Tout est don, et nous sommes appelés à témoigner de ces dons.
Il existe encore un malentendu concernant la foi ; il consiste à croire que, pour être sauvés, il nous faut faire des choses pour Dieu, comprenez : il nous faut être gentil avec lui pour qu’il soit gentil avec nous. Ce malentendu a permis le développement de ce que l’on peut appeler « la théologie de la sueur », comprenez des efforts sans cesse à faire pour plaire à Dieu. Et plus vous fournissez des efforts, plus on vous fera comprendre que ce n’est pas encore assez, et donc plus vous continuerez à faire des efforts, jusqu’au jour où soit vous serez découragés et enverrez tout valser, soit vous aurez compris que Dieu n’agit pas envers nous comme un maître tyrannique, jamais satisfait de nous et qui exige toujours plus de nous. Vous entrerez alors dans une relation renouvelée avec ce Père que Jésus ne cesse d’annoncer et qui nous invite à la joie dans son Royaume.
N’est-ce pas ce que Paul nous dit dans la deuxième lecture entendue ? Pour parvenir à la gloire du Royaume, Paul ne nous dit pas ce qu’il nous faut faire ; il nous explique tout ce que Dieu fait pour nous. Ecoutons-le à nouveau : Ceux qu’il a destinés d’avance [à être ses fils], il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire. Le sujet de toutes ces actions, ce n’est pas l’homme, c’est Dieu ! C’est Dieu qui fait de nous ses fils et ses filles en Jésus, le premier-né d’une multitude de frères. Et il le fait d’avance, c'est-à-dire que cela fait partie de son projet depuis toujours. Dieu ne veut pas que l’homme se perde loin de lui ; Dieu ne veut pas la mort de l’homme. Il veut sa vie, et pour lui gagner cette vie, il offre Jésus. Pour que l’homme parvienne au Royaume, Dieu prend les devants, et fait tout ce qui est nécessaire pour que l’homme parvienne là où Dieu l’attend. Il nous appelle à être ses fils (ce que le baptême réalise effectivement), il fait de nous des justes (des hommes et des femmes capables de vivre selon la justice de Dieu), il nous a donné sa gloire (c’est quelque chose que nous possédons déjà). Vivre dans la gloire de Dieu, cela commence dès ici-bas, dès notre baptême. Tout ce que Dieu veut pour nous, il l’a déjà fait pour nous ; il nous a déjà tout donné, en Jésus, son Fils, mort et ressuscité pour notre vie. Il faudra bien un jour que cela rentre dans nos têtes peut-être trop petites pour tout l’amour que Dieu déverse sur nous !
Mais alors, me direz-vous, il n’y a donc pas d’efforts à faire ? Ben non, en fait, non. Ce qu’il convient de faire, c’est de répondre à l’amour que Dieu déverse sur nous. Quand vous êtes tombés amoureux, avez-vous eu des efforts à faire pour dire et vivre votre amour ? Il n’y a pas d’efforts à faire, il y a un amour à accueillir dans un premier temps ; pour être clair, il nous faut reconnaître cet amour de Dieu pour nous et l’en remercier. Et dans un second temps, il faut témoigner de cet amour, c'est-à-dire partager aux autres que nous sommes tous aimés infiniment par Dieu. Et comment fait-on cela ? Pas d’abord par des mots, mais en vivant de manière amoureuse, pas seulement avec Dieu, mais aussi avec tous ceux et celles qu’il met sur notre route. Témoigner de l’amour de Dieu dont nous bénéficions, c’est d’abord répandre cet amour autour de nous par une vie conforme à cet amour. Je redonne plus loin l’amour qui m’est donné ; je le partage largement parce que je l’ai reçu largement ! L’amour de Dieu pour nous ne s’épuise pas, tant qu’il se partage, tant qu’il se répand ; bien au contraire, plus je le partage, plus j’en reçois. Et cela, ce n’est pas un effort à faire, c’est juste une reconnaissance à avoir. Tu m’aimes, Seigneur ; avec ton amour, je peux aimer à mon tour. Et quand nous vivons ainsi, nous ne le faisons pas pour Dieu, nous le faisons pour nous, parce que reconnaissons-le, c’est quand même plus gratifiant, plus équilibrant, plus libérateur que de vivre en aimant les autres grâce à l’amour de Dieu, que de vivre en nous défiant des autres, en les critiquant, en ne les aimant pas. Nos mauvaises humeurs, nos déprimes, nos colères ne viennent jamais d’un excès d’amour, mais d’un manque d’amour. Ces choses qui nous rongent viennent de ce que nous ne reconnaissons pas ou ne reconnaissons plus combien nous sommes aimés pour ce que nous sommes, tels que nous sommes ; ces mauvaises choses viennent de ce que nous ne transmettons plus l’amour dont nous bénéficions. Nous en avons déjà tous fait l’expérience : c’est quand nous n’aimons plus ou que nous ne nous sentons plus aimés, que nous broyons du noir. Quiconque aime, est dans la joie ; quiconque aime, sait ouvrir son cœur aux autres parce que sa joie, il veut la partager.
Avec Paul, passons d’une « théologie
de la sueur pour gagner l’amour de Dieu » à une « théologie de la
reconnaissance que Dieu nous aime par grâce ». Accueillons ces dons qu’il
a préparé pour nous et répandons-les autour de nous. Dieu aime la multitude des
hommes d’un amour égal ; il ne nous aimera pas moins parce qu’il en aimera
d’autres. Son amour est pour tous, de la même manière, parce que nous sommes
tous appelés à devenir fils et filles de Dieu, dans cet immense amour que Dieu porte
aux hommes qu’il a créés. Nous aimons Dieu quand nous reconnaissons l’amour qu’il
nous porte ; et quand nous aimons Dieu, lui-même fait tout contribuer à
[notre] bien, parce que Dieu ne peut pas ne plus aimer. Que cette
bonne nouvelle soit pour nous source d’une vraie joie. Amen.
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