Risquer avec Dieu.
Comme aurait dit Coluche en son temps : c’est l’histoire d’un mec qui part en voyage… Nous n’allons pas la refaire ; nous n’allons pas la réécrire ; la parabole de Jésus, nous l’avons tous entendu. Elle peut laisser un goût amer, faisant l’éloge de ceux qui réussissent, sans trop d’effort en apparence et condamnant celui qui n’a rien fait… de mal. Car enfin, à part une peur avouée doublée d’un peu de paresse, nous ne pouvons pas lui reprocher grand-chose. Il nous ressemble tellement, n’est-ce pas.
Comme lui, nous ne faisons rien de mal, en tous les cas, pas le mal dans ses grandes largeurs, pas le mal qui se poursuit devant les tribunaux. Mais est-ce suffisant de ne pas faire de mal pour être quelqu’un de bien ? La parabole répond, me semble-t-il, assez clairement : non ! Il ne suffit pas de ne pas faire de mal, sauf à prendre Dieu pour un comptable ! Tu m’as donné tant, je te dois donc tant : Voici. Tu as ce qui t’appartient ! Si nous prenons Dieu pour un comptable, ne nous étonnons pas qu’il réagisse en comptable : il fallait mettre l'argent à la banque ! Si nous prenons Dieu pour un surveillant, ne nous étonnons pas qu’il se comporte comme un garde-chiourme, éternellement insatisfait de notre comportement. A la fin des temps, nous rencontrerons le Dieu que nous nous serons construits ! Si tu veux rencontrer le Dieu de tout amour, commence par comprendre qu’il ne suffit pas de ne pas faire de mal pour être un gars ou une fille bien. Commence par comprendre qu’entre faire le mal et faire le bien, il y a toute une gamme d’actions, tout un champ de possibles. Ne pas faire le mal ne signifie pas encore que je fais bien ; cela signifie juste que j’ai renoncé au mal. Mais Jésus nous demande plus : il nous demande de viser le bien, pour nous et surtout pour les autres. Et cela demande plus que juste renoncer au mal ; cela demande de s’engager, cela demande de risquer, cela demande de se bouger. Cela demande de vivre !
Dans la parabole, c’est ce qu’ont fait les deux premiers serviteurs, ceux qui avaient reçu une somme de cinq talents pour le premier, et une somme de deux talents pour le deuxième. Nous ne savons pas ce qu’ils ont fait pour doubler chacun la somme qui leur a été donnée ; nous savons juste qu’ils les ont risquées et qu’elles ont doublé. Ce qu’ils ont fait, comment ils s’y sont pris, n’a que peu, voire pas d’importance. Ce qui importe, c’est qu’ils ont osé ; ce qui importe, c’est qu’ils ne se sont pas senti les gardiens du dépôt qui a été fait chez eux ; ils l’ont considéré comme leur appartenant. Cela leur a permis, je pense, de prendre quelques risques. Ils ont risqué ce qu’ils ont considéré leur bien, ils ont gagné. A son retour, le maître donne raison à cette interprétation. Il ne demande pas à ses serviteurs de rendre ce qu’ils ont reçu ; il leur demande juste de rendre compte de leur gestion. Il ne reprend rien, il laisse tout, et promet plus encore : Très bien, serviteur bon et fidèle, tu as été fidèle pour peu de choses, je t’en donnerai beaucoup ; entre dans la joie de ton Seigneur. Le seul à qui il reprend, c’est le troisième, qui se voit qualifier de serviteur mauvais et paresseux, lui qui s’est contenté de creuser la terre et cacher l’argent de son maître. Et ce que le maître reprend, il le donne à celui qui a déjà beaucoup : Enlevez-lui donc son talent et donnez-le à celui qui en a dix. A ne rien risquer, nous ne gagnerons rien ; à ne rien risquer, nous perdrons tout. Certes, il n’a rien fait de mal ; mais il a fait pire en ne faisant rien ; il a fait pire en ayant peur de ce maître qui lui avait confié son bien. Il a fait pire en ayant peur de ce maître qui lui avait fait confiance, à la mesure de ses possibilités. Il n’a eu qu’un seul talent non parce que son maître le pensait incapable ; il n’a eu qu’un talent parce que son maître savait que cela, un talent, il saurait le gérer, cela correspondait à ses capacités. En ne faisant pas confiance au maître qui lui faisait confiance, en ne se faisant pas confiance à lui-même, il s’est abîmé lui-même, il s’est jugé lui-même. Il a caché son talent dans les ténèbres de la terre, au fond d’un trou ; il finira dans les ténèbres extérieures, là où il y aura des pleurs et des grincements de dents. Sa peur lui fera grincer des dents ou claquer des dents éternellement.
La leçon de cette parabole est double, selon
moi. Elle est d’abord un appel à ne pas imaginer Dieu à notre mesure, à ne pas
fantasmer Dieu ; c’est le meilleur moyen de nous tromper sur lui. Il est temps
de quitter nos représentations de Dieu qui surveille, de Dieu qui note, de Dieu
qui se venge. Si nous ne le faisons pas, comme je l’ai déjà dit, c’est ce Dieu-là
que nous rencontrerons. Mais si nous comprenons enfin que notre Dieu est Dieu de
miséricorde et d’amour, alors quand bien même nous aurions perdu une part de ce
qu’il nous a confié, son amour sera plus grand que notre perte, sa miséricorde
plus large que nos erreurs. Ce qui nous mène à la deuxième leçon de la parabole :
nous pouvons risquer les talents que Dieu nous confie parce que lui-même risque
en misant sur nous. Il risque avec nous, il risque pour nous en livrant son
Fils sur la croix. Puisque Dieu est avec nous, qui sera contre nous ? Puisque
Dieu prend le risque de compter sur nous, prenons le risque de compter sur son
amour et sur sa miséricorde. Quand Dieu est compris comme celui qui aime
infiniment et pardonne infiniment, il ne peut pas décevoir l’homme ! Dieu est
amour ; Dieu est miséricorde : il est temps que nous le comprenions
pour que nous puissions vivre notre vie, forts de cet amour, sûrs de ce pardon.
Amour et miséricorde sont chemins de vie et de joie éternelle. Amen.
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