Quand rien ne va plus, en revenir au projet des origines, toujours.
J’ai bien conscience que nous vivons un dimanche particulier cette année, suivi d’une semaine difficile dont j’espère qu’elle ne se reproduira plus à l’avenir. Ce dimanche particulier, c’est le dimanche où nous allons prier pour toutes les victimes d’abus sexuels dans l’Eglise ; la semaine difficile, c’est la semaine où sera révélée par la CIASE, l’ampleur du désastre. Nul doute que nous serons secoué tant la mise en lumière sera crue. Mais c’est la responsabilité de l’Eglise dans sa totalité d’affronter cette vérité pour qu’elle puisse retrouver une crédibilité que d’aucun dise perdue. Il me semble alors heureux que la liturgie de ce vingt-septième dimanche nous fasse comprendre ce qu’il convient de faire quand ce que nous vivons ne correspond plus au projet initial de Dieu.
Je suis toujours surpris que, pour mettre à l’épreuve Jésus, le chantre de l’amour, les pharisiens osent l’interroger sur ce qu’il convient de faire quand l’amour ne fonctionne plus. Car pour quelle autre raison un mari pourrait-il bien vouloir renvoyer sa femme ? Il ne l’aime plus ou il en aime une autre davantage, et comme il ne peut avoir les deux, il se débarrasse de celle qu’il aime moins. Par souci de parité, je rappelle à toutes fins utiles que, de nos jours, cela peut aussi fonctionner dans l’autre sens, à savoir la femme qui se débarrasse de son mari. Cela montre bien les progrès de la société. Enfin bref, ne nous égarons pas. Jésus renvoie ses adversaires du jour à la Loi de Moïse qui a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. Mais il ne se contente pas de cela. Il rappelle qu’il y avait un projet de Dieu qui est tout autre que ce que Moïse a permis en raison de la dureté du cœur des hommes. Et ce projet était un projet d’amour éternel, d’amour qu’on ne peut pas rompre, à cause de l’engagement de Dieu dans toute cette histoire.
Nous l’avons entendu, dans l’extrait de la Genèse : Dieu donne à l’homme une femme, os de ses os, chair de sa chair, c’est-à-dire son égale, différente mais complémentaire. A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. A cette citation directe du Livre de la Genèse, Jésus ajoute aussitôt : Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! Quelqu’un peut-il en effet se défaire de la moitié de lui ? Aussi dure que semble être la parole de Jésus, il nous faut l’entendre. Si le mariage n’était qu’un contrat entre des humains, nous pourrions satisfaire à la règle des humains qui reviennent sur leur parole quand ils n’en sont plus satisfaits. Mais puisque la moitié de ce Un que forment les époux est un don de Dieu, comment dire à Dieu : reprends ton don ? Comment dire à Dieu que sa parole d’alliance, il doit la reprendre ? Aucun homme n’a ce pouvoir.
Il nous faut alors entendre de la même manière la suite du texte qui concerne les enfants. Des gens présentaient à Jésus des enfants pour qu’il pose la main sur eux. Quiconque a un peu de culture biblique aura reconnu dans ce geste de « poser la main sur », le geste de bénédiction. Jésus ne s’y trompe pas, lui qui finit par bénir ces enfants. Ceci appelle une première remarque : sans doute, dans l’histoire, aura-t-on confondu « poser la main sur… » en vue de bénir, et « mettre la main sur… ». Ce n’est pas la même chose exprimée autrement. Mettre la main sur quelqu’un, c’est vouloir le posséder. Et cela, ce n’est pas possible. Personne ne peut posséder quelqu’un, pas même un enfant. L’enfant n’est pas à posséder, l’enfant est à protéger, en lui accordant la bénédiction de Dieu, c'est-à-dire une parole bonne au nom de Dieu, pour lui dire la tendresse de Dieu et sa bienveillance à son égard : d’où le fait que Jésus les embrasse. Certains voudraient sans doute, pour prévenir d’autres abus, qu’il n’y ait plus d’enfants à proximité de l’Eglise ou des membres de l’Eglise. Ce n’est pas le projet de Jésus, au commencement. Quand les disciples cherchent à repousser les enfants, Jésus se fâcha et leur dit : Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent. Si le royaume de Dieu est promis à tous ceux qui leur ressemblent, sans doute est-ce là une indication que les enfants n’y risquent rien, que c’est un lieu sûr pour eux. Et de fait, si tel est le royaume de Dieu, telle doit être l’Eglise dès ici-bas : un lieu sûr pour les enfants, un lieu où les enfants reçoivent une bénédiction et donc l’assurance d’être protégés et accueillis par Dieu. Que des prêtres, des sacristains, des organistes… aient pu abuser des enfants et détruire ainsi leur avenir doit nous être insupportables à tous. Et l’engagement à veiller à ce que cela n’arrive plus doit être notre combat commun. En cela, le rapport, qui sera remis mardi aux évêques qui l’ont commandé, est une étape essentielle dans la reconnaissance de la souffrance des victimes, de la juste réparation qui leur est due, et d’un engagement ferme de nous tous, de veiller davantage encore à la sureté de tous dans tous les lieux d’Eglise. Plus jamais ça !
Le
retour au projet initial de Dieu pour les hommes, les femmes et les enfants
doit toujours être notre horizon et notre engagement permanent. Rien ne doit nous
détourner de ce projet. Dans la réalisation de ce projet se trouve notre salut.
Et seulement là, car Dieu ne bénit que le bien fait. Tout le reste est à condamner,
fermement. Amen.
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