Quand Zachée, celui qui voulait voir, est regardé par Jésus.
Qu’attend-t-il, Zachée, de Jésus, du haut de son arbre ? Pourquoi veut-il voir Jésus ? Est-ce un effet de simple curiosité ? Qu’a-t-il entendu ou qu’imagine-t-il à propos de Jésus, qui le pousse à faire l’enfant et à grimper sur un sycomore ? Nous ne le saurons jamais, mais cela peut nous faire réfléchir, et constater qu’il n’est pas le seul qui se contente de voir là où il aurait fallu regarder. Car ce qui se joue là est plus qu’un simple jeu de Pas vu, pas pris.
Je n’y ai pas vraiment été attentif auparavant, mais il y a bien une différence entre l’attitude de Zachée et de la foule d’un côté et celle de Jésus de l’autre. Reprenons l’histoire pour bien comprendre. Jésus passe par Jéricho ; il n’y a là rien d’extraordinaire. Des villes et des villages, il en aura parcouru quelques-uns durant son ministère. Et souvent, comme à Jéricho, une foule se presse autour de lui. Nous pouvons comprendre que Zachée ne veuille pas rater l’événement. Jésus est connu maintenant ; ses gestes, ses paroles en ont intrigué plus d’un. Et puis après tout, ce passage de Jésus devait être un événement pour beaucoup, vue la foule qui se pressait là. Ma question tient pourtant toujours, concernant Zachée : pourquoi veut-il voir Jésus ? Jésus, il faut l’entendre pour être bouleversé par son enseignement ; Jésus, il faut l’approcher pour espérer un geste, une attention, une guérison. Mais Zachée, qu’attend-t-il à vouloir juste, mais absolument, voir Jésus ? Que peut-il espérer à se cacher ainsi ? Il me fait penser à ces enfants qui vont se cacher la nuit de Noël, espérant voir le Père Noël déposer des cadeaux, mais cependant pas assez courageux pour aller vers lui. L’homme peut-il se contenter de juste voir Dieu qui passe dans sa vie ? Zachée serait alors l’archétype de l’humanité qui veut voir sans plus s’engager. Voir, même de loin, c’est bien assez.
A ce petit jeu qui ne demande aucun engagement, la foule se débrouille très bien aussi. Certes, elle approche Jésus. Elle le voit bien, mais elle ne l’entend pas, elle ne le comprend pas. Quand Jésus s’invite chez Zachée, que fait-elle ? Luc nous le rapporte sans fioriture : Voyant cela, tous récriminaient : Il est allé loger chez un homme qui est un pécheur. La foule aussi se contente de voir. Elle s’arrête aux faits, sans chercher à comprendre, sans chercher à se laisser toucher, ni impressionner. Pourquoi se presse-t-elle autour de Jésus si c'est pour récriminer dès qu’il fait quelque chose qui peut surprendre ? Elle serait donc comme Zachée, juste intéressée par l’événementiel ? La foule serait alors l’archétype de ces hommes et de ces femmes, intéressés par la figure de Jésus, un homme extraordinaire en son temps, mais qui ne sont absolument pas intéressés par son message, par le fait qu’il soit Fils de Dieu, et qu’il invite tous les hommes à la conversion. Des lecteurs de Voici, Gala ou Closer, plutôt que de La Croix ou Le Monde. Plus intéressés par l’anecdote, le sensationnel, que par la réflexion, la prise de recul et l’analyse.
Entre les deux, il y a Jésus, qui lève les yeux et dit : Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. Il lève les yeux : c’est plus que voir ; quand on lève les yeux sur quelqu’un ou quelque chose, c’est pour le regarder, vraiment. Cela signifie que nous allons prendre du temps. Cela est renforcé par l’auto-invitation de Jésus chez Zachée. Il ne dit pas : il faut que je passe chez toi, comme en coup de vent, mais bien demeurer dans ta maison, qui suppose qu’il veut y prendre du temps. Là où les hommes ne veulent que voir, en vitesse, Jésus veut poser son regard et demeurer. Jésus ne passe pas dans nos vies pour nous voir, mais pour nous rencontrer, pour nous bouleverser, pour nous gagner à lui. Zachée ne s'y trompe pas, lui qui descend vite et reçoit Jésus avec joie. Il voulait juste voir ; eh bien il va voir ce qu’il va voir, et les autres aussi. Le fait que Jésus veuille prendre du temps avec lui, chez lui, fait ressortir le meilleur de Zachée, ce que personne n’avait osé imaginer, ce que personne n’a jamais voulu voir. Il est un homme, pécheur sans doute, comme les autres, mais un homme chez qui Jésus se plaît à aller ; il est un homme qui change dès lors que Jésus le regarde et s’intéresse à lui. Le regard de Jésus sur lui change du regard des autres sur lui, et de ce fait change le regard que Zachée lui-même porte sur lui. Il n’est plus obligé de se cacher dans un arbre ; il peut recevoir Jésus dans sa vie et avec lui, recevoir l’enseignement de Jésus qui change une vie, qui change sa vie. Voici Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j’ai fait du tort à quelqu’un, je vais lui rendre quatre fois plus. Nous pouvons comprendre mieux alors la réponse de Jésus : Aujourd’hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d’Abraham.
En nous apprenant à regarder plutôt qu’à voir, Jésus
nous apprend à dépasser nos jugements vite formulés. En nous apprenant à regarder
plutôt qu’à voir, Jésus nous apprend à être encore mieux ses disciples. Pour
regarder les autres, pour nous regarder en vérité, regardons d’abord Jésus et
découvrons en lui celui qui est notre salut. Nous pourrons alors être de ceux
qui révèlent ce regard de salut à celles et ceux que Dieu place sur notre
route. Notre monde a plus que jamais besoin d’entendre que le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui
était perdu. Donnons-lui à regarder des hommes et des femmes
qui vivent déjà de cette espérance, et le monde se convertira. Amen.
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