Faire route avec les disciples pour apprendre à dépasser nos conflits.
La liturgie ne nous permet pas de lire des chapitres entiers des textes bibliques. Le passage du livre des Actes que nous avons entendu est un résumé à gros coups de crayon du chapitre 15 du livre qui aborde pourtant un moment essentiel de la vie de la jeune communauté réunie dans la foi au Christ ressuscité, et une question fondamentale posée à cette même communauté, question qui aurait pu conduire à l’éclatement de celle-ci. La dispute peut nous sembler aujourd’hui complètement dépassée et pourtant, je ne suis pas sûr qu’elle ne se pose plus à nous.
Ce qui est en jeu, dans le débat de l’assemblée de Jérusalem, ce n’est rien de moins que la foi de cette communauté. Le premier voyage missionnaire de Paul a été un succès. De nombreux païens sont venus à la foi au Christ vivant. Au lieu de s’en réjouir, certains ont estimé qu’il leur manquait quelque chose d’essentiel : la circoncision, qui n’ayant pas été faite laisse un petit bout de chair de trop. Comprenez-vous : ces convertis-là ne sont pas juifs d’origine ; ils ne sont pas comme le Christ qu’ils confessent désormais ; ils ne sont pas comme les Apôtres, tous juifs de naissance. Si la foi au Christ est bien l’aboutissement de la foi juive, ne faut-il pas que ces païens en passent par là et qu’on leur coupe ce petit bout de chair qu’ils ont en trop ? Les bons connaisseurs de Paul auront reconnu là un thème favori de la pensée de Paul : seule la foi au Christ sauve. Il n’y a besoin de rien d’autre. Et puisque la Loi n’a pas permis au peuple élu de se préserver du péché, il y a là bien le signe que la circoncision est devenue caduque. Pour d’autres, au contraire, il n’y a pas à tergiverser : il faut respecter la Loi, toute la Loi, pour découvrir qu’elle s’accomplit en Jésus, mort et ressuscité. L’assemblée de Jérusalem réunit les deux parties ; une décision est attendue, non pour déclarer un vainqueur et un vaincu, mais pour sauvegarder l’unité de la communauté croyante. Parce que l’enjeu est bien celui-là : l’unité de tous !
Dans le passage entendu, nous n’avons que le début du chapitre 15 qui donne le contexte qui va mener à la convocation de cette assemblée et la décision finale prise. Pourtant, le processus est tout aussi important. Une assemblée se réunit à Jérusalem, autour des Apôtres et des Anciens. Il y a d’abord un discours de Pierre qui renvoie à l’expérience qu’il a eu avec le Centurion Corneille, officier de l’armée d’occupation qui avait reçu l’Esprit Saint avant même d’être baptisé. Dans son argumentaire, il place d’emblée la question au niveau théologique. Ecoutez plutôt ce qu’il dit : Maintenant, pourquoi donc mettez-vous Dieu à l’épreuve en plaçant sur la nuque des disciples un joug que nos pères et nous-mêmes n’avons pas eu la force de porter ? Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés, de la même manière qu’eux. Après ce discours, c’est Paul et Barnabé qui vont exposer tous les signes et les prodiges que Dieu avait accomplis grâce à eux parmi les nations. Vous aurez noté que c’est bien Dieu qui agissait à travers eux ; c’est bien Dieu qui a converti les cœurs des païens. Enfin, c’est Jacques qui prend la parole. Certains voient en lui l’opposant principal de Paul. Pourtant, il aura cette parole surprenante : j’estime qu’il ne faut pas tracasser ceux qui, venant des nations, se tournent vers Dieu, mais écrivons-leur de s’abstenir des souillures des idoles, des unions illégitimes, de la viande non saignée et du sang. Entendez-le bien : il ne faut pas tracasser ceux qui se tournent vers Dieu. Qu’importe finalement qu’ils soient juifs comme Jésus et nous, ses Apôtres, ou pas, dit Jacques. Reconnaissant l’œuvre de Dieu en eux, il invite à respecter le choix de Dieu et donc de ne pas tracasser les nouveaux venus. Le pape François ne dit pas autre chose quand il nous invite à ne pas jouer aux douaniers, rendant impossibles pour certains l’accès à Dieu et aux sacrements de l’Eglise. La position de Jacques deviendra le corps de la décision prise. Il faut remarquer ici l’audace qui ouvre cette décision : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… Ce n’est pas juste une décision humaine qui est rendue ; l’Esprit Saint, autrement dit Dieu lui-même, est acteur de cette décision. Puisqu’il a appelé les païens à la foi, les Apôtres reconnaissent qu’ils ne peuvent pas s’y opposer. D’où juste trois interdits logiques : s’abstenir des viandes offertes aux idoles (choisir le Christ, c’est les refuser) ; s’abstenir du sang (le sang est à Dieu, il est le siège de la vie : ne vous prenez pas pour Dieu donc) et s’abstenir des unions illégitimes (n’allez pas contre l’ordre voulu par Dieu à la Création). Rien de plus que cela.
Faire route avec les disciples pour apprendre
à dépasser nos conflits revient à nous mettre à l’écoute de Dieu. C’est lui le
juge de paix dans nos communautés ; c’est lui qui nous montrera où est le
vrai, le bon, le juste. C’est lui aussi qui nous donnera de nous écouter en
vérité. Il ne s’agit pas, entre deux camps, de définir qui dit vrai, qui dit
faux ; il s’agit de reconnaître où Dieu veut nous conduire et le suivre,
lui. Ainsi l’unité de la communauté croyante sera préservée, parce que c’est
bien Dieu qui la mène et non les hommes qu’il choisit. Devant les choix que
nous aurons à faire pour l’avenir de nos communautés, laissons nos préférences,
nos idées toutes faites et bien arrêtées, et écoutons ce que l’Esprit dit aux
Eglises. Nous pourrons alors maintenir l’unité de nos communautés et dire en
vérité à notre tour : L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé… Amen.
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