Rendez grâce en toute circonstance.
Rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. Cette phrase, nous l’avons entendu juste avant la proclamation de l’Evangile. C’est le verset qu’encadrait notre Alléluia. Il y en a un avant chaque évangile ; il nous donne une indication sur la manière de comprendre le texte proclamé par le diacre ou le prêtre. Aujourd’hui, il est une invitation à l’action de grâce permanente. Nous le comprenons bien lorsque nous voyons revenir vers Jésus un des dix lépreux guéris. Un sur dix seulement qui vient rendre grâce à Dieu ! Est-ce à dire que les autres sont ingrats, incapables de dire merci, de rendre grâce à celui qui a rendu la guérison possible ?
Je n’irai pas jusque-là, parce qu’il me faudrait alors vous rendre attentifs au fait que celui qui revient vers Jésus est aussi celui qui désobéit à l’ordre donné par Jésus et par la Loi. A leurs cris de détresse : Jésus, maître, prends pitié de nous, Jésus répond par un ordre clair : Allez vous montrer aux prêtres. Ce que les neuf autres auront fait, je n’ai pas le moindre doute à ce sujet. Ils auront respecté en tout ce que la Loi prescrivait en cas de guérison de la lèpre. Puisque la maladie était considérée comme une « punition » venant de Dieu pour un péché personnel ou un péché des ancêtres, et de ce fait excluait de la communauté croyante, alors la guérison se devait d’être « validée » par les autorités religieuses pour que le guéri soit réintroduit dans la communauté croyante. Le chapitre 14 du livre du Lévitique donne toutes les étapes de cette purification à faire. Le dixième lépreux ne l’aura pas fait ; ou plutôt, il aura reconnu par avance en Jésus, le Prêtre parfait qui par son sacrifice purifie l’humanité et la sauve, en la réintroduisant dans une Alliance nouvelle et éternelle avec Dieu. N’est-ce pas très concrètement ce que nous vivons en chaque eucharistie ? Action de grâce par excellence du peuple des baptisés, l’eucharistie est pour chacun de nous l’occasion de rendre grâce à Dieu pour tout ce qu’il accomplit pour nous, en Jésus. Le chant de la préface, qui ouvre la grande prière eucharistique, souligne les nombreuses raisons que nous avons de rendre grâce à Dieu pour ce qu’il fait pour nous, par Jésus, son Fils. La structure même de l’eucharistie peut ainsi nous apprendre à rendre grâce en toute circonstance, de la manière la plus juste possible. Mais il y a, me semble-t-il, une étape à ne pas rater avant.
Cette étape est celle qui pose le plus de question à l’homme contemporain. Pour beaucoup, elle est une énigme dans le déroulement de nos célébrations, pour ne pas dire un scandale pour certains qui la voit trop souvent répétée durant l’action eucharistique. L’étape précédent l’action de grâce est celle exprimée par le cri des dix lépreux : Jésus, maître, prends pitié de nous. La publication de la nouvelle traduction du Missel Romain n’a pas manqué de faire réagir, une fois de plus, ceux qui trouvaient qu’on demandait quand même beaucoup pardon. Les mots Prends pitié de nous reviennent, selon eux, trop souvent. Ils sont dans le rite pénitentiel, dans le Gloire à Dieu, dans le chant de l’Agneau de Dieu. Pourquoi tant insister, interrogent-ils ! Je vous apporte ma réponse toute personnelle à leur question : nous insistons autant non pas pour demander pardon (il y a un sacrement spécial pour cela), mais parce que nous ne reconnaitrons jamais assez que Jésus peut tout pour nous ; et c’est parce qu’il peut tout pour nous que nous lui disons : Prends pitié de nous ! Ce qui peut s’entendre de différentes manières d’ailleurs. Prends pitié de nous, cela veut dire : Viens à notre aide ; mais aussi veille sur nous, ou encore protège-nous. Et cette demande n’est pas faite à quelqu’un qui voudrait nous humilier, nous maltraiter, comme c’est le cas dans le langage courant quand on implore la pitié de quelqu’un ; non, cette demande est faite au Ressuscité, à celui qui a vaincu la Croix, celui dont nous sommes sûrs qu’il ne nous abandonnera jamais, celui dont nous sommes sûrs qu’il a souci de nous et de ce que nous devenons. Si nous ne comprenons pas bien cette répétition, c’est peut-être parce que nous ne comprenons pas bien le sens des rites d’ouverture de nos célébrations eucharistiques. Nous confondons trop souvent le rite pénitentiel qui est un rite de confiance en Jésus qui a donné sa vie pour nous, avec une confession publique de nos péchés : nous n’avons pas assez fait ceci ou cela, nous avons trop fait, nous n’avons pas su…, nous avons oublié de … et que sais-je encore ! Quand nous aurons appris, comme les lépreux, à nous tourner vers Jésus parce que nous savons qu’il peut tout pour nous, alors nous serons en mesure aussi de rendre grâce véritablement à celui qui non seulement peut tout pour nous, mais qui aussi fait tout pour nous. Jésus n’a jamais rien fait pour lui ; il a toujours tout fait pour nous. De là, nous pouvons lui demander de nous aider, de nous protéger, de veiller sur nous, et surtout nous pouvons en toute circonstance, lui rendre grâce. Nous ne rendrons véritablement grâce à Dieu que lorsque nous reconnaîtrons tout ce que le Christ, le Seigneur, celui qui est vivant pour toujours, a fait et continue de faire pour nous. Si nous ne savons pas dire en vérité : Seigneur, prends pitié de nous, nous ne saurons pas véritablement rendre grâce à Dieu en toute circonstance.
Comme les dix lépreux, sachons crier vers Jésus :
prends pitié de nous, que notre vie soit belle ou qu’elle soit plus compliquée, avec cette
certitude qu’il peut tout et fait tout pour nous, pour notre vie, pour notre
salut. Comme le lépreux revenu sur ses pas, nous saurons alors trouver les mots
et les attitudes pour rendre grâce à Dieu, quand notre vie qui allait de
travers aura retrouvé le sens d’une plus grande proximité avec Dieu. Amen.
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