Jésus est ressuscité : et alors ?
Incrédulité de S. Thomas, Psautier d’Eléonor d’Aquitaine, Koninklijke Bibliotheek, Den Haag (Pays –Bas)
C’était il y a huit jours ; dans
la nuit, nous étions rassemblés, quand retentit un cri de joyeuse espérance :
Christ est ressuscité, il est vraiment ressuscité. Et nous voilà, huit jours
plus tard, rassemblés à nouveau. Et cette question qui revient en moi :
ça a changé quoi, ce cri dans la nuit ? ça a changé quoi, que Christ soit
ressuscité ? Si je pose la question, c’est pour que nous ne jugions pas
trop vite et trop sévèrement les Apôtres.
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. L’ont-ils reconnu tout de suite ? Pas évident, même si plusieurs témoins ont déjà affirmé l’avoir vu, il faut que Jésus leur parle et leur montre ses plaies, pour que soudain ils soient remplis de joie. C’est un processus lent d’entrer dans ce grand mystère de la mort et de la résurrection de Jésus. Ne nous étonnons pas si, aujourd’hui encore, certains ont du mal à passer de la belle idée sur Jésus (il est ressuscité) à la réalité comprise et vécue de cette résurrection. Nous le voyons avec Thomas, absent ce premier soir, et à qui les autres racontent toute l’histoire. Sa réaction n’est sans doute pas éloignée de celle que nous aurions eu, à sa place : Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, si je ne mets pas la main dans son côté, non, je ne croirai pas ! Ce désir de toucher du doigt, ce désir de la preuve que Jésus est vivant, est bien humain. Thomas ne demande qu’à faire la même expérience que les autres ; ils ont vu, huit jours plus tôt, ses mains et son côté [mains et côté de Jésus]. Nous voyons bien que le témoignage oral de quelques-uns, fussent-ils les disciples de Jésus, ne suffit pas d’abord, pour que d’autres croient, pour que d’autres puissent dire : Jésus est le Christ, le vainqueur de la mort.
C’était après la mort de Jésus, mais c’est toujours encore ainsi. Il ne suffit pas d’avoir une belle idée sur Jésus, comme celle qui consiste à dire qu’il est plus fort que la mort et toujours vivant, pour que tous, spontanément, adoptent cette idée et en vivent. En fait, personne ne vit sur une belle idée. Et c’est tout le défi qui est le nôtre : faire comprendre que la résurrection de Jésus n’est pas une belle idée sur Jésus, mais que c’est la réalité de sa vie désormais. Ressuscité, il est vivant ; ressuscité, il est présent au milieu de nous. Cette expérience des Apôtres, au soir du premier jour de la semaine, nous devons la faire, nous pouvons la faire. Mais pour cela, il nous faut vivre du Christ, c'est-à-dire passer des belles idées à la pratique. Ce que nous avons appris au catéchisme, il nous faut le faire descendre du cerveau vers le cœur. Ce que nous avons appris au catéchisme, n’est pas une nourriture pour notre intelligence seulement ; c’est une nourriture pour notre cœur et devient le moteur de notre vie. Je vous l’accorde ; cela prend du temps pour descendre dans le cœur et passer ensuite dans nos mains. Ce que nous avons lu des premières communautés chrétiennes dans les Actes des Apôtres, ne s’est pas fait sur un claquement de doigts. Les premiers disciples et la première communauté croyante avaient un seul cœur et une seule âme, parce qu’ils ont reçu la force de l’Esprit Saint pour être capables de vivre comme d’authentiques témoins du Ressuscité. Pour que nos belles idées apprises sur Jésus deviennent notre réalité de vie, notre art de vivre, il nous faut accueillir ce don de l’Esprit que Jésus avait déjà donné à ses disciples, le soir venu, en ce premier jour de la semaine. Nous l’avons entendu dans l’Evangile : Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. L’art de vivre chrétien, qui fait de nous des disciples visibles du Christ, ne peut se vivre que dans la puissance de l’Esprit reçu déjà à notre baptême, puis renouvelé à notre confirmation.
Certains diront : oui, mais c’est difficile votre truc. Comment peut-on vivre du Christ dans un monde devenu dur et violent ? Rien que ces derniers jours, nous avons vu une jeune fille de treize ans être si violemment agressée qu’elle a fini plongée dans un coma dont elle est heureusement sortie ; et un jeune homme de 15 ans est mort après avoir été tout aussi violemment agressé. Comment vivre en chrétiens dans un tel monde ? Et je ne parle pas des humanitaires morts « par erreur d’identification » dans la bande de Gaza, alors qu’ils travaillaient à éviter une famine que tout le monde craint ! Et tout cela dans cette grande semaine qui nous a fait célébrer Pâques, la vie plus forte que la mort, chaque jour de la semaine ! Nous vivrons du Ressuscité en croyant la paix toujours possible et en priant sans relâche pour elle. Nous vivrons du Ressuscité en demandant la justice plutôt que la vengeance. Nous vivrons du Ressuscité en témoignant notre proximité et notre attention pour tous les petits et les pauvres qui sont les frères préférés du Christ. Nous vivrons du Ressuscité parce que nous croyons que lui seul peut encore quelque chose pour notre monde quand nous ne pouvons plus rien.
A ceux qui se disent : Je croirai
en Jésus Ressuscité quand il aura fait cesser la guerre et la violence dans
notre monde, il est redit, comme à Thomas : Heureux ceux qui croient
sans avoir vu. La foi n’est pas un tranquillisant, un opium du peuple
comme l’affirmait Marx ; la foi est le moteur de toute vie humaine vécue à
la hauteur de Dieu. Jésus n’a pas donné
sa vie sur la croix parce qu’il n’avait rien de mieux à faire en ce fameux
vendredi que nous disons saint ; il a donné sa vie sur la croix pour que
tous les hommes puissent vivre une vie à la hauteur de celle de Dieu. Il nous a
montré que seul le service amoureux de l’homme peut sauver le monde. Il nous a
montré que seule la charité peut vaincre la violence ; seule la charité
peut renverser nos logiques de conflits et de destruction. Christ est
ressuscité : c’est une certitude absolue pour moi. Et parce qu’il est
ressuscité, je me dois de vivre dans l’espérance que je peux vivre de cette vie
toujours plus forte. Je n’aurai pas d’autre preuve de la résurrection que mon
engagement personnel en faveur de chacun pour une vie meilleure, pour une vie
plus grande, telle que Dieu la veut. Il tient à chacun de nous d’y croire et de
commencer à en vivre, sans autre preuve que le témoignage de tant de vies
données à cause de Jésus. Amen.
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