Parfaitement terrible et absolument rassurant.
Jésus au milieu des pharisiens, Tableau de Jacob JORDAENS, vers 1660, Palais des Beaux-Arts de Lille)
C’est à la fois parfaitement terrible et absolument rassurant ce que Jésus dit à la foule d’une part, et qu’il précise à ses disciples, à l’écart de la foule d’autre part. Il vient d’avoir un échange musclé avec les pharisiens, parce que ces derniers avaient remarqué que quelques-uns de ses disciples [prenaient] leur repas avec des mains impures, c'est-à-dire non lavées. Horreur ! Malheur ! chantait un groupe dans ma jeunesse. Et saint Marc de nous expliquer que les pharisiens sont les champions du lavage tous azimuts. Pas un grain de poussière, pas une impureté ne leur échappe, chez les autres en particulier ! Jésus en profite pour rappeler ce qui est vraiment important : les commandements de Dieu plutôt que la tradition des hommes.
En quoi est-ce parfaitement terrible ? Remettons-nous en mémoire ce qu’il dit et comprenons. Jésus dit : Ecoutez-moi tous et comprenez bien. Rien de ce qui est extérieur à l’homme et qui entre en lui ne peut le rendre impur. Mais ce qui sort de l’homme, voilà ce qui rend l’homme impur. Et de préciser à ses disciples seulement : C’est du dedans, du cœur de l’homme, que sortent les pensées perverses : inconduites, vols, meurtres, adultères, cupidités, méchancetés, fraude, débauche, envie, diffamation, orgueil et démesure. Tout ce mal vient du dedans, et rend l’homme impur. Pourquoi est-ce parfaitement terrible ? Parce que, dans la bible, le cœur est le lieu où Dieu réside ; le cœur est le lieu de mes grandes décisions prises avec Dieu, à la lumière de sa Parole. Si tout le mal décrit par Jésus est dans notre cœur, c’est que Dieu n’y est plus ! Si tout ce mal vient du dedans, du cœur de l’homme, c’est le signe que l’homme a chassé Dieu de sa vie. Il est clair, ou il doit être clair pour chacun, que Dieu et le mal ne peuvent pas tenir ensemble dans le cœur de l’homme. C’est ou l’un, ou l’autre ! Celui qui fait le mal a fait le choix de refuser Dieu dans son cœur. C’est pour cela que ce que Jésus nous dit est parfaitement terrible ! Il nous faut observer chacun son propre cœur à travers ses actions pour savoir s’il a chassé Dieu de sa vie, et ne garde Dieu que sur ses lèvres. Dieu peut-il dire de moi : [Tu] m’honores des lèvres, mais [ton] cœur est loin de moi ?
Si je réponds ‘oui’ à cette question, si je fais le constat que j’ai chassé Dieu de mon cœur, pourquoi ce que dit Jésus est-il malgré tout absolument rassurant ? Cela me semble évident ! Parce que je sais désormais comment lutter contre le mal. Tant que je reste persuadé que le mal que je fais vient du dehors (les autres, les circonstances, la météo… ou que sais-je encore ?) je peux croire que je ne peux pas lutter contre le mal. Ce n’est pas ma faute ; un autre ou une chose m’a poussé à faire ce que j’ai fait. Au mal que j’ai fait, j’ajoute encore le refus de changer. Puisque c’est extérieur à moi, je n’y peux rien ; il m’arrive, dans certaines conditions, en présence de certaines personnes, de faire ou d’imaginer le mal. Alors que si le mal vient de moi, de mon intérieur, alors je sais aussi lutter contre. Si j’ai fait le choix d’accueillir le mal dans ma vie, je peux aussi à nouveau faire le choix d’accueillir Dieu dans ma vie. Il saura en chasser le mal si je décide que c’est lui, Dieu, que je veux voir habiter mon cœur. Nous pouvons relire le Deutéronome dont nous avons entendu un extrait ; nous pouvons relire le prophète Jérémie, en particulier le chapitre 31, versets 33-34. Ecoutez bien : Mais voici quelle sera l’Alliance que je conclurai avec la maison d’Israël quand ces jours-là seront passés – oracle du Seigneur. Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Ils n’auront plus à instruire chacun son compagnon, ni chacun son frère en disant : « Apprends à connaître le Seigneur ! » Car tous me connaîtront, des plus petits jusqu’aux plus grands – oracle du Seigneur. Je pardonnerai leurs fautes, je ne me rappellerai plus leurs péchés. Puisque le mal vient de notre cœur, nous pouvons, avec Jérémie, demander à Dieu de se souvenir de cette alliance nouvelle. Pour nous chrétiens, elle est scellée par Jésus, qui s’offre totalement sur la croix, pour que Dieu puisse reprendre sa place dans notre cœur. Le sacrifice de Jésus nous vaut le pardon de nos péchés. Chaque eucharistie nous le rappelle. Prenez et buvez-en tous ; car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. Communier au Corps et au Sang du Christ, c’est accueillir Jésus au cœur de notre vie pour qu’il en chasse le mal et nous permette d’y retrouver l’image de Dieu, la présence aimante et pardonnante de Dieu.
A écouter trop vite cette belle page
d’évangile, on pouvait croire que Jésus nous faisait une leçon de morale. Non,
ce qu’il donne à ses disciples, ce qu’il nous donne, c’est une leçon de
théologie. Dans ton cœur, mets Dieu ! Dans ton cœur, laisse une place à Dieu,
toujours. Lui seul saura en chasser le mal, lui seul saura te rendre pur. De tes
propres forces, de ta propre volonté, tu ne le peux pas. Accueille Dieu, compte
sur Dieu, et tu seras pur, parce que Dieu t’aura rendu pur. Mais pour que cela
puisse se faire, tu dois reconnaître que le mal vient de toi, de ton dedans, et
demander à Dieu de t’en libérer. C’est absolument rassurant, non, de savoir
cela ! Tant que l’écoute de la Parole de Dieu restera notre boussole, Dieu
restera notre guide, notre compagnon de route, au plus profond de nous. Demandons
à Dieu la grâce qu’il en soit toujours ainsi pour nous. Amen.