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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 31 août 2024

22ème dimanche ordinaire B - 01er septembre 2024

 Parfaitement terrible et absolument rassurant.



Jésus au milieu des pharisiens, Tableau de Jacob JORDAENS, vers 1660, Palais des Beaux-Arts de Lille)

 




           

            C’est à la fois parfaitement terrible et absolument rassurant ce que Jésus dit à la foule d’une part, et qu’il précise à ses disciples, à l’écart de la foule d’autre part. Il vient d’avoir un échange musclé avec les pharisiens, parce que ces derniers avaient remarqué que quelques-uns de ses disciples [prenaient] leur repas avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées. Horreur ! Malheur ! chantait un groupe dans ma jeunesse. Et saint Marc de nous expliquer que les pharisiens sont les champions du lavage tous azimuts. Pas un grain de poussière, pas une impureté ne leur échappe, chez les autres en particulier ! Jésus en profite pour rappeler ce qui est vraiment important : les commandements de Dieu plutôt que la tradition des hommes. 

            En quoi est-ce parfaitement terrible ? Remettons-nous en mémoire ce qu’il dit et comprenons. Jésus dit : Ecoutez-moi tous et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. Et de préciser à ses disciples seulement : C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. Pourquoi est-ce parfaitement terrible ? Parce que, dans la bible, le cœur est le lieu où Dieu réside ; le cœur est le lieu de mes grandes décisions prises avec Dieu, à la lumière de sa Parole. Si tout le mal décrit par Jésus est dans notre cœur, c’est que Dieu n’y est plus ! Si tout ce mal vient du dedans, du cœur de l’homme, c’est le signe que l’homme a chassé Dieu de sa vie. Il est clair, ou il doit être clair pour chacun, que Dieu et le mal ne peuvent pas tenir ensemble dans le cœur de l’homme. C’est ou l’un, ou l’autre ! Celui qui fait le mal a fait le choix de refuser Dieu dans son cœur. C’est pour cela que ce que Jésus nous dit est parfaitement terrible ! Il nous faut observer chacun son propre cœur à travers ses actions pour savoir s’il a chassé Dieu de sa vie, et ne garde Dieu que sur ses lèvres. Dieu peut-il dire de moi : [Tu] m’honores des lèvres, mais [ton] cœur est loin de moi ? 

            Si je réponds ‘oui’ à cette question, si je fais le constat que j’ai chassé Dieu de mon cœur, pourquoi ce que dit Jésus est-il malgré tout absolument rassurant ? Cela me semble évident ! Parce que je sais désormais comment lutter contre le mal. Tant que je reste persuadé que le mal que je fais vient du dehors (les autres, les circonstances, la météo… ou que sais-je encore ?) je peux croire que je ne peux pas lutter contre le mal. Ce n’est pas ma faute ; un autre ou une chose m’a poussé à faire ce que j’ai fait. Au mal que j’ai fait, j’ajoute encore le refus de changer. Puisque c’est extérieur à moi, je n’y peux rien ; il m’arrive, dans certaines conditions, en présence de certaines personnes, de faire ou d’imaginer le mal. Alors que si le mal vient de moi, de mon intérieur, alors je sais aussi lutter contre. Si j’ai fait le choix d’accueillir le mal dans ma vie, je peux aussi à nouveau faire le choix d’accueillir Dieu dans ma vie. Il saura en chasser le mal si je décide que c’est lui, Dieu, que je veux voir habiter mon cœur. Nous pouvons relire le Deutéronome dont nous avons entendu un extrait ; nous pouvons relire le prophète Jérémie, en particulier le chapitre 31, versets 33-34. Ecoutez bien :  Mais voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés – oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. Puisque le mal vient de notre cœur, nous pouvons, avec Jérémie, demander à Dieu de se souvenir de cette alliance nouvelle. Pour nous chrétiens, elle est scellée par Jésus, qui s’offre totalement sur la croix, pour que Dieu puisse reprendre sa place dans notre cœur. Le sacrifice de Jésus nous vaut le pardon de nos péchés. Chaque eucharistie nous le rappelle. Prenez et buvez-en tous ; car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Communier au Corps et au Sang du Christ, c’est accueillir Jésus au cœur de notre vie pour qu’il en chasse le mal et nous permette d’y retrouver l’image de Dieu, la présence aimante et pardonnante de Dieu. 

            A écouter trop vite cette belle page d’évangile, on pouvait croire que Jésus nous faisait une leçon de morale. Non, ce qu’il donne à ses disciples, ce qu’il nous donne, c’est une leçon de théologie. Dans ton cœur, mets Dieu ! Dans ton cœur, laisse une place à Dieu, toujours. Lui seul saura en chasser le mal, lui seul saura te rendre pur. De tes propres forces, de ta propre volonté, tu ne le peux pas. Accueille Dieu, compte sur Dieu, et tu seras pur, parce que Dieu t’aura rendu pur. Mais pour que cela puisse se faire, tu dois reconnaître que le mal vient de toi, de ton dedans, et demander à Dieu de t’en libérer. C’est absolument rassurant, non, de savoir cela ! Tant que l’écoute de la Parole de Dieu restera notre boussole, Dieu restera notre guide, notre compagnon de route, au plus profond de nous. Demandons à Dieu la grâce qu’il en soit toujours ainsi pour nous. Amen.

samedi 24 août 2024

21ème dimanche ordinaire B - 25 août 2024

 On ne peut pas l'entendre, on ne peut plus le suivre !







 

          C’est notre dernière incursion dans l’évangile de Jean pour cet été. Souvenez-vous : tout avait commencé avec Jésus multipliant cinq pains et deux poissons pour qu’une foule nombreuse puisse manger à sa faim ; il y eut même des restes, douze corbeilles pleines. A la foule qui réclamait encore de ce pain, Jésus a donné un enseignement au cours duquel il a affirmé : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel. Et encore : celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. Chrétiens, nous reconnaissons dans ces paroles ce que nous affirmons du sacrement de l’Eucharistie qui nous réunit chaque dimanche. Sans doute sommes-nous trop habitués à ce discours pour en être choqués. Mais pour les contemporains de Jésus, c’est la parole de trop ! Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? 

          S’il vous est arrivé de développer une idée, de l’argumenter sérieusement et qu’on vous dise : oui, c’est bien, mais on ne peut pas l’entendre, vous comprenez ce que vit Jésus quand nous le croisons aujourd’hui. La question n’est plus : Jésus a-t-il raison de dire ce qu’il affirme ? La question n’est même pas de savoir si cela est vrai. Ce qui est au cœur de cette finale du chapitre six de l’évangile de Jean, c’est bien : peut-on entendre ce que Jésus dit ? Et partant de là, peut-on encore le suivre ? Vous pouvez avoir mille fois raisons contre toute la terre, si la terre ne veut pas vous entendre, vous ne pouvez rien faire de plus, à part peut-être changer de discours. Jésus va-t-il changer de discours ? Non, il prend acte et va encore plus loin : Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant… sous-entendu : vous direz quoi ? Cela on ne peut pas le voir ? Lecteurs de cette page d’évangile, nous pouvons avoir l’impression légitime de tourner en rond, de revenir à cette scène après la multiplication des pains où la foule veut faire de Jésus son roi. Elle ne comprend pas plus aujourd’hui qu’hier qui est Jésus. Elle ne comprend pas plus aujourd’hui qu’hier quelle est l’œuvre de Jésus. Elle veut, aujourd’hui comme hier, faire de Jésus quelqu’un à sa mesure, quelqu’un qu’elle peut écouter sans risque, quelqu’un qu’elle peut suivre sans risque. Comprenez bien : sans risque d’être dérangé, bouleversé ; sans risque d’être invité à changer. Le changement, l’humain le veut bien tant que les choses changent ou que les personnes changent dans son sens. Mais si c’est lui qui doit changer, voilà que les choses se compliquent. 

          Jésus n’est pas dupe : il savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas. Malgré cela, je ne peux m’empêcher de le croire profondément affecté quand beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Quand la seule chose que vous souhaitez pour les autres, c’est leur bien, leur vie, leur salut, vous ne pouvez pas les voir s’éloigner sans en être touché. Ce ne sont pas des adversaires qui s’éloignent de lui, ce n’est pas le diable qui s’éloigne comme au début, lors de la retraite de Jésus au désert. Non, ce sont des disciples, des personnes qui ont cru en lui, qui l’ont suivi, volontairement. On pourrait dire que ce sont des amis qui s’éloignent. La question de Jésus aux Douze témoigne bien de ce désarroi de Jésus : Voulez-vous partir, vous aussi ? Nous devons entendre cette question comme une question qui nous est posée à chacun. Et avant de répondre, prendre le temps de réfléchir : ai-je été déçu par Jésus au point de vouloir arrêter de le suivre ? Est-il une parole de Jésus que je ne peux entendre, que je ne peux assumer et qui me ferait claquer la porte ? Ou est-ce que pour le suivre encore, je me suis fait de lui une image à ma mesure, un Jésus qui me convient bien, prenant ce qui m’arrange, laissant à d’autres ce qui me dérange ? Ce qui entraînera une autre question : est-ce bien Jésus que je continue de suivre, en Jésus tel qu’il se révèle que je continue de croire, ou est-ce que je suis et crois un modèle réduit de Jésus ? Veux-tu partir, toi aussi ? Telle est la question que chacun doit entendre ; telle est la question à laquelle chacun doit répondre. 

          La réponse des Douze, c’est de la bouche de Pierre qu’elle jaillit : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. A-t-il mieux compris que nous les paroles de Jésus sur le pain vivant qui est descendu du ciel ? Je ne le crois pas. A-t-il mieux compris que nous ce que Jésus dit quand il affirme : Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous ? Je ne le crois pas. Mais je sais que cette réponse de Pierre est vraie, parce qu’elle vient d’une inspiration de l’Esprit Saint, elle vient du Père. Jésus l’avait prédit : Personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. Il ne s’agit donc pas tant de comprendre absolument tout ce que dit Jésus pour l’écouter et le suivre ; il s’agit de se laisser attirer à lui, il s’agit de laisser son Père nous attirer à lui. La vie chrétienne ne dépend pas d’une connaissance parfaite de toutes les réponses du catéchisme ; la vie chrétienne découle de la rencontre avec Jésus, Pain et Parole de la vie. Je n’ai pas besoin de tout comprendre de Jésus pour le suivre ; j’ai juste à reconnaître que j’ai besoin de lui, que je veux avoir besoin de lui pour devenir la meilleure version de moi-même. Je ne serai pas saint parce que je connais mon caté ; je serai saint parce que j’aurai accueilli Jésus et que j’aurai cherché sans cesse à vivre avec lui, à vivre de lui. 

          Veux-tu partir, toi aussi ? Si Pierre a répondu pour les Douze, je ne peux pas moi, aujourd’hui, répondre pour vous. Je fais mienne la réponse de Pierre : Jésus a les paroles de la vie éternelle et je sais qu’il est le Saint de Dieu. Je vous partage volontiers ce que j’ai découvert de lui ; mais il n’y a que vous pour décider de croire cela avec moi et de faire le choix de suivre Jésus, même si vous ne comprenez pas tout. C’est votre liberté de l’écouter encore ou d’arrêter. C’est votre liberté de marcher à la suite de Jésus ou de vous en retourner chez vous. La réponse appartient désormais à chacun ; faites votre choix ! Amen.

samedi 17 août 2024

20ème dimanche ordinaire B - 18 août 2024

 Et pour toi, c'est quoi l'eucharistie ?






 

             Sommes-nous trop habitués à notre langage, à notre catéchisme, pour ne plus nous révolter devant les affirmations de Jésus ? Avons-nous complètement digéré cette phrase : Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous ? Avons-nous conscience que c’est bien cela que nous faisons lorsque nous nous approchons de la table eucharistique ?  

            Si les auditeurs de Jésus se querellent entre eux, c’est parce qu’ils ont au fond de leur tête, l’enseignement perpétuel de la Loi qui affirme qu’il ne faut pas manger la viande avec le sang. Le sang, c’est le principe de vie, et la vie est à Dieu. Il n’est dès lors pas surprenant du tout que la tension monte et que les esprits s’échauffent lorsqu’ils entendent Jésus parler comme il le fait. Il bat en brèche tout ce qu’ils ont appris, tout ce qu’ils croient. Et il faut bien admettre que quelqu’un qui entend ses paroles pour la première fois, a le droit de s’offusquer, qu’il soit juif ou pas. D’ailleurs l’histoire des premiers chrétiens en témoigne. Combien de fois, lors des persécutions, n’ont-ils pas été accusés d’être cannibales ? Vous l’aurez compris, avec ce passage de l’évangile de Jean, nous touchons au cœur de notre foi, au cœur de la spécificité chrétienne. Nous croyons en un Dieu qui se donne corps et âme à nous, pour nous. Nous croyons que Jésus est notre nourriture, notre unique essentiel. Sa parole est à ruminer comme la vache rumine son herbe. Mais nous croyons aussi que dans le pain et le vin consacrés et partagés, c’est bien Jésus qui est réellement et totalement présent. Ce n’est pas une image, ce n’est pas un symbole, ce n’est pas une métaphore ; c’est une réalité. Jésus se donne lui-même quand nous partageons le pain de l’eucharistie. Il est le pain vivant qui est descendu du ciel. Celui qui veut avoir part à sa vie, réellement, totalement, doit manger son corps et boire son sang, réellement et totalement présents dans le pain et le vin consacrés. 

            J’ai rencontré, dans ma vie de prêtre, trop de catholiques qui n’avaient plus cette conscience. Il y a ceux qui disent que l’eucharistie, c’est juste le repas des copains de Jésus, oubliant volontairement tout le côté sacrificiel du don du Christ. Il y avait cette chef scout qui ne comprenait pas mon refus de distribuer des fraises à ceux qui ne communiaient pas pour qu'ils ne se sentent pas exclus. Il y avait ce sacristain qui remplissait le ciboire entre deux messes quand il constatait qu’il n’y aurait pas assez d’hosties pour la messe suivante, plutôt que de les préparer dans une coupe qui passerait sur l’autel pour la consécration, et qui ne comprenait même pas que cela ne peut se faire. Il y a cette catéchiste qui disait à toute l’assemblée, juste avant la communion, que tout le monde était invité, croyants chrétiens ou non, et que Jésus était heureux de nous partager le pain. Il y a ces chefs de chœurs qui utilisent l’autel comme un dépotoir pour sac, partition, et manteaux lorsqu’ils sont à l’église pour un concert, oubliant que c’est là que Jésus se rend présent dans le pain et le vin consacrés. Il y a tous ces chrétiens qui entrent dans une église et qui ne font ni génuflexion, ni un petit arrêt près du tabernacle pour saluer Jésus, réellement et totalement présent. Mais j’ai aussi croisé des chrétiens qui avaient pour l’eucharistie une telle dévotion pour l’eucharistie qu’ils ont été pour moi maître de vie spirituelle. Je pense en particulier à cette petite fille de six ans qui me demandait quand elle pourrait enfin communier elle-aussi ; elle ne manquait jamais, quand elle arrivait à l’église, de s’arrêter longuement devant le tabernacle pour prier Jésus, et elle avait un vrai désir de communier, parce que, alors, Jésus serait vraiment avec elle, et elle avec Jésus. Je pense à ces jeunes qui m’accompagnent au mont Sainte Odile chaque année. Ils n’ont peut-être pas les mots pour dire la foi eucharistique, mais ils savent que Jésus est là et ils viennent pour lui confier leurs joies et leurs peines, leurs difficultés et leurs réussites avec une simplicité toute évangélique. Si dans les autres sacrements l’Esprit du Christ est à l’œuvre, dans l’eucharistie, c’est Jésus lui-même qui est là, agissant, pour notre salut. 

            En entendant ce passage d’évangile aujourd’hui, comment ne pas nous interroger chacun : pour moi, c’est quoi l’eucharistie ? Une sortie dominicale pas trop loin de chez moi ? L’occasion de voir du monde et de papauter en attendant que le temps passe, tout en espérant que cela ne nous prendra pas plus de cinquante minutes ?  Puisque Jésus se rend réellement et totalement présent à nous, pourquoi vouloir partir si vite ? Quand on voit les foules qui se pressaient autour de Jésus, le suivant quelquefois plus d’une journée entière, je suis surpris de la vitesse à laquelle il me faudrait célébrer aujourd’hui pour que nous puissions retourner à notre banal quotidien. Si pour Henri IV Paris valait bien une messe, que vaut pour nous l’eucharistie aujourd’hui ? Apprenons à être réellement et totalement présents à Jésus, qui se rend réellement et totalement présent à nous lorsque nous célébrons l’eucharistie. Que la messe soit notre rendez-vous amoureux avec celui qui nous donne sa vie, réellement et totalement. Amen.

mercredi 14 août 2024

Assomption - 15 août 2024

 Quand le peuple ouvre la voie.






 

            Le saviez-vous ? La fête de l’Assomption est célébrée depuis quatorze siècles lorsque, enfin – pourrait-on dire – le Pape Pie XII décide, le 01er novembre 1950, de proclamer le dogme de l’Assomption qui affirme ce que le peuple croyait et célébrait depuis longtemps, à savoir que Marie, ayant été préservée du péché originel et n'ayant commis aucun péché personnel, a été élevée à la gloire du ciel, après la fin de sa vie terrestre, en corps et en âme. Si c’est bien l’Eglise qui définit le dogme, c’est la foi de tout un peuple, répandu par tout l’univers, qui est ainsi entendue et validée. Selon les données du Saint Siège, entre 1854 et 1945, huit millions de fidèles écriront à Rome en ce sens. 1 332 évêques et 83 000 prêtres, religieux et religieuses viendront s’y ajouter. Probablement la plus grande démarche synodale organisée non pas par la tête, mais par le corps de l’Eglise. Qu’est-ce qui a bien pu déclencher une telle foi ? Pour ma part, deux éléments contribuent à cette démarche. 

            Le premier élément, c’est la vie de Marie, et son humilité. Celle qui aurait pu gonfler des chevilles lorsque l’ange lui annonce qu’elle portera le Fils du Très-Haut, entre humblement dans la volonté de Dieu : Voici la servante du Seigneur ; que tout se fasse pour moi selon ta parole ! Et elle restera humble toute sa vie durant. L’Evangile de la Visitation que nous venons d’entendre, nous montre la même Marie ayant reçu le message de l’ange, partir avec empressement chez sa cousine Elisabeth pour se mettre à son service. Celle-ci, en effet, dans sa vieillesse, attendait son premier enfant, lui-aussi fruit de la promesse du Seigneur. Marie ne pérore pas, elle ne se vante pas davantage. Elle chante la grandeur de Dieu et sa bonté envers son humble servante. Elle ne tire pas avantage de sa situation, mais proclame que Dieu agira ainsi pour tous les petits, les humbles, les affamés, ceux qui le craignent, sans oublier Israël, son serviteur. Vous pourrez relire, en rentrant chez vous, tous les évangiles qui nous parlent de Marie (c’est assez vite fait, il n’y en a pas tant que cela), jamais vous ne la verrez ou entendrez s’élever, revendiquer, se mettre en avant. Toujours, comme à Cana par exemple, elle renvoie vers Dieu ou vers son Fils. Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a bien raison de nous rappeler que nous allons à Jésus, par Marie. Pas seulement parce que c’est elle qui nous donne Jésus, mais parce que toute sa vie nous montre Jésus. Même sa mort, qui la fait entrer corps et âme en paradis, nous montre Jésus et nous dit que le chemin qu’il a été le premier à emprunter, lui premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis, est le chemin commun pour nous tous. Marie, en son Assomption, nous montre que Jésus a bien vaincu la mort, et que celle-ci n’est plus un obstacle, mais le passage vers la rencontre avec Dieu. 

            Et ceci m’amène au deuxième élément qui justifie, selon moi, cette démarche faite par le peuple de Dieu pour aboutir à la proclamation du dogme de l’Assomption. Nous avons besoin d’être rassurés sur notre avenir. Et la foi en l’Assomption fait juste cela. Bien sûr, nous savons et nous croyons que Jésus est ressuscité d’entre les morts. Paul nous l’a magnifiquement rappelé dans l’extrait de la première lettre aux Corinthiens entendu. Mais c’est Jésus, quoi ! C’est le Fils de Dieu ! Avec Marie, nous avons quelqu’un de chez nous, totalement. Si elle, grâce à son humilité et sa vie totalement menée sous la conduite de l’Esprit Saint, parvient corps et âme en paradis, nous avons l’espérance, malgré notre péché, d’y parvenir nous aussi. Notre corps mortel sera livré à la tombe, mais notre âme pourra s’élever vers Dieu. Nous ne sommes pas que corps mortel ; nous sommes aussi spirituels, animés de l’Esprit Saint que nous avons accueilli au jour de notre baptême, et cette part de nous sera sauvée. Marie nous est donnée comme exemple de vie à mener dans le Christ sous la conduite de l’Esprit Saint ; elle nous est aussi donnée en exemple de ce qui est promis, à la fin de notre vie. Avec Jésus ressuscité, nous pouvions espérer ressusciter nous aussi et participer à sa gloire. Grâce à Marie, nous savons que cela est possible puisque la foi du peuple, avant la foi de l’Eglise, nous disait cela possible quand nous méditions le mystère de l’Assomption avant même qu’il ne fut un dogme. Quand Jésus nous dit qu’il donne sa vie pour nous, pour notre vie, nous pouvons le croire ; il dit vrai et sa mort en croix et sa résurrection d’entre les morts nous ouvrent le chemin vers la vie. Marie, en son Assomption, semble nous dire : comme moi, vivez selon la parole du Christ, et comme moi, vous parviendrez au Royaume où Dieu nous attend. Ne crains pas de croire ; ne crains pas d’être humble ; ne crains pas la mort. La vie éternelle est offerte à ceux qui croient ; la vie éternelle est offerte aux humbles ; la vie éternelle est offerte à ceux qui passent la mort avec le Christ. Il est notre salut, notre gloire éternelle. 

            Aujourd’hui, réjouissons-nous que le peuple de Dieu ait montré la voie à l’Eglise. Réjouissons-nous pour Marie qui entre dans la gloire de Dieu. Réjouissons-nous pour nous qui sommes appelés à cette même gloire. Et comme Marie, vivons de la Parole du Christ. Comme Marie, vivons de l’Esprit du Christ. Ainsi, comme Marie, nous parviendrons là où le Christ nous attend. Amen.

samedi 10 août 2024

19ème dimanche ordinaire B - 11 août 2024

 Nous connaissons bien ses parents ; et alors ?






 

            Nous le sentions venir, le vent mauvais qui souffle aujourd’hui sur l’évangile. Jésus, celui-là même qui a multiplié les pains et les poissons, a eu une parole énigmatique : Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel, et voilà que ceux qui le cherchaient pour faire de lui leur roi (voir 17ème dimanche), récriminent contre lui. Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il dire maintenant : « Je suis descendu du ciel ? 

            C’est un vieux réflexe de l’humanité ! Quand quelqu’un dérange, dépasse du lot, ose une parole originale, pose des gestes hors du commun, il faut lui couper la tête. Dans le rang, et vite ! Pour qui se prend-t-il ? Nous connaissons bien sa famille. Ce qu’il dit tranche avec ce que l’on sait, ou ce que l’on croit savoir. Le problème de cette vilaine manie, c’est qu’à partir de ce moment-là, les gens n’écoutent plus vraiment. Jésus pourra bien donner toutes les explications possibles, ses auditeurs sont enfermés dans leurs propres réflexions ; ils ne peuvent s’ouvrir à rien de neuf, tellement ils sont sûrs de connaître, de savoir tout de lui. Et Jésus ne va même pas essayer de les détromper. Il ne leur dit pas : souvenez-vous de ma naissance. Il ne les renvoie pas vers Marie et Joseph pour qu’ils expliquent ce qui s’était passé avant la naissance de Jésus, comment Dieu avait approché Marie… Non, Jésus poursuit simplement le discours qu’il a commencé avant les récriminations, en l’embrouillant sans doute encore un peu plus en parlant de son Père, non pas Joseph, mais l’autre, celui qui l’a envoyé dans le monde, Dieu ! La formule utilisée par Jésus – Je suis – aurait pourtant dû leur mettre la puce à l’oreille. C’est la formule utilisée jadis par Dieu, quand il a révélé son nom à Moïse : Je suis qui je serai, c'est-à-dire Je suis celui dont tu auras besoin. Eh bien là, Jésus dit, après la multiplication des pains : Je suis le pain descendu du ciel. Tu avais faim, tu avais besoin de pain, je me suis fait pain pour toi, je t’ai permis de manger à satiété. 

            Savoir quelque chose sur Dieu, et reconnaître cette chose lorsqu’elle se présente, ce sont deux réalités bien différentes. Comme si l’homme demandait quelque chose, l’espérait, mais était incapable de le reconnaître quand cela lui est enfin donné. Il ne fait pas le lien entre ce qu’il a espéré, voire demandé, et ce qu’il reçoit. Comme s’il était impossible que Dieu se rende présent selon ce dont l’homme a besoin. N’est-ce pas, nous voyons Dieu tellement grand, tellement différent, tellement tout, que nous ne le reconnaissons pas, ou que nous ne le reconnaissons plus, quand il vient à nous différent de ce que nous croyons savoir de lui, et surtout dans une chose aussi simple que du pain . Si Jésus est bien celui qu’il affirme être, cela voudrait dire que Dieu entend les hommes et qu’il intervient bien en leur faveur ? Si Jésus est bien celui qu’il affirme être, serait-ce à dire que Dieu est bien venu chez nous ? Non, Dieu il est ailleurs, nous sommes ici, et tout va bien. Chacun chez soi et les pains et les poissons partagés sont justes des pains et des poissons partagés et non pas le signe que Dieu intervient dans la vie des hommes, par un homme en particulier, Jésus. D’ailleurs, si Dieu devait intervenir, pourquoi ne le fait-il au Temple, par l’intermédiaire du grand prêtre ? Il est payé pour ça, le grand prêtre, non ? Mais voilà, Jésus persiste et signe : Ils seront tous instruits par Dieu lui-même. Vous comprenez l’énormité. Le Je suis n’ayant pas été compris, Jésus enfonce le clou. Quand je parle, c’est Dieu qui parle. Et si vous ne comprenez pas, et ne venez pas à moi, c’est que le Père ne vous attire pas. 

            Et nous sommes passé de : Nous connaissons ses parents à Quiconque a entendu le Père et reçu son enseignement vient à moi. Puisqu’ils récriminent contre Jésus, ils n’ont pas entendu le Père, ils ne reçoivent pas son enseignement, ils ne peuvent pas comprendre. Pour rencontrer Dieu, pour entendre Dieu, il faut sortir de ses certitudes, il faut oser une rencontre nouvelle, il faut accueillir un enseignement nouveau : Jésus lui-même ! C’est la première étape, nécessaire. Sinon, tous ses discours nous resteront obscures, incompréhensibles. Comment reconnaître Jésus comme le pain qui est descendu du ciel, si nous n’arrivons pas à dépasser Jésus, fils de Joseph et de Marie ? Comment reconnaître Jésus comme le pain qui est descendu du ciel, si nous n’écoutons pas ce qu’il dit de lui et de son Père ? Il nous reste encore deux dimanches pour essayer de comprendre. Ne récriminons pas à notre tour. Accueillons Jésus pour ce qu’il dit être ; reconnaissons en lui le Père à l’œuvre dans le monde. Mangeons de ce pain en y discernant la présence de Jésus, et nous vivrons éternellement. Amen.

samedi 3 août 2024

18ème dimanche ordinaire B - 4 août 2024

L’homme a-t-il changé entre le temps de Moïse et celui de Jésus ?




(Le don de la manne, Miniature allemande, 15ème siècle. 
Source : LE DON DE LA MANNE - Art et Bible (hautetfort.com)


 



            Y a-t-il vraiment une différence entre la communauté des fils d’Israël qui se presse autour de Moïse et la foule qui se presse auprès de Jésus ? Les quelques siècles qui séparent Jésus de Moïse ont-ils permis aux hommes d’évoluer, à leurs cœurs de changer en profondeur ? En mettant ces deux moments en parallèle, nous sommes comme invités à vérifier si le temps change quelque chose, si les hommes comprennent mieux Dieu et son projet pour eux. 

            Lorsque nous croisons la communauté des fils d’Israël, celle-ci vit un moment difficile. Souvenez-vous : Moïse avait réussi, avec l’aide de Dieu, à obtenir en fin de compte le départ d’Egypte du peuple de Dieu. La sortie d’Egypte s’est faite à la hâte, un dernier repas pris sur le pouce, debout, sandales aux pieds, ceinture aux reins. Bien sûr, chacun avait pris le temps de préparer ses affaires et de prendre des réserves pour la route. Personne n’entreprend un tel voyage sans un minimum de précaution. La difficulté surgit lorsque le voyage se prolonge au-delà de ce qui était prévu. Peut-être aussi qu’une mauvaise gestion des réserves aura contribué à la fin prématurée de celles-ci. Tous se tournent vers Moïse en récriminant : Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Egypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! Vraiment ? Quelqu’un peut-il honnêtement penser que Dieu se serait donné tout ce mal pour répondre aux cris de son peuple retenu en Egypte, pour les faire mourir dans le désert ? Ils ont pu constater, par dix fois, comment Dieu s’y est pris pour les faire sortir, et ils ne le pensent pas capable de résoudre un petit problème d’intendance ? Mais quelle ingratitude ! Et le pauvre Moïse qui se prend tout en pleine face, lui qui n’avait rien demandé, si ce n’est de pouvoir échapper à cette mission que Dieu lui a confiée. Nous avons tous entendu la suite : même au désert, Dieu continue de prendre soin de ce peuple à la nuque raide ; il donnera les cailles, il donnera la manne. Chaque jour que Dieu fera, le peuple aura le pain que le Seigneur donne à manger. La première fois, nous sentons une pointe de méfiance dans leur question : Mann hou ? Qu’est-ce que c’est ? La question vaut pour ce pain donné ; mais elle vaut aussi pour l’œuvre de Dieu envers son peuple. Qu’est-ce que c’est que ce Dieu qui prend soin de ce peuple qui ne manque pas une occasion de récriminer contre lui ? 

            La foule qui se presse autour de Jésus ne vient pas récriminer (elle ne se plaint pas), elle vient réclamer (demander) encore de ce pain. Pourquoi n’aurait-elle pas tous les jours ce qu’elle a reçu lorsque Jésus a multiplié les pains et les poissons ? N’est-ce pas ce qui s’est passé du temps de Moïse après tout ? Ce qui se joue autour de Jésus, c’est une juste compréhension de l’événement passé. Vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés. Jésus voulait les inviter à comprendre qui est Dieu et ce qu’il fait pour son peuple ; eux veulent juste manger encore. Le cœur, lieu où Dieu me rencontre, est vite oublié quand le ventre gronde. Jésus les renvoie donc vers le cœur : Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle ! De même que ce n’est pas Moïse qui a donné la manne autrefois, de même ce n’est pas Jésus qui a donné le pain : c’est le Père qui a tout fait, jadis et maintenant. Le Père de Jésus a donné la manne ; le Père de Jésus a donné Jésus, le pain de la vie. Celui qui vient à lui n’aura jamais fait ; celui qui croit en lui n’aura jamais soif. C’est une parole mystérieuse qui appellera explication ; elle nous sera donnée dans les évangiles des dimanches à venir. Pour l’heure, retenons que, avec Jésus, Dieu continue de prendre soin de nous, pas uniquement de notre ventre, mais de tout notre être. Son but, c’est notre vie, la vie du monde. Nous aurions tort de croire, comme autrefois la communauté des fils d’Israël, que Dieu veut notre mort. Il ne veut même pas la mort du pécheur ; il veut sa conversion. Et les signes, que Jésus pose dans l’Evangile de Jean, sont donnés pour notre conversion, pour que nous comprenions véritablement qui est Dieu pour nous, quel est son projet pour nous. 

Alors, l’homme a-t-il changé depuis qu’il récriminait contre Dieu dans le désert ? Sans doute pas autant qu’il aurait pu le faire. Il a toujours du mal à comprendre ce que Dieu attend de lui, qui est Dieu pour lui. Aujourd’hui, si nous ne voulons pas mal comprendre le discours et l’œuvre de Jésus, il nous faut avancer patiemment. Nous sommes passés de Jésus qui multiplie et distribue le pain, à Jésus qui dit être le pain. Le seul signe qui est désormais donné, c’est Jésus qui livre sa vie. C’est dans ce signe qu’il nous faut reconnaître Dieu à l’œuvre pour notre salut. Nous ne pourrons vraiment comprendre ce signe qu’en entrant toujours mieux dans la compréhension du sacrement de l’Eucharistie. Avec la foule qui se presse autour de Jésus, demandons le pain de la juste compréhension de l’œuvre de Dieu pour nous. Avec la foule qui se presse autour de Jésus, demandons le pain qui nous lie pour toujours au Christ, pain rompu pour notre vie. Amen.