Vous n’avez pas encore résisté
jusqu’au sang dans votre lutte contre le péché. Le moins qu’on puisse dire,
c’est que l’auteur de la lettre aux Hébreux n’a pas son pareil pour encourager
ses lecteurs. Vous avez un problème avec le péché ? Non, mais
rassurez-vous ce n’est rien ; vous n’avez pas encore résisté jusqu’au
sang dans votre lutte. Bien, ça, c’est dit. Et maintenant, on en fait quoi ?
On relit, et on tâche de bien comprendre.
Commençons par préciser que le péché
dont parle l’auteur de la lettre n’est pas uniquement ce que nous entendons par
là communément aujourd’hui. Il ne s’agit pas uniquement de notre péché
personnel (encore qu’on pourrait l’entendre ainsi) ; il s’agit surtout de
ce péché que subissent les premières communautés croyantes, à savoir la
persécution, la confiscation des biens, le dénigrement… Être chrétien, à l’époque
n’avait rien de reposant. La nouvelle communauté croyante a vite rencontré l’hostilité
et la persécution à des degrés divers. Il fallait un certain courage, et devant
les attaques de l’Ennemi (le Péché), certains pouvaient se décourager, voire
renoncer pour une vie plus confortable, plus calme. Dans ce combat pour garder
la foi au milieu des difficultés quotidiennes dues à un monde hostile au Christ,
l’auteur invite à garder les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au
terme de la foi. Il nous demande de ne pas perdre de vue Jésus, souvent
confronté à l’hostilité au point de finir en croix. Lui a affronté le péché
jusqu’au sang, puisque dans l’acte même de sa mort, c’est le Péché qu’il
affronte. Et il insiste : Méditez l’exemple de celui qui a enduré de la
part des pécheurs une telle hostilité, et vous ne serez pas accablés par le
découragement.
Cela peut sembler presque trop
simple, dit comme cela, mais c’est d’une puissance étonnante en matière de vie
spirituelle. Notre foi ne repose pas sur de grandes idées ; notre foi, ce
ne sont pas quelques règles morales à mettre en pratique ; notre foi, c’est
Jésus, mort et ressuscité, et seulement lui. Garder Jésus au cœur, savoir qu’il
nous accompagne au quotidien, nous souvenir qu’il a donné sa vie pour nous :
voilà de quoi affronter la vie et ses difficultés, puisque nous proclamons que Jésus,
loin d’avoir été vaincu par la Mort et le Péché, a signé sur la croix sa plus
belle victoire. Si la victoire du Diable, c’est de faire croire aux hommes qu’il
n’existe pas, la victoire du Christ, c’était de lui faire croire, au Diable,
que sur la croix, Jésus avait perdu, que son histoire était finie, alors qu’en
fait tout commençait ici. Sa vie publique n’était qu’un échauffement dans ce
grand combat contre le Mal, et sa mort en croix, librement acceptée, devenait
le lieu même de sa victoire. La croix ne le retiendra pas, pas plus que la
tombe. Il est ressuscité et désormais les hommes peuvent avoir la certitude que
le Mal, la Mort et le Péché n’auront plus jamais le dernier mot. La victoire de
Jésus est tellement éclatante qu’elle est déjà notre victoire si le Christ partage
notre vie, si nous laissons au Christ une place dans notre vie.
La difficulté, me semble-t-il, pour
nous, ce n’est pas tant de comprendre la foi chrétienne, mais plutôt d’en faire
l’expérience. Tant que nous n’expérimentons pas dans notre vie la puissance de
la victoire du Christ, nous aurons du mal à comprendre son impact pour nous. Combien
de gens aujourd’hui renoncent à la foi parce qu’ils ont l’impression, non
seulement que cela ne change rien à rien, mais pire que cela complique les
choses. Comme le dit Jésus dans l’Evangile, la foi des uns peut compliquer la
vie de famille : entre ceux qui regrettent que les plus jeunes ne croient
en rien et ceux qui pensent que tout ça, ce sont des histoires de grand-mère,
combien de familles sont divisées à cause de la foi. Je me souviens de ces
parents qui étaient venus me voir parce que leur fille de 8 ans demandait
soudainement le baptême. Ils ne comprenaient pas, affirmant qu’ils « avaient
tout fait pour que cela n’arrive pas ». Mais il a fallu la grand-mère dont
la jeune enfant était proche et qui n’arrêtait pas de le « bourrer le
crâne » avec ses histoires. Deux ans de lutte familiale avant que les
parents ne rendent les armes et acceptent ce baptême auquel leur fille tenait
de plus en plus. Ce n’est pas pour rien qu’il est déconseillé de parler, outre
politique et argent, de religion lors des grands repas de famille, si on veut
que tout se passe bien ! Pensez-vous que je sois venu apporter la paix
sur la terre ? Non, je vous le dis, mais bien plutôt la division.
Faire l’expérience du Christ, c’est
la clé de la foi. Faire l’expérience du Christ, personnellement, c’est la clé
de la lutte contre le péché. Ne vous demandez pas pourquoi vous retombez
toujours dans le même péché, si vous ne vous êtes pas assurés que c’est bien le
Christ qui est au cœur de votre vie. Ne vous demandez pas pourquoi le Mal
semble avoir fait de vous sa proie si le Christ n’est pas au cœur de votre vie.
Pas uniquement dans la tête, de manière intellectuelle ; ni seulement sur
les lèvres, au moment de la prière ; mais bien au cœur, là où se fondent toutes
les grandes décisions de la vie humaine. Cela ne veut pas dire que celui qui a
le Christ au cœur ne sera pas soumis au Mal ; le Diable n’aime pas ceux
qui suivent le Christ. Mais celui qui suit le Christ, celui qui l’a accueilli
dans sa vie, au plus profond, celui-là a un combattant hors pair avec lui,
celui-là sait que la victoire est possible puisque le Christ a déjà vaincu le
Mal.
Dans le Pain de l’Eucharistie que nous
allons partager, nous accueillerons le Christ, nous accueillerons sa force,
nous accueillerons sa vie, nous accueillerons sa victoire, du moins si nous
croyons que c’est bien lui que nous recevons par l’Hostie consacrée. Si ce n’est
que le Pain de l’amitié que nous partageons, il ne se passera rien ; si c’est
le Christ que nous recevons, tout changera dans notre vie, le Péché aura un
adversaire à sa mesure, et nous, une part à la victoire du Christ. Gardons les
yeux fixés sur le Christ ; il nous gardera dans la paume de sa main jusqu’au
jour où il nous accueillera dans la joie de son Royaume. Amen.
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