Avec Marie et Elisabeth, accueillir Celui qui vient.
En ce dernier dimanche de l’Avent, nous croisons la route de Marie et de sa cousine Elisabeth, deux autres figures de ce temps de préparation à Noël. Marie, cela va de soi puisqu’elle a été appelée à être la Mère du Fils de Dieu ; que nous la rencontrions durant l’Avent n’a donc rien d’extraordinaire. Elisabeth, sa cousine, enceinte dans sa vieillesse de Jean le Baptiste, c’est déjà moins commun. Ni elle, ni le fils dont elle est enceinte, ne jouent un rôle prépondérant dans ce temps de gestation. La mission de Jean le Baptiste, personne n’y pense encore. Et pourtant…
Cette scène de la Visitation est comme un passage de témoin entre la vieille Elisabeth, la figure de la Première Alliance et Marie, la figure par qui la Nouvelle Alliance peut émerger. Cette rencontre pourrait s’appeler : quand l’Ancien Testament rencontre, par avance, le Nouveau Testament. Ces deux femmes, l’une jeune, l’autre vieille, toutes deux enceintes « miraculeusement », se rencontrent au moment précis où l’Histoire des hommes va basculer vers quelque chose de neuf. Luc ne s’y trompe pas quand il rapporte l’événement. Au-delà de la joie d’Elisabeth de rencontrer sa cousine, il y a une autre rencontre qui se joue déjà, celle entre les deux cousins : Jésus et Jean le Baptiste : Lorsque tes paroles de salutations sont parvenues à mes oreilles, l’enfant a tressailli d’allégresse en moi. Si les tableaux occidentaux représentent cette scène par deux femmes se saluant, les icônes de nos frères orthodoxes vont quelquefois jusqu’à représenter les deux cousins dans le sein de leur mère respective, Jean s’inclinant profondément devant le Christ. Au-delà de la visite de courtoisie, c’est une visite hautement théologique qui se déroule sous nos yeux. Le discours d’Elisabeth ne laisse aucun doute à ce sujet : D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?... Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur. Rappelons ici que Marie et Elisabeth ne se sont échangées ni appel téléphonique, ni sms pour se partager la bonne nouvelle. Et pourtant Elisabeth est capable de reconnaître et de reconstituer ce qui s’est joué à l’Annonciation : un ange envoyé par Dieu annonçant à Marie sa maternité prochaine et l’acceptation par celle-ci de ce projet divin. Elle a compris « instinctivement » ce que Joseph n’avait pas su comprendre quand il avait formulé le projet de répudier sa promise en secret.
Cette visitation achève de rappeler aux hommes que le Maître de l’Histoire, c’est Dieu. Elle rappelle aux hommes que Dieu fait comprendre son dessein de salut à qui il veut bien le révéler. Elle nous dit aussi que chacun, quel que soit son âge, peut vivre une fidélité à Dieu telle, qu’il peut sans crainte entrer dans le projet que Dieu porte pour lui. Ni Marie, ni Elisabeth n’ont sans doute saisi d’emblée la portée de ce qu’elles étaient invitées à vivre, mais toutes deux ont accepté, toutes deux ont cru. Si l’on rapproche alors leur attitude de celle des époux, Joseph, le charpentier pour Marie et Zacharie, le prêtre, pour Elisabeth, on pourrait même en déduire que les femmes ont un avantage certain. Non pas qu’elles soient plus crédules, mais certainement plus attentives à la dimension spirituelle de notre existence. Elles semblent comprendre plus vite quand Dieu fait irruption dans leur vie. Cette Visitation nous rappelle enfin que Dieu accomplit ses promesses. Il tient parole. Il ne fait pas de promesse pour nous endormir ou nous rassurer ; quand Dieu promet, il s’engage ; quand Dieu promet, il réalise. Son projet de sauver tous les hommes, le moment est venu de le réaliser, et c’est ce Fils qui grandit dans le sein de Marie qui en sera l’acteur principal. Le temps de l’accomplissement a commencé. Marie l’incarne, Elisabeth le reconnaît et le proclame.
Au-delà du souvenir d’une visite
ancienne pour nous, ce passage d’Evangile nous interroge forcément sur notre
rapport à la promesse que Dieu nous fait de nous sauver. Sommes-nous dans la
confiance comme Marie et Elisabeth ou remplis de doute comme Joseph et Zacharie ?
Acceptons-nous, comme ces deux femmes, d’être des acteurs de la réalisation de
ce salut, ou attendons-nous que les événements se passent, sans trop nous
mouiller, juste assez pour être sauvés ? De Marie et Elisabeth, nous
pouvons apprendre à accueillir dans la confiance Celui qui vient. Si l’on peut
considérer qu’il vient bouleverser notre vie, nous pouvons aussi considérer qu’il
vient la rendre plus belle : la joie de Marie et d’Elisabeth peuvent nous
en convaincre. Avec elles, entrons dans le projet de Dieu ; avec elles,
réjouissons-nous de celui qui vient. Il vient faire toute chose nouvelle ;
il vient inaugurer un monde nouveau. Heureux sommes-nous de croire, nous aussi,
à l’accomplissement des paroles qui furent dites aux hommes de la
part du Seigneur. Amen.
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