(Un petit détail a échapper à mon attention : le 24 juin, nous célébrons la nativité de saint Jean le précurseur ; d'où cette homélie pour le 12ème dimanche et non pour la solennité du jour).
Il n’y a pas de doute à avoir :
Paul sait mieux que personne nous parler du Christ, de son œuvre de salut pour
les hommes. Il est le premier croyant au Christ à systématiser ce qui deviendra
la foi chrétienne, à mettre des mots sur ce qui fait vivre le fidèle du Christ,
à préciser le rapport entre le Christ et les hommes. Le passage de la deuxième
lettre aux Corinthiens entendu ce dimanche commence par une vraie déclaration
d’amour : l’amour du Christ nous
saisit…
Ce qui remplit Paul d’amour pour le
Christ, c’est son sacrifice sur la croix : l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort
pour tous et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Il y a comme un vertige
des profondeurs devant cette réalisation. Non seulement le Christ a donné sa
vie pour nous, mais il nous fait bénéficier de cette mort. Oui, la mort du
Christ nous bénéficie ; elle nous décentre en nous orientant vers le
Christ. Sa mort sur la croix, en nous procurant la vie, nous tourne résolument
vers lui, à moins d’être ingrats, sans reconnaissance pour cette œuvre d’amour.
Paul a parfaitement intégré cette donnée. A partir du moment où le Christ l’a
appelé sur le chemin de Damas, il n’a plus eu de cesse que de proclamer la
Bonne Nouvelle du Salut. Il n’aura pris aucun repos, allant jusqu’à affirmer
que si le Christ n’était pas ressuscité,
vaine serait notre foi. Pour Paul, tout est contenu dans ce don du Christ
sur la croix. Par cet acte, quelque chose de neuf a commencé : le monde ancien s’en est allé ; un
monde nouveau est déjà né. Comment dire mieux la nouveauté introduite par
le Christ dans la vie des hommes ?
La nouveauté introduite par le
Christ, c’est bien cette foi qui transforme la vie des hommes. J’ai déjà dit
que la mort du Christ nous bénéficiait ; mais elle fait plus que
cela : elle nous identifie au Christ, nous fait participer à sa propre
mort et à sa résurrection. Désormais nous
ne regardons plus personne d’une manière simplement humaine. Nous sommes
transformés par la mort du Christ, comme transfigurés ; nous sommes des créatures nouvelles. Nous sommes des
autres Christ. Mesurons-nous cette nouveauté ? Mesurons-nous cet
honneur ? Lorsque nous lions notre vie à celle du Christ par le baptême,
nous sommes transformés en profondeur parce que le Christ, celui qui a livré sa
vie sur la croix, vit désormais en nous. Nous ne portons pas seulement le
Christ au monde par des mots, mais par toute notre vie, par tous nos actes.
Nous devons avoir conscience que notre manière de vivre porte le Christ au monde ;
et avoir conscience aussi que notre manière de vivre peut aussi être un
obstacle à la présence du Christ au monde. Lorsque les croyants au Christ ont
peur d’ouvrir leur monde à ceux qui frappent à leur porte, ils empêchent les
migrants d’approcher l’amour du Christ. Lorsque les croyants au Christ se
satisfont des rapports économiques qui enrichissent toujours plus les plus
riches et appauvrissent sans fin les plus pauvres, ils empêchent les pauvres
d’approcher l’amour du Christ. Lorsque les croyants au Christ ferment leurs
cœurs, ils ferment le cœur du Christ et son amour ne peut plus être diffusé
dans le monde. Et l’amour du Christ ne saisit plus personne, même plus nous…
Cette affirmation de Paul, qui a
déclenché toute ma réflexion, nous oblige alors aussi à préciser ce qui nous
attire vers le Christ. Est-ce vraiment la conscience de ce don qu’il a fait de
lui-même sur la croix ? Pour dire les choses autrement, le don du Christ
sur la croix est-il pour chacun de nous le fondement de notre attachement réel
au Christ ou n’est-il qu’une leçon de catéchisme parmi d’autres ?
Sommes-nous capables d’identifier dans notre vie ce que l’amour du Christ
réalise pour nous ? Sommes-nous saisis comme Paul d’un amour ardent pour
le Christ à la seule pensée de son sacrifice ? Ou bien nous sommes-nous
dilués jusqu’à n’être plus que des chrétiens sociologiques ? Que nous
soyons chrétien ou non ne changerait finalement pas grand-chose, pour ne pas
dire rien, à notre manière de vivre !
Trop souvent aujourd’hui, dans le but
avoué de ne présenter qu’un Christ positif, certains cachent le sacrifice du
Christ ; parlons de Pâques sans parler du Vendredi Saint ! C’est
tellement commode ! C’est oublier un peu vite que ce qui donne sa valeur à
la résurrection, c’est bien sa vie offerte sur la croix ! Si tel n’était
plus le cas, l’eucharistie que nous célébrons ce matin ne serait plus le
mémorial de sa passion, mais juste le repas du club des amis de Jésus qui se
retrouvent pour un moment fraternel. Sommes-nous les disciples d’un grand homme
qui a dit et fait des choses extraordinaires ? Ou sommes-nous les
disciples de celui qui a donné sa vie par amour pour nous ? Les deux ne
sont pas incompatibles, mais la seconde affirmation est primordiale et
impérative.
L’amour
du Christ nous saisit quand… Il revient à chacun de finir la phrase
pour lui-même et d’affirmer ce qui est primordial pour lui. Que notre
eucharistie nous permette de discerner à frais nouveaux jusqu’où va l’amour du
Christ pour nous ! Qu’elle nous donne la force d’y répondre par un
art de vivre conforme à notre foi : alors l’amour du Christ pourra saisir
encore le cœur des hommes et renouveler le monde. Amen.
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