Observons
un instant cet homme dont nous parle Jésus dans sa parabole, ce riche, dont
le domaine avait bien rapporté. Reconnaissons-le, nous l’envions un peu, comme
nous envions toujours ceux qui ont tout ce que nous n’avons pas, ceux qui ont
tout ce que nous désirerions avoir à notre tour. Comme c’est un autre que nous
qui a tout, c’est un scandale pour nous ! Et une certaine presse, que nous
ne lisons jamais mais avec laquelle nous crions volontiers, ne se gêne même
plus pour étaler ces soi-disant scandales à la face du monde, sans se soucier
toujours de la véracité de ce qu’elle rapporte. Nous en avons eu un bel
exemple, hélas, au début de notre été. Cet homme donc, pouvons-nous vraiment
l’envier ?
Certes, il a beaucoup, et sa récolte
lui donne encore plus. Mais elle lui donne aussi plus de soucis : Que
vais-je faire ? car je n’ai pas de place pour ma récolte. Voilà qui me
le rend moins enviable, car il a l’air bien sot. Il devait bien savoir ce qu’il
pourrait stocker dans ses greniers : pourquoi alors produire plus ?
Pourquoi n’avoir pas cherché un repreneur, qui aurait racheté le fruit de sa
récolte ? La richesse rend-t-elle bête à en oublier les choses les plus
simples et les plus évidentes ? Plus tu amasses, plus il te faut de la
place pour ranger. C’est évident ! Ce qui me le rend encore moins enviable,
c’est qu’avec toute sa richesse et tout son grain, il a l’air bien seul. Il n’a
personne à qui parler de son souci, si ce n’est lui-même. Pas même un
conseiller à l’horizon. Pas même un ami à qui s’ouvrir et avec qui échanger. Il
est devenu le centre de sa vie, il est devenu son seul sujet de préoccupation.
Sa vie n’a-t-elle donc pas d’autre horizon que lui et ses greniers de plus en
plus grands ? Est-ce cela une vie réussie ?
La liturgie de ce dimanche nous
invite, à travers l’exemple de cet homme, mais aussi à travers la réflexion de
Qohèlet, à nous pencher sur ce qui est essentiel pour nous. Et remarquons que
la liturgie, dans sa sagesse, nous donne de le faire au cœur de notre été,
quand nous avons plus de temps pour nous poser, pour affronter ces grandes
questions de l’existence. La parabole de Jésus n’est pas racontée pour
distraire celui qui s’est approché du Maître à propos d’une question
d’héritage. Elle est proposée pour le faire réfléchir, pour qu’il trouve de lui-même
une solution à la question qui le préoccupe. Car, au fond, derrière cette
question d’héritage, c’est bien la question du sens de notre vie qui se pose.
Qu’est-ce qui me préoccupe ? Qu’est-ce qui me fait agir ? Quel est le
sens que je donne à ma vie ? Suis-je, par mes choix, replié sur moi-même
ou ouverts aux autres ? Est-ce que je veux être riche pour moi ou riche
en vue de Dieu ?
Les croyants que nous sommes ne
peuvent faire l’économie de ces questions. Par notre baptême, nous appartenons
au Christ ; nous sommes invités, selon le mot de Paul aux Colossiens à pensez
aux réalités d’en-haut. Notre but, le but de notre vie, il est là à la
droite de Dieu. Mais il n’y a rien de magique ou d’automatique. Il ne
suffit pas d’être baptisé pour être déjà assuré du Royaume. Car entre notre
baptême et notre union définitive en Dieu, il a le temps de notre vie. Si nous
la passons à penser aux réalités de la terre, comme ce riche de la
parabole, il n’y a pas d’espoir pour nous. Nous devons consacrer notre vie à
nous débarrasser de l’homme ancien qui était en nous et de ses façons
d’agir, et nous revêtir de l’homme nouveau. Le baptême nous en montre la
voie ; mais le chemin, c’est à nous de le faire, quotidiennement. Le
chrétien est un homme qui a les pieds sur terre, mais la tête levée vers le
ciel. Il sait que sa vie est orientée, qu’elle a un sens : elle est
destinée à être avec Dieu.
Que l’enseignement donné par Jésus
dans sa parabole nous éclaire ; si nous avions perdu de vue le sens ultime de
notre vie, qu’elle nous serve d’exemple. Que les soucis que nous pouvons avoir
ne nous détournent pas de notre vocation baptismale, mais qu’ils soient une
occasion d’une plus grande confiance en Dieu, une occasion de nous conformer
toujours plus à l’image de notre Créateur, pour qu’en nous il
n’y ait que le Christ. Amen.
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