Il en
est du règne de Dieu comme… Voici posé le sujet de la prédication de Jésus
à la foule, tel que nous l’avons entendu dans l’évangile de ce dimanche. Deux
petites paraboles vont suivre pour permettre à Jésus de leur annoncer la Parole, dans la mesure où ils étaient capables de
l’entendre. C’est un peu vexant cette remarque, mais elle a quelque chose
de vraie. Si la seconde parabole de ce dimanche est facile d’accès, la première
me laisse plus perplexe.
Il en
est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence. Ma perplexité commence là. Le
règne de Dieu est-il comparé à l’homme qui jette la semence ou à la semence qui
est jetée par l’homme ? Si le règne de Dieu est la semence jetée en terre,
nous comprenons que ce règne de Dieu travaille le cœur de l’homme (la terre). Il
fait son œuvre, mystérieusement, sans aucune aide. Il serait quelque chose dont
nous avons la réalité en nous, peut-être sans le savoir. Il serait quelque
chose qui grandit, se développe et que l’on récolte au bout du processus. Cette
première parabole se rapprocherait alors de la seconde, celle de la graine de
moutarde. Cette autre parabole nous montre clairement que de rien (une graine
de moutarde, la plus petite de toutes les
semences) sort la plus grande plante
potagère dans laquelle les oiseaux du
ciel peuvent faire leur nid. Il y a bien, dans cette notion du règne de
Dieu, l’idée de quelque chose d’infime, mais qui devient grand une fois semé,
sans que quiconque y soit pour quelque chose. La croissance du règne de Dieu ne
dépend pas de nous. Pourtant, pour que ce règne de Dieu lève, il faut qu’il
soit semé. Et c’est là que nous intervenons : le règne de Dieu serait une
graine jetée en terre par l’homme. Si nous ne répandons pas les semences du
règne de Dieu par notre art de vivre, ce règne ne pourra pas grandir. Il faut
donc croire déjà que nous avons quelque importance dans le fait que le règne de
Dieu se répande ou non. Autrement dit, nous pouvons être un obstacle au règne
de Dieu dès lors que nous ne veillons pas à le répandre. Cette première parabole,
dans cette interprétation particulière, viendrait rappeler aux croyants leur
devoir d’évangéliser, de répandre par leurs actes et leur parole, la
connaissance de ce règne.
La seconde interprétation possible serait de
dire que le règne de Dieu, c’est comme un homme qui sème. Le règne de Dieu se
répandrait alors tout seul, il jetterait des graines à tous vents et ces
graines feraient leur œuvre mystérieusement. Nous serions là très proches de
cette autre parabole de Jésus, celle du semeur qui est sorti pour semer et qui
répand allègrement son grain, sans même faire bien attention où ce grain va
tomber : dans les ronces, dans la rocaille, au bord du chemin ou dans la
bonne terre. Le grain semé lève et grandit avec plus ou moins de succès. L’humanité,
dans cette dernière parabole comme dans la nôtre aujourd’hui, est la terre qui
accueille. Elle produit quelque chose de bon dans la mesure où elle en est
capable et que rien ne vient entraver le processus de la croissance. Mais la
graine semée poursuit sa croissance toute seule. Je ne suis responsable de sa
croissance que dans la mesure où je laisse la graine lever en moi et que rien
en moi ne s’y oppose. Si le règne de Dieu est l’homme qui sème, que
sème-t-il ? Nous le savons depuis la Pentecôte : il sème l’Esprit qui
produit des fruits de paix, de joie, d’amour, de patience, de bonté, de
bienveillance, de fidélité, de douceur et de maîtrise de soi. Il sème la Parole
par qui tout devient possible. Mas si le règne de Dieu est l’homme qui sème,
n’oublions pas la fin de la parabole : il est aussi celui qui récolte. Dès que le blé est mûr, il y met la
faucille ! Le but ultime, c’est de rentrer la récolte !
Ce qui est intéressant dans ces deux paraboles,
c’est par quelque bout qu’on la prenne et la comprenne, il y a une part de
mystère, c’est-à-dire une part de l’œuvre de Dieu, et une part de l’œuvre de
l’homme. Dieu a voulu avoir besoin de nous pour que lève son règne au milieu
des hommes. Ce n’est pas quelque chose qu’il impose ; ce n’est pas quelque
chose qu’il force en nous. Soit il sème, soit il est semé ; mais dans les
deux cas, nous avons une part infime à prendre pour que les fruits puissent
être récoltés. Si nous ne savons pas toujours bien ce qu’est le règne de Dieu,
nous savons au moins que nous avons une part à tenir pour qu’il puisse
croître : soit le répandre par notre vie, soit l’accueillir dans notre
vie. Le reste ne dépend pas de nous. La manière dont il grandit et se développe
ne dépend pas de nous, ni de nos politiques pastorales. A chacun sa place, à
chacun son œuvre, à chacun sa part, semble nous dire Jésus aujourd’hui. Pour
reprendre un principe liturgique que j’aime beaucoup : que chacun fasse
seulement, mais totalement, ce qui lui revient ! Alors ce règne de Dieu,
qu’il soit le semeur ou la graine semée, pourra faire son œuvre. Alors nous
pourrons être récoltés pour participer à la joie du royaume où Dieu nous
attend. Amen.
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