Comprendre Dieu pour devenir plus humain.
Il m’a été fait miséricorde. Cette affirmation de Paul, chaque croyant au Christ peut la reprendre à son compte. Nous ne sommes pas meilleurs que Paul, n’ayant pas besoin de miséricorde ; nous ne sommes pas moins dignes que Paul de bénéficier de la miséricorde de Dieu. Au contraire, la miséricorde de Dieu est la même pour tous ; celui qui nous vaut cette miséricorde est le même pour tous : c’est le Christ Jésus venu dans le monde pour sauver les pécheurs. Je rajouterai : tous les pécheurs. Aucun de nous n’est indigne de la miséricorde de Dieu. Sachant cela, pourquoi est-ce que je ressens comme un malaise à l’écoute des lectures de ce dimanche ?
J’aime bien la première lecture, et je reconnais que je suis même assez d’accord avec Dieu au départ. Le peuple qu’il a sorti d’Egypte s’est détourné de lui. Entendez sa colère légitime quand il envoie Moïse vers ce peuple à la nuque raide. Va, descends, car ton peuple s’est corrompu… ils se sont fait un veau en métal fondu et se sont prosternés devant lui. Ils lui ont offert des sacrifices en proclamant : ‘Israël, voici tes dieux, qui t’ont fait monter du pays d’Egypte. Passe encore, à la limite, que le peuple ne reconnaisse pas l’œuvre de Dieu. Mais qu’il le représente par un veau, un ruminant ; je serai moi-aussi très en colère ! Remarquez bien comment Dieu parle de ce peuple. Il dit à Moïse non pas ‘mon peuple que j’ai fait monter du pays d’Egypte’, mais ton peuple que tu as fait monter du pays d’Egypte. Puisque le peuple s’est détourné de Dieu, Dieu se détourne du peuple ; ce peuple n’est plus le sien. Il faut toute la diplomatie de Moïse pour que le Seigneur renonce au mal qu’il avait voulu faire à son peuple. L’intercession de Moïse a porté son fruit et, paradoxe, c’est Dieu qui se convertit, c’est Dieu qui fait le choix du bien contre le mal.
Si je comprends assez bien la colère de Dieu, si je comprends aussi son revirement après la plaidoirie de Moïse, j’ai plus de mal avec l’enseignement de Jésus qui porte pourtant sur la même question : celle de la miséricorde que Dieu fait à tout homme. La parabole de la pièce perdue ne me pose pas de souci. Sans doute ferais-je pareil si je venais à perdre l’équivalent d’une pièce d’argent : grand ménage et bonheur de la retrouver. En revanche, je n’irais peut-être pas jusqu’à faire la fête avec les voisins. Ça peut vite coûter cher, une fête ! A quoi bon faire le grand ménage pour retrouver une pièce, si c’est pour la dépenser lors d’une fête après l’avoir retrouvée ? Mais bon admettons ! La joie de retrouver quelque chose de valeur peut pousser à vouloir faire la fête. La conclusion de la parabole confirme cette joie, qui est celle de Dieu quand un seul homme se tourne vers Dieu : Il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se convertir.
La parabole de la brebis perdue me pose plus de problème ; je la trouve même choquante à vue humaine. Enfin, soyons sérieux deux minutes, voulez-vous ! Qui d’entre vous, ayant cent brebis et en perdant une, laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert, pour aller chercher celle qui est perdue ? Une contre quatre-vingt-dix-neuf : fait-elle vraiment le poids ? La balance bénéfices / risques est clairement en faveur de l’abandon de celle qui est perdue et qui peut-être n’est même plus en vie ! Je vous rappelle que le troupeau est dans un désert, et qu’un désert, c’est hostile ! Il y a des bêtes sauvages dans un désert. Ce n’est pas le meilleur endroit pour laisser un troupeau sans protection. Non, le mieux, c’est de renforcer la surveillance autour des quatre-vingt-dix-neuf qui restent et de faire le deuil de la centième. Tant pis pour elle ! Eh bien, nous dit Jésus, Dieu ne réfléchit pas comme cela. Pour Dieu, la centième est tout aussi importante, si ce n’est plus, que toutes les autres. Il part à sa recherche, et quand il l’a retrouvée, il la prend sur ses épaules, tout joyeux. Il la traite mieux que toutes les autres. Quand on raconte cette parabole à quelqu’un qui s’est éloigné de Dieu, la personne comprend instantanément que tel est toujours l’amour de Dieu pour elle. Et nous aimons bien nous dire, quand nous nous reconnaissons pécheurs, que Dieu vient à notre recherche, à notre secours et qu’il est tout heureux de nous retrouver. D’ailleurs vous aurez noté l’optimisme de Jésus qui ne dit pas : « s’il la retrouve », mais bien quand il l’a retrouvée : il est sûr de la retrouver et en plus quand il croise une brebis égarée, il la reconnaît, il sait que c’est la sienne et non celle d’un autre troupeau.
Il y a une question qui me revient sans cesse quand j’entends ce texte. Je vous la livre : pourquoi cette brebis s’est-elle perdue ? N’avait-elle plus envie de faire partie du troupeau ? Ou est-ce le troupeau qui l’a perdue, qui ne voulait plus d’elle ? Quand on parle de miséricorde, il est bon de se poser ces questions. Qu’est-ce qui fait que l’un de nous veuille se perdre ? Qu’est-ce qui fait que nous ayons si peu de miséricorde et que nous acceptions de perdre l’un de nous ? Avons-nous déjà contribué à perdre quelqu’un qui ne nous convenait pas ? Dieu qui fait miséricorde, c’est Dieu qui nous redit que chacun est important à ses yeux, et qu’il ne nous revient pas d’exclure. En cherchant la brebis égarée, qu’elle se soit égarée volontairement parce que le troupeau lui devenait insupportable, ou que nous l’ayons égarée parce qu’elle nous devenait insupportable, en la cherchant donc, Dieu rétablit la justice et nous redit à chacun : tu as du prix à mes yeux, et il m’est insupportable que tu ne sois plus avec le troupeau. Agissant ainsi, il nous invite à faire de même pour que nous devenions toujours plus humains. Nous ne le deviendrons qu’en cherchant toujours à mieux comprendre Dieu et sa manière d’agir envers nous. Nous devenons plus humains lorsque nous acceptons les différences ; nous devenons plus humains lorsque nous acceptons celui qui nous insupporte ; nous devenons plus humain lorsque nous faisons le choix de rester avec les autres plutôt que de les quitter parce qu’ils nous sont insupportables. Nous devenons plus humains en comprenant comment Dieu agit pour nous et en faisant de même pour tous nos frères et toutes nos sœurs en humanité.
Nous
sommes tous le troupeau d’une brebis perdue ; nous sommes tous la brebis
perdue d’un troupeau. Acceptons que Dieu soit miséricordieux avec nous et avec
les autres. Nous ne sommes ni meilleurs, ni pires qu’eux. Nous serions tous
privés de la gloire de Dieu si nous ne consentions à accueillir son pardon ;
nous serions tous privés de la gloire de Dieu s’il n’avait envoyé son propre
Fils pour notre salut. Réjouissons-nous avec Lui pour chaque conversion à sa
grâce, que ce soit la nôtre ou celle de celui qui nous insupporte le plus. Nous
grandirons en humanité ; nous grandirons en sainteté. C’est la seule chose
qui compte. Amen.
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