que nous enseigne la deuxième lecture de ce dimanche.
Lorsque nous
entendons Paul dans sa lettre aux Ephésiens, nous constatons qu’il situe
d’abord notre salut dans l’axe de la miséricorde de Dieu. Dieu est riche en miséricorde, affirme-t-il d’entrée de jeu. Sa
richesse dans la miséricorde se doit de surpasser notre richesse dans le péché.
Je sais bien qu’il n’est plus de bon ton aujourd’hui de souligner nos manques,
nos péchés : mais comment être touché par la grâce de Dieu, comment
accueillir Dieu et sa miséricorde, si nous ne regardons pas honnêtement notre
vie ? Ouvrir notre cœur et notre vie à Dieu, c’est faire la vérité sur
notre vie en exposant à son regard d’amour et de miséricorde notre condition
pécheresse. Non pour nous humilier devant Dieu, mais pour mieux accueillir les
dons qu’il nous fait, pour mieux accueillir son salut. Parce que Dieu nous aime
tellement qu’il nous veut sauvés, c’est-à-dire libérés des entraves du Mal et
de la Mort, pleinement vivants.
En relisant
l’histoire sainte du peuple d’Israël dans le Premier Testament, nous observons
que la miséricorde de Dieu va jusqu’à se servir d’un païen – le roi Cyrus –
pour venir en aide à son peuple et lui manifester sa grâce. Rien n’empêchera
Dieu de faire grâce à ceux et celles qui se tournent vers lui avec un cœur
humble et sincère ; rien n’empêchera Dieu de faire grâce à ceux et celles
qui se tournent vers lui en reconnaissant leur péché. Nous connaissons
l’immense amour de Dieu pour nous ; nous connaissons la route à suivre
pour accueillir cette miséricorde ; nous connaissons le remède à notre
Mal. Pourquoi dès lors avoir tant de mal à prendre la route et à nous convertir ?
Pourquoi avoir tant de mal à employer le bon remède qu’est le sacrement de
la réconciliation, dans cette forme précise qu’est la rencontre en cœur à cœur
avec Dieu à travers l’un de ses prêtres ?
Dieu attend chacun de nous personnellement pour lui manifester les
trésors de grâce qu’il tient en réserve.
Paul
insiste : c’est par la grâce que
vous êtes sauvés. Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu. Cela ne
vient pas des actes ; personne ne peut en tirer orgueil. Paul, dès le
début de son ministère, lutte contre une religion de l’effort et de la sueur,
une religion extérieure au cœur de l’homme. Rien de ce que nous pourrons faire,
en dehors d’une vraie conversion et d’une vraie reconnaissance de notre besoin
de Dieu, rien donc ne nous sauvera. Il y a à accueillir Dieu et sa grâce dans
notre vie. Et nous manifestons cet accueil par notre art de vivre, car il y a bien
un art de vivre chrétien, c’est-à-dire une manière chrétienne d’aborder la vie
avec ses joies et ses peines. Il y a bien une manière chrétienne d’aborder la
morale. Il y a bien une manière chrétienne d’aborder les relations humaines. Tout
ce qu’il nous est donné de vivre, nous avons à le vivre avec le Christ, comme
le Christ. En nous donnant son Esprit, Dieu lui-même nous donne de vivre comme
le Christ, entièrement donné à Dieu et à nos frères. Il nous donne même son
Esprit pour que nous puissions comprendre l’œuvre de salut réalisée en Jésus.
Il nous donne son Esprit pour que là, au pied de la croix, nous découvrions
l’amour de Dieu à l’œuvre. Tout est donné pour que le croyant puisse
reconnaître ce que Dieu fait pour lui par Jésus Christ ; tout est donné
pour qu’il puisse suivre le Christ sur ce même chemin. Nous n’avons donc pas à
craindre la route ; le Christ l’a ouverte pour nous. Nous n’avons pas à
craindre les épreuves ; le Christ les a vaincues pour nous. Nous n’avons
même plus à craindre la mort ; sur la croix, le Christ la met à
mort ; par delà la croix, le Christ nous ressuscite et nous partage
désormais sa vie. Voilà ce que fait l’immense amour de Dieu pour nous. Voilà le
mystère que nous avons à méditer et à accueillir.
Dieu nous
aime : c’est la vérité que la croix proclame ! Dieu nous veut vivant
avec lui : c’est la vérité que le passage par la croix nous révèle ! Rien
ne peut détourner Dieu de son amour pour nous et de sa volonté de nous sauver,
si ce n’est nous-mêmes, et notre refus de le laisser entrer dans notre vie. Le
Christ crucifié est notre route ; le Christ ressuscité est notre lumière. Venons
à la lumière pour qu’il soit manifeste
que [nos]œuvres ont été accomplies en union avec Dieu. Venons à la lumière et
vivons dans la vérité. Amen.
(Dessin de M. Leiterer)
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