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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 25 décembre 2021

Noël - Messe du jour - 25 décembre 2021

 Le Verbe s'est fait chair ! 




(Arcabas, Nativité, détail)


        Le Verbe s’est fait chair. Quand je vois le mot écrit, je comprends bien ce que veut nous dire l’évangéliste Jean. Mais quand un quidam nous entend dans la rue dire : Le Verbe s’est fait chair, qu’entend-t-il au juste ? Que comprend-t-il ? A l’audition, le son « chair » peut avoir plusieurs sens dont il nous est permis de jouer. et je ne vais pas m'en priver !  

            Le Verbe s’est fait chair (c-h-a-i-r). C’est la manière qu’à Jean de dire que Dieu, en Jésus, est devenu l’un de nous. C’est tout le mystère de Noël qu’il exprime ainsi. Dieu, celui que personne n’a vu, se rend visible à nos yeux dans un corps semblable au nôtre. C’est ce que chante la première préface de la Nativité lorsqu’elle affirme : La révélation de ta gloire s’est éclairée pour nous d’une lumière nouvelle dans le mystère du Verbe incarné. Maintenant, nous connaissons en lui Dieu qui s’est rendu visible à nos yeux. La deuxième préface va dans le même sens lorsqu’elle fait chanter au célébrant :  Dans le mystère de la Nativité, celui qui par nature est invisible s’est rendu visible en notre chair. Il nous faut donc bien admettre cette réalité : celui qui est au-delà de tout, celui qui est le tout-autre est devenu l’un de nous, il s’est fait comme nous. Et s’il s’est fait comme nous, c’est pour que nous puissions devenir comme lui. C’est ce que rappelle la troisième préface de la Nativité : lorsque ton Verbe prend sur lui la fragilité humaine, notre condition mortelle en reçoit une infinie noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels. Quand Dieu devient homme, l’homme retrouve en lui sa capacité à être capable de Dieu, sa capacité à être comme Dieu. L’appel de Dieu adressé à l’humanité (Soyez saint comme je suis saint) trouve ici, dans l’incarnation du Fils unique, la possibilité d’une réponse favorable de la part de l’humanité. 

            Le Verbe s’est fait chair (c-h-a-i-r). Certaines traductions bibliques se croient obligées de préciser dès le début du prologue que le Verbe, c’est la Parole de Dieu. ce qui donne dans certaines bibles : Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu. Peut-être s’agit-il là d’une habitude bien française qui découle de la difficulté pour l’homme moderne de penser autrement que paresseusement. N’est-ce pas, si vous ne lui expliquer pas tout dans le menu détail, il ne comprendra rien. Et s’il ne comprend rien, ce n’est pas sa faute, ce n’est pas parce qu’il ne cherche pas à comprendre, mais parce que vous lui parlez de manière trop compliquée. Pour certains, il faudrait changer tout le vocabulaire religieux parce qu’il ne correspond plus à l’air du temps. Donc, tout le monde aura compris ce matin que quand Jean dit : le Verbe s’est fait chair, il nous dit en fait que la Parole de Dieu s’est faite chair. C’est un gros progrès depuis les prophètes ; eux ne faisaient que redire la Parole d’un autre. Mais quand Jean dit : Le Verbe (la Parole de Dieu) s’est fait chair, il nous dit que celui qui s’incarne est en fait la Parole de Dieu ; il ne répète pas ce que dit Dieu, il parle Dieu, il est Dieu. et là, cela se complique pour l’homme. Tant que la Parole était redite, répétée par d’autres, on pouvait dire qu’on a mal compris, qu’ils ont mal transmis ce que Dieu avait dit ; mais quand Dieu lui-même parle, en face-à-face avec les hommes, quelle excuse vont-ils trouver pour ne pas le suivre ? Saint Ephrem avait raison de dire que le Verbe de Dieu s’est fait chair par l’oreille ; que Marie est tombée enceinte par l’oreille. C’est en écoutant Dieu qu’elle a mis au monde le Fils unique de Dieu, le Verbe de Dieu. Pour engendrer la Parole, elle a d’abord dû écouter cette Parole et la prendre au sérieux. En ce sens, nous pourrions dire que le verbe s’est fait chaire (c-h-a-i-r-e), lieu de la proclamation de la Parole de Dieu. Cela nous renvoie alors à tout l’enseignement de Jésus quand, devenu grand, il parcourra les routes pour enseigner les hommes qui cherchent Dieu. Le Dieu qui se fait homme (chair, c-h-a-i-r) se fait aussi enseignant (chaire, c-h-a-i-r-e). vous me suivez jusque-là ? Alors continuons encore un peu. 

            Le Verbe s’est fait chair, à l’audition, peut encore se comprendre de deux manières, comme dans ce court dialogue : « Ah, votre cher défunt, quel homme il était ! Ce à quoi l’auditeur répond : vu le prix des funérailles, vous avez raison de de dire : notre cher défunt ! Si l’orthographe n’est pas la même que dans l’affirmation de Jean, à l’audition, la méprise est doublement possible. Occupons-nous de celle qui soulignerait l’aspect économique de la chose : le Verbe s’est fait cher et depuis il est hors de prix ! Au-delà du jeu de mots, cette affirmation nous ouvre une réelle perspective théologique. Voyez-vous, le Verbe ne s’achète pas, mais il a un prix. Et ce prix, c’est l’humanité. Le Verbe ne s’achète pas ; le Verbe rachète l’humanité. Et cela lui coûtera sa vie, pour ceux qui s’interrogent sur le prix du Verbe. C’est un grand prix, la vie d’un innocent pour racheter des coupables. On peut dire que le Verbe a fixé son prix : l’humanité tout entière, au point que vous ne pouvez pas prendre le Verbe sans prendre aussi toute la tribu, toute l’humanité. Accueillir le Verbe de Dieu dans ta vie, c’est accueillir tout humain qui croisera ta route comme un frère, comme un autre Verbe de Dieu. Personne ne peut plus séparer le Verbe fait chair (c-h-a-i-r) de l’humanité qu’il est venu racheter à grand prix, chèrement. 

            Pour finir avec mes jeux de mots, permettez-moi un vœu puisqu’il reste une manière d’interpréter ce que nous dit Jean. Mon vœu, c’est que le Verbe devienne cher (c-h-e-r) à notre cœur, cher au cœur de tout homme, chaque jour.  Que nous ayons plaisir à le rencontrer, plaisir à l’écouter, plaisir à le suivre. Qu’il soit notre cher et tendre qui nous attire vers Dieu et nous garde du Mal. N’est-ce pas pour cela que le Verbe s’est fait chair (c-h-a-i-r) ? Qu’il soit toujours davantage pour nous ce qu’il est en lui-même :  notre vie et notre lumière. Amen.

vendredi 24 décembre 2021

Noël - Messe de Minuit 25 décembre 2021

 Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! 





(Arcabas, Vierge à l'Enfant, trouvé sur internet)



            L’annonce a retenti dès la lecture du prophète Isaïe : Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Dans une Eglise que certains disent remplie de pédo-criminel, il fallait oser une telle annonce ! Sans compter sur le fait que c’est cet enfant, ce fils donné qui va rétablir le droit et la justice. Nous pouvons alors vraiment nous réjouir de cette naissance, car c’est en se plaçant sous le règne de cet Enfant nouveau-né, que l’Eglise trouvera ( ou retrouvera) son salut. 

            Le gros mot est lâché : trouver notre salut. En fait, il serait plus juste de dire qu’avec cet Enfant, nous accueillons notre salut, c'est-à-dire que nous reconnaissons que nous avons besoin d’être sauvés. Il nous faut bien comprendre que toute cette histoire est d’abord un don, un don de Dieu. Hors lui, pas de salut possible ! Paul le dit bien à son ami Tite : La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. Quelle que soit l’histoire de celui qui est touché par la grâce, il sera sauvé. Cela n’excuse rien, mais cela engage à vivre désormais selon ce que la même grâce propose : renoncer à l’impiété et aux convoitises du monde, vivre dans le temps présent de manière raisonnable, avec justice et piété dans l’attente de la manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. Cet enfant nouveau-né est bien celui que Dieu envoie pour le salut de tous les hommes. Cet enfant nouveau-né est celui qu’il nous faut accueillir maintenant et suivre chaque jour de notre vie. Sans doute certains l’avaient-ils oublié ! Le fait que Dieu lui-même entre dans le monde comme un humain, en se faisant enfant, le fait qu’il ne soit visité en premier que par des bergers, des marginaux, ces faits donc nous rappellent que ce sont les petits, les faibles, les exclus qui nous évangélisent et nous renvoient sans cesse à notre devoir de croyants : protéger celui qui est faible, venir en aide à celui qui est dépossédé de lui-même. Dieu qui se fait enfant, le Tout-Puissant qui se fait le tout-faible : voilà un trésor que nous devons chérir et qui doit sans cesse nous redire où est notre mission. Dieu qui se fait enfant, le Tout-Puissant qui se fait le tout-faible : voilà qui doit nous faire comprendre que l’Eglise, le peuple que Dieu rassemble autour de son Christ, ne peut être qu’un lieu de sureté pour les tout-petits, les tout-faibles. Le scandale des abus de toutes sortes qui ont eu lieu dans l’Eglise modifie notre approche de cette fête de Noël et remet de l’ordre dans nos priorités. Si Dieu se fait enfant, si le Tout-Puissant se fait le tout-faible, alors ceux qui croient en lui, quelle que soit leur place dans l’Eglise, doivent avoir à cœur le respect et la protection de tous les petits, de tous les faibles dont Dieu lui-même s’est fait proche en ce soir de Noël. 

            Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Ne boudons pas notre joie ce soir. Retrouvons le goût de la fête devant ce Dieu qui se fait tout-petit pour que nous puissions devenir tout-grand en amour, tout grand en respect, tout grand en attention donné à celui qui en a le plus besoin. Car il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. Que ce soit là notre désir le plus grand ; que ce soit là notre unique manière de montrer que nous croyons en Christ, Dieu devenu enfant pour nous sauver. Amen.   

Noël - Messe de la veille au soir - 24 décembre 2021

 En cette nuit, Dieu épouse l'humanité.



(Arcabas, Le songe de Joseph, trouvé sur internet)



        Tout au long de l’Avent, nous avons entendu les prophètes parler aux gens de leur époque, leur annonçant une grande joie après l’épreuve de l’Exil qui avait lourdement affecté le peuple, le faisant s’interroger sur la place de Dieu dans sa vie. Devant ce qui reste une catastrophe absolue pour l’homme croyant, les prophètes annoncent la venue d’un Messie qui rendra au peuple sa liberté.  Les croyants au Christ des premières générations, juifs d’origine faut-il le rappeler encore, ont vite fait de lire dans ces annonces d’un Sauveur envoyé par Dieu, l’annonce même de la venue de Jésus en notre monde. C’est la lecture qu’en fait Paul dans l’extrait des Actes des Apôtres que nous avons entendu : De la descendance de David, Dieu, selon la promesse, a fait sortir un sauveur pour Israël : c’est Jésus, dont Jean le Baptiste a préparé l’avènement. Ce soir, c’est cette lecture que toute l’Eglise fait en célébrant la naissance de son Sauveur, Dieu fait homme en Jésus Christ. 

            Nous pouvons alors relire le prophète Isaïe à l’aune de cette même interprétation chrétienne. Le prophète annonce à son peuple que le temps de la désolation, le temps de l’Exil est terminé : On ne te dira plus : ‘Délaissée !’ A ton pays, nul ne dira plus : ‘Désolation !’ Toi, tu seras appelée ‘Ma Préférence’, cette terre se nommera ‘L’Epousée’. Le prophète reprend ici une thématique connue depuis le prophète Osée, celle des épousailles entre Dieu et l’humanité. Puisque l’homme s’était détourné de Dieu par ses trop nombreux péchés, nous apprend le prophète Osée, Dieu fera le choix de séduire à nouveau l’humanité et de la reprendre pour Epouse, quand bien même elle s’est montrée infidèle en se donnant à d’autres dieux. Si l’Eglise, en cette première messe de la fête de Noël nous fait entendre ce passage d’Isaïe, nous pouvons considérer qu’un des sens de cette fête est bien celui des noces de Dieu avec son peuple. En ce faisant homme en Jésus, Dieu vient à la rencontre de l’humanité pour une Alliance nouvelle, l’Ancienne Alliance ayant été rompue par le péché des hommes. Ce soir, Dieu épouse l’humanité : Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. Il faut remarquer ici que la joie de ce jour n’est pas d’abord la joie de l’humanité, mais bien celle de Dieu. Quand Dieu envoie son Fils dans le monde, il en est le premier heureux, parce que, par ce Fils, se réalisera son projet d’amour et de salut pour tous les hommes. Cette joie de Dieu est appelée à devenir notre joie. Comment, en effet, ne pas se réjouir devant la naissance de Celui que Dieu envoie pour nous sauver ? 

            Nous pouvons puiser notre joie dans cette longue succession de noms d’hommes et de femmes qui ont essayé, chacun à leur mesure, de vivre cette Alliance avec Dieu. La longue généalogie de Jésus, que l’on appelle Christ, nous rappelle chaque année que nous ne venons pas de nulle part et que nous n’allons pas nulle part. Nous-mêmes enfants de Dieu par le Fils unique Jésus Christ, nous venons de Dieu et nous allons vers Dieu. Nous sommes cette nouvelle génération qui a commencé avec la naissance de Jésus. Nous sommes celles et ceux qui ont à prolonger et à faire vivre ce monde nouveau inauguré par la naissance de Jésus. A l’image de Joseph, nous ne devons pas craindre de prendre chez nous Marie, la Mère de notre Sauveur, et l’enfant qui est engendré en elle et qui vient de l’Esprit Saint. L’Enfant de la crèche que nous accueillons en cette nuit ne doit pas nous rester extérieur ; cette nuit ne doit pas être juste une nuit de fête sitôt oubliée quand viendra le jour suivant. Cette nuit doit nous introduire réellement dans ce grand projet de salut de Dieu, projet qu’il a conçu pour nous. Nous sommes concernés par la naissance de cet Enfant-Dieu. Notre vie doit se laisser affecter par cette naissance, même si nous n’y comprenons pas grand-chose. Ce soir, Dieu fait le choix de se rendre présent à notre vie. Ce soir, Dieu entre à nouveau dans notre vie comme il l’a fait au jour de notre baptême. Ce soir, en nous offrant son Fils, Dieu nous fait comprendre qu’il attend de nous que nous soyons ses fils à l’image de cet Enfant nouveau-né. Quand nous contemplons une crèche, n’y voyons pas que l’illustration d’un événement merveilleux, mais aussi le signe que Dieu se donne à nous et qu’il attend que nous nous donnions à lui. 

            En contemplant le visage de l’Enfant Jésus, contemplons le visage de Dieu qui vient à nous. Contemplons aussi dans ce visage, le visage des frères qu’il met sur notre route. Puisque Dieu s’est fait humain en Jésus, chaque humain porte en lui le visage de Dieu. En servant nos frères, en particulier les plus petits, les plus faibles, c’est Dieu lui-même que nous servons. Que cette nuit, qui nous permet d’accueillir et d’épouser Dieu, nous permette aussi d’accueillir et d’épouser toute l’humanité en qui Dieu se révèle, en qui Dieu vit. Entrons dans une fidélité renouvelée à l’Alliance que Dieu nous propose en vivant une charité réelle avec tous. Amen.

samedi 18 décembre 2021

4ème dimanche de l'Avent C - 19 décembre 2021

 Avec Marie et Elisabeth, accueillir Celui qui vient.





            En ce dernier dimanche de l’Avent, nous croisons la route de Marie et de sa cousine Elisabeth, deux autres figures de ce temps de préparation à Noël. Marie, cela va de soi puisqu’elle a été appelée à être la Mère du Fils de Dieu ; que nous la rencontrions durant l’Avent n’a donc rien d’extraordinaire. Elisabeth, sa cousine, enceinte dans sa vieillesse de Jean le Baptiste, c’est déjà moins commun. Ni elle, ni le fils dont elle est enceinte, ne jouent un rôle prépondérant dans ce temps de gestation. La mission de Jean le Baptiste, personne n’y pense encore. Et pourtant… 

            Cette scène de la Visitation est comme un passage de témoin entre la vieille Elisabeth, la figure de la Première Alliance et Marie, la figure par qui la Nouvelle Alliance peut émerger. Cette rencontre pourrait s’appeler : quand l’Ancien Testament rencontre, par avance, le Nouveau Testament. Ces deux femmes, l’une jeune, l’autre vieille, toutes deux enceintes « miraculeusement », se rencontrent au moment précis où l’Histoire des hommes va basculer vers quelque chose de neuf. Luc ne s’y trompe pas quand il rapporte l’événement. Au-delà de la joie d’Elisabeth de rencontrer sa cousine, il y a une autre rencontre qui se joue déjà, celle entre les deux cousins : Jésus et Jean le Baptiste : Lorsque tes paroles de salutations sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Si les tableaux occidentaux représentent cette scène par deux femmes se saluant, les icônes de nos frères orthodoxes vont quelquefois jusqu’à représenter les deux cousins dans le sein de leur mère respective, Jean s’inclinant profondément devant le Christ. Au-delà de la visite de courtoisie, c’est une visite hautement théologique qui se déroule sous nos yeux. Le discours d’Elisabeth ne laisse aucun doute à ce sujet : D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?... Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Rappelons ici que Marie et Elisabeth ne se sont échangées ni appel téléphonique, ni sms pour se partager la bonne nouvelle. Et pourtant Elisabeth est capable de reconnaître et de reconstituer ce qui s’est joué à l’Annonciation : un ange envoyé par Dieu annonçant à Marie sa maternité prochaine et l’acceptation par celle-ci de ce projet divin. Elle a compris « instinctivement » ce que Joseph n’avait pas su comprendre quand il avait formulé le projet de répudier sa promise en secret.

            Cette visitation achève de rappeler aux hommes que le Maître de l’Histoire, c’est Dieu. Elle rappelle aux hommes que Dieu fait comprendre son dessein de salut à qui il veut bien le révéler. Elle nous dit aussi que chacun, quel que soit son âge, peut vivre une fidélité à Dieu telle, qu’il peut sans crainte entrer dans le projet que Dieu porte pour lui. Ni Marie, ni Elisabeth n’ont sans doute saisi d’emblée la portée de ce qu’elles étaient invitées à vivre, mais toutes deux ont accepté, toutes deux ont cru. Si l’on rapproche alors leur attitude de celle des époux, Joseph, le charpentier pour Marie et Zacharie, le prêtre, pour Elisabeth, on pourrait même en déduire que les femmes ont un avantage certain. Non pas qu’elles soient plus crédules, mais certainement plus attentives à la dimension spirituelle de notre existence. Elles semblent comprendre plus vite quand Dieu fait irruption dans leur vie. Cette Visitation nous rappelle enfin que Dieu accomplit ses promesses. Il tient parole. Il ne fait pas de promesse pour nous endormir ou nous rassurer ; quand Dieu promet, il s’engage ; quand Dieu promet, il réalise. Son projet de sauver tous les hommes, le moment est venu de le réaliser, et c’est ce Fils qui grandit dans le sein de Marie qui en sera l’acteur principal. Le temps de l’accomplissement a commencé. Marie l’incarne, Elisabeth le reconnaît et le proclame. 

            Au-delà du souvenir d’une visite ancienne pour nous, ce passage d’Evangile nous interroge forcément sur notre rapport à la promesse que Dieu nous fait de nous sauver. Sommes-nous dans la confiance comme Marie et Elisabeth ou remplis de doute comme Joseph et Zacharie ? Acceptons-nous, comme ces deux femmes, d’être des acteurs de la réalisation de ce salut, ou attendons-nous que les événements se passent, sans trop nous mouiller, juste assez pour être sauvés ? De Marie et Elisabeth, nous pouvons apprendre à accueillir dans la confiance Celui qui vient. Si l’on peut considérer qu’il vient bouleverser notre vie, nous pouvons aussi considérer qu’il vient la rendre plus belle : la joie de Marie et d’Elisabeth peuvent nous en convaincre. Avec elles, entrons dans le projet de Dieu ; avec elles, réjouissons-nous de celui qui vient. Il vient faire toute chose nouvelle ; il vient inaugurer un monde nouveau. Heureux sommes-nous de croire, nous aussi, à l’accomplissement des paroles qui furent dites aux hommes de la part du Seigneur. Amen.

samedi 11 décembre 2021

3ème dimanche de l'Avent C - 12 décembre 2021

 Jean le Baptiste, l'homme des passages.






            A côté des prophètes de la Première Alliance, il y a un autre personnage qui domine le temps de l’Avent : c’est Jean le Baptiste. Deux dimanches lui sont consacrés durant ce temps de préparation à Noël au point qu’il est quelquefois difficile de faire comprendre que si Jean annonce bien la venue du Messie, il n’en annonce pas pour autant la naissance. Quand Jean paraît dans le désert, Jésus lui-même est déjà grand et en passe de commencer son ministère. C’est un personnage intéressant, parce qu’il aurait pu tirer partie de sa notoriété, du fait que les foules venaient se faire baptiser par lui. Il n’en fait rien ! Au contraire, Jean reste à la place qui est la sienne, celle à laquelle Dieu l’a appelé : il est l’homme des passages. 

            Il est l’homme des passages parce qu’il ne garde pas auprès de lui ceux qu’il baptise. Il les renvoie dans leur vie. Les foules viennent vers lui pour se faire baptiser, mais aussi pour le consulter : Que devons-nous faire ? J’aime la sobriété de la question. Ce n’est pas une question religieuse d’abord au sens où ceux qui viennent vers Jean chercheraient comment entrer dans le Royaume, par exemple. Cette question : Que devons-nous faire ? est d’abord une question existentielle : comment devons-nous vivre ? Les foules viennent à Jean comme elles iraient vers un sage. Est-ce sa peau de chameau, sa vie plutôt austère qui les attirent, qui le font reconnaître comme un sage ? Nous n’en savons rien. Ce que disent les évangélistes, c’est que des foules viennent à lui et Luc nous dit aujourd’hui qu’il les renvoie dans leur existence : Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! Ce n’est même pas une leçon de morale, mais juste des pistes pour un mieux vivre ensemble, une manière de concevoir sa vie comme étant liée à celle des autres, une manière de concevoir son bonheur comme lié au bonheur des autres. Cela se vérifie avec son adresse aux collecteurs d’impôts et aux soldats. Aux premiers, il recommande de n’exiger rien de plus que ce qui est fixé ; et aux seconds, il recommande un respect des autres (Ne faites de violence à personne, n’accusez personne à tort) et de savoir se satisfaire de ce qu’ils ont (Contentez-vous de votre solde). Là encore, ce n’est pas une leçon de morale, mais une indication pour vivre mieux avec les autres. Jean veut faire passer les hommes et les femmes de son temps dans un monde nouveau où le profit, la violence, le mensonge n’ont pas cours. 

            Jean est encore l’homme des passages lorsqu’il renvoie vers un autre. Il ne joue pas à être celui qu’il n’est pas. Il aurait pu en profiter pour jouer à la star : le peuple était en attente et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Il lui eut été facile d’aller dans le sens de la foule ; elle l’aurait sans doute suivi s’il avait joué au Christ ! Mais quand on est l’homme des passages, on renvoie vers celui que l’on annonce : Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Il ne revendique rien pour lui ; il ne réclame même pas une reconnaissance particulière ; il pointe vers un autre. Me vient à l’esprit la belle représentation de Jean le Baptiste du retable d’Issenheim. Il est au pied de la croix, le doigt pointé vers le Crucifié. Ce n’est pas Jean qu’il faut regarder ; c’est le Christ. L’homme des passages est aussi l’homme qui s’effacera quand il aura baptisé celui qu’il a annoncé. Il nous indique ainsi le rôle du vrai disciple : faire voir le Christ, le donner à rencontrer, sans se mettre en avant. Il ne se place même pas en modèle à suivre. Il dit comment il faudrait vivre ; il dit qui il faut suivre. Là s’arrête sa mission. On pourrait appliquer à Jean la parole de Bernadette Soubirou : on m’a chargé de vous le dire, pas de vous le faire croire. Ceux qui viennent vers Jean sont libres de suivre ses conseils ou pas. Mais s’ils choisissent de les suivre, ils vivront mieux ; ils seront signe qu’un autre monde est possible et que ce monde commence maintenant, avec eux. Jean le Baptiste, celui qu’on vient voir comme on va consulter un sage, renvoie vers un autre comme l’ont fait avant lui tous les prophètes. Comme eux, il transmet fidèlement au peuple la Bonne Nouvelle. Comme eux, il renvoie vers cet Autre qui viendra de Dieu. Que les gens l’écoutent ou pas, peu importe après tout. Il annonce, il indique, il oriente ; les gens disposent. 

            Annonçant la venue du Christ, Jean est enfin l’homme des passages en clôturant en quelque sorte le Premier Testament. Homme des passages, il est l’homme du seuil qu’il faut franchir pour entrer dans ce monde nouveau que le Christ vient inaugurer. Comme Moïse, il contemplera, de sa prison, ce monde nouveau qui germe, mais n’y entrera pas. Il ne pourra pas marcher à la suite du Christ, mais lui aura grandement préparé le chemin. Son rôle est irremplaçable dans ce grand projet de salut de Dieu pour les hommes. De Jean, apprenons à vivre mieux les uns avec les autres ; par lui, découvrons le Christ qui se tient à notre porte ; comme lui, annonçons la Bonne Nouvelle pour que le monde se convertisse et qu’il croit. Et souvenons-nous que ce monde nouveau que le Christ a inauguré se construit avec nous, dès maintenant. Amen.

samedi 4 décembre 2021

2ème dimanche de l'Avent C - 05 décembre 2021

 En ces temps troublés, recevons de Baruc une espérance renouvelée.





Lire les prophètes, pour un chrétien, est un exercice toujours difficile. Nous avons tellement l’habitude de les considérer comme des voyants annonçant le futur, plus exactement la venue de Jésus, que nous en oublions qu’ils ont été appelés par Dieu à une époque donnée pour dire sa Parole à un peuple donné. Les prophètes, au moment de leur ministère, n’annoncent pas Jésus. Même Jean le Baptiste ; il annonce la venue de quelqu’un qui viendra après lui, mais il n’identifiera ce quelqu’un avec Jésus que lorsque Jésus viendra à lui pour se faire baptiser. Ce n’est pas mal de faire une relecture chrétienne des prophètes, mais pour bien comprendre leur message, il vaut mieux d’abord nous plonger dans l’époque à laquelle ils ont vécu.

Ainsi en est-il du prophète Baruc. Secrétaire du prophète Jérémie, il écrit un livre à destination des Juifs de la Diaspora. Jérusalem, la cité de Dieu, a été détruite. Le peuple juif est dispersé. Il y a ceux qui ont fui en Egypte par exemple, et surtout l’immense majorité qui a été déportée à Babylone. C’est la catastrophe absolue, Israël n’ayant plus rien de tout ce que Dieu avait donné : plus de terre, plus de Loi, plus de roi. Ce n’est pas le grand remplacement qu’Israël a vécu mais le grand anéantissement. Quand il ne reste rien, comment espérer encore ? quand il ne reste rien, pourquoi croire encore ? Les prophètes qui vont accompagner le peuple en exil, comme ceux qui accompagnent les réfugiés dans d’autres nations, vont relire l’histoire d’Israël, rappeler la promesse de Dieu, annoncer l’espérance d’un retour. Baruc le fait dans ce magnifique passage entendu, dans lequel il s’adresse à la ville détruite de Jérusalem comme à une personne vivante : Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère, et revêts la parure de la gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu, mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Eternel. Revêtue de Dieu, la ville retrouvera sa splendeur première. Ce qui est remarquable dans ce passage, c’est que Jérusalem n’est pour rien dans ce retour de ses enfants. Si elle fut la cause de sa chute, s’étant tournée vers d’autres dieux, son relèvement sera l’œuvre de Dieu seul. C’est la miséricorde de Dieu et sa justice qui valent à la ville sa restauration. Alors que l’on avait pu croire que Dieu s’était détourné de son peuple et qu’il l’avait abandonné, voilà qu’est réaffirmé le projet de salut, le projet de bonheur que Dieu porte pour son peuple depuis les origines. C’est Dieu qui est à la manœuvre : Tu les avais vus partir à pied, emmenés par les ennemis, et Dieu te les ramène, portés en triomphe, comme sur un trône royal. C’est bien ce qui sera réalisé avec l’avènement du roi Cyrus, le Perse, qui libèrera les peuples opprimés par Babylone. 

En relisant ainsi le prophète dans son contexte, comment ne pas y voir un signe pour notre Eglise, qui vit comme en exil d’elle-même depuis la publication du rapport de la CIASE et les nombreux soubresauts que ce rapport a entraîné. Des chrétiens ont quitté l’Eglise ; parmi ceux qui sont restés, il y a un malaise certain et normal. Pour une part, c’est le grand anéantissement de l’Eglise telle qu’elle s’était imaginée. Comme le peuple d’Israël au temps de l’Exil, elle doit retrouver sa fidélité au Dieu unique et vrai. Comme le peuple d’Israël au temps de l’Exil, elle doit remettre la Parole de Dieu et le souci des petits au cœur de sa vie. Comme Israël avant l’Exil, elle n’a pas su lire les signes avant-coureurs de la catastrophe. La relecture des prophètes nous permet alors de comprendre que ce qui était vrai jadis, reste vrai aujourd’hui encore. Si le péché du peuple de la Première Alliance, péché qui a entraîné la chute de Jérusalem, a été pardonné par Dieu, le péché de l’Eglise le sera aussi. Le temps appartient désormais à Dieu ; il décidera quand sera venu le temps de la Rédemption, quand sera venu le temps d’abaisser à nouveau les hautes montagnes et les collines éternelles que notre péché a élevé. Si nous ne savons pas quand cela arrivera, nous pouvons toutefois conserver cette espérance : Dieu n’abandonne jamais son peuple, et si la période actuelle peut nous sembler lourde et cruelle, n’oublions pas celles et ceux pour qui l’Eglise a été lourde et cruelle. La miséricorde de Dieu et sa justice doivent désormais passer. Nous devons retrouver, non pas la splendeur de l’Eglise, mais la splendeur de la Gloire de Dieu. Quand nous aurons remis Dieu et sa Parole au cœur de la vie de l’Eglise, quand le souci de Dieu passera avant le souci de l’Eglise, alors il pourra aplanir la terre pour que nous y cheminions en sécurité dans la gloire de Dieu.

En ces temps troublés, recevons de Baruc une espérance renouvelée pour notre temps. En écho, recevons de Jean le Baptiste l’appel à nous mettre au travail, à préparer le chemin du Seigneur. Car Dieu l’a promis : tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées ; les passages tortueux deviendront droits, les chemins rocailleux seront aplanis ; et tout être vivant verra le salut de Dieu.  C’est une promesse éternelle de Dieu ; c’est une promesse plus que jamais d’actualité pour nous. Amen.