Faute de texte biblique parlant de
l’Assomption de Marie, donc de sa mort et de sa montée aux cieux dans la gloire
que le Père partage avec le Fils et l’Esprit Saint, la liturgie de l’Eglise
nous fait entendre cette page d’évangile de la visitation comprenant le chant
du Magnificat. Souvent présenté comme le chant-programme de l’enfant que Marie
porte en elle, nous pouvons aussi le considérer comme le chant qui annonce le
destin singulier de Marie, destin qui s’accomplit dans ce mystère de
l’Assomption, et comme le chant qui annonce notre propre destinée.
Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon
esprit en Dieu mon Sauveur ! Le Magnificat commence par ces versets qui
nous disent l’état d’esprit de Marie, sa joie et sa foi en Dieu, au moment où
elle rencontre Elisabeth sa cousine, enceinte elle-aussi, malgré son grand âge.
Toutes deux bénéficient d’une grâce spéciale de Dieu dans l’accomplissement de
son projet de salut. Cette rencontre est la rencontre de deux mondes, la
rencontre du Premier Testament – représenté par Elisabeth et Jean le Baptiste
qui tressaille dans son sein – et le Nouveau Testament – représenté par Marie
et Jésus qui grandit dans son sein – . Mais comment ne pas reconnaître aussi
dans ces versets la joie de Marie au jour où elle est élevée au ciel sans
connaître la dégradation du tombeau ? Cette joie immense de bénéficier
d’une grâce de Dieu, qu’elle a connu dans sa jeunesse, voilà que Dieu la renouvelle
pour elle, au terme de sa vie sur terre. Dans le ciel en fête, je ne doute pas
que Marie ait proclamé à nouveau et sa joie et sa foi en Dieu qui sauve.
Il s’est penché sur son humble
servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse ! Ces autres versets
s’accordent aussi parfaitement à la solennité du jour. En élevant Marie au ciel
sans qu’elle connaisse la dégradation du tombeau, Dieu s’est penché à
nouveau sur Marie, celle qui, humblement avait accepté de porter le Fils
unique de Dieu. Si d’aucun, dès les premiers temps de l’Eglise, la
reconnaissent bienheureuse pour le rôle qu’elle a joué au début de
l’histoire de Jésus, je la reconnais plus volontiers bienheureuse
d’avoir bénéficié de cette grâce particulière qui lui ouvre le ciel au moment
de sa mort. Contrairement à nous, son corps ne connaîtra pas la dégradation, le
pourrissement dans la terre. Elle entre dans la joie de Dieu, corps et âme,
totalement intacte. Nous voyons bien là la permanence de la faveur de Dieu
envers celle qui n’a été que oui à sa Parole, oui à sa volonté de salut.
Comment imaginer que Dieu ne puisse pas récompenser ainsi celle qui a toujours
servi cette volonté de Dieu de sauver tous les hommes ? Le Puissant fait
pour elle aujourd’hui des merveilles ; Saint est son nom !
Si les premiers versets concernent donc
Marie et son destin, les versets suivants nous concernent et nous rappelle que
cette fête de Marie est pour nous un avant-goût de ce que Dieu prépare pour
nous. Ecoutons bien : Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui
le craignent. Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il
renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de
biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Certains
commentateurs ont pu parler, à propos de ces versets, d’une sorte de discours
programmatique de ce que sera l’œuvre de Jésus, le Fils unique de Dieu que
Marie porte en son sein. En lisant les évangiles, nous sommes effectivement
témoins, à de nombreuses reprises, de l’œuvre de salut entreprise par Jésus. Il
guérit les malades, libère les possédés, nourris les foules affamées, il donne
les enfants, humbles par excellence, en exemple, laisse partir le jeune
homme riche qui ne peut se défaire de ses biens malgré son désir sincère de
suivre Jésus. Mais ces versets dépeignent aussi parfaitement de nombreux
retables et porches d’églises ou de cathédrales représentant le jugement
dernier. Là nous voyons les humbles, les pauvres être accueillis dans le
Royaume alors que sont renvoyés vers la gueule de l’enfer des gens riches, des
têtes couronnées ou mitrées… Le Magnificat est bien le chant de la fête de
l’Assomption parce que cette fête, au-delà de célébrer la gloire de Marie,
annonce à chacun de nous notre propre destinée. Ce qui se passe pour Marie, à
savoir partager la gloire de Dieu pour toute éternité à partir du moment de la
mort, cela peut se passer pour nous, si nous renonçons à notre superbe,
si nous renonçons à nos désirs de puissance sur les autres pour
davantage nous mettre à leur service, si enfin nous renonçons à être riches
en exploitant les autres ou en les dominant. Le Royaume de Dieu appartient aux
humbles de la terre.
Les derniers versets du Magnificat
confirment cela en rappelant les promesses de Dieu : il relève Israël
son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères,
en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. Comme ils sont beaux et
pleins d’espoir pour nous ces derniers versets. Ils redisent la miséricorde de
Dieu envers son peuple, peuple de Dieu mais peuple pécheur relevé par
Dieu, pardonné par lui. Ils redisent la valeur des promesses de Dieu faites au
long de l’histoire du salut ; ils redisent son désir exprimé à Abraham
jadis : lui donner une descendance nombreuse, un seul peuple, totalement
acquis à Dieu. Il nous faut désirer être de ce peuple, et vivre de son amour
ici-bas pour partager cet amour par-delà la mort avec tous les humbles de la
terre, avec tous ceux et celles qui formeront l’Israël véritable, le peuple que
Dieu s’est acquis au prix du sang de son Fils unique.
Il n’y avait pas de meilleur choix
possible pour cette fête de la Pâques en plein été, Pâques de Marie notre Mère,
annonçant notre Pâques, notre propre passage de la mort à la vie. Nous en
connaissons maintenant mieux les conditions, le Magnificat nous les ayant
rappelées. Avec Marie, réjouissons-nous, et exultons de joie en Dieu notre
Sauveur. Amen.
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