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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







jeudi 31 octobre 2024

01er novembre 2024 - Toussaint

 Attendus parce qu'aimés.







 

            Au moment où la nature lentement se meurt et prend ses habits d’hiver, l’Eglise nous invite à célébrer tous les saints, c'est-à-dire tous les vivants en Jésus Christ, mort et ressuscité pour notre salut. Cette fête pour eux est aussi une fête pour nous, pour nous rappeler, au moment où les ténèbres envahissent nos jours, que notre vie a un sens et que tout ce que nous vivons n’est pas vain, que la mort et les ténèbres n’ont pas le dernier mot. A ceux que l’hiver fait déprimer, la Toussaint rappelle que nous sommes attendus parce que nous sommes aimés. 

            Oui, nous sommes attendus. Et pas attendus au tournant, après une énième faiblesse ou un péché de trop. Non, nous sommes positivement attendus par Dieu. Le mystère de l’incarnation et le mystère de la rédemption nous redisent que Dieu nous attend. Le mystère de l’incarnation permet à Dieu de franchir lui-même la distance qui nous tient éloignés de lui, en entrant dans le monde par son Fils Jésus ; nous ne pouvons plus nous estimer indignes ou incapables de Dieu, puisque Dieu vient à nous. Le mystère de la rédemption permet à Dieu de nous faire franchir la distance due au péché qui nous tient éloignés de Dieu. Nous ne pouvons plus dire que le salut est impossible puisque Dieu lui-même, par la mort et la résurrection de son Fils, nous ouvre les portes du Royaume. Nous avons entendu un passage du Livre de l’Apocalypse que certains utilisent pour dire qu’il n’y aura que peu de sauvés : 12 fois 12 000, soit 144 000 ; douze milles de chaque tribu d’Israël ! Mais il faut lire attentivement le texte et sa suite immédiate pour comprendre que le salut est pour une multitude. Voici ce que dit Jean : Après cela, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Dieu attend toutes les nations, tribus, peuples et langues. Le texte se poursuit : Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. Et ils s’écriaient d’une voix forte : « Le salut appartient à notre Dieu qui siège sur le Trône et à l’Agneau ! » Oui, le salut, notre salut, appartient à Dieu ; mais pas pour le restreindre, pas pour le limiter. Le projet de Dieu, c’est que nous vivions tous, pour toujours avec lui. Ecoutons encore : L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d’où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon seigneur, toi, tu le sais. » Il me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l’Agneau. » La grande épreuve, c’est la participation à la Pâque de l’Agneau, notre propre passage par la mort et la résurrection de Jésus. Ce passage, nous l’avons tous vécu au jour de notre baptême. Heureux sommes-nous ! 

Nous sommes donc attendus par Dieu, attendus parce qu’aimés infiniment par lui. Ce n’est pas parce qu’il n’avait pas le choix que Jésus est mort en croix ; au contraire, en allant à la croix, il a fait le choix de nous sauver, il a fait le choix de l’amour. C’est parce qu’il nous aime qu’il s’est livré ; c’est parce qu’il nous aime, qu’il nous a laissé des signes, des sacrements de son amour. Jean l’affirme dans sa première lettre : dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. C’est quand nous parviendrons au terme de notre histoire que tout sera révélé ; c’est quand nous parviendrons au terme de l’Histoire, que l’amour de Dieu pour nous éclatera au grand jour. Nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. Nous verrons l’Amour dans toute sa splendeur ! Nous verrons l’Amour dans toute sa gloire ! Et nous partagerons cette gloire pour peu que nous ayons essayé, ici-bas, d’aimer de cet amour qui a tout donné. A ceux qui doutent d’être aimés de Dieu, je voudrais redire ma foi que nul d’entre nous n’existe sans l’amour de Dieu ; c’est lui qui nous appelle à la vie à travers nos parents ; c’est lui qui nous fait grandir dans sa force. Son amour est acquis à chacun depuis le premier jour de son existence. Nul d’entre nous ne vit sans cet amour de Dieu ; mais voulons-nous tous vivre de cet amour et dans cet amour ? Dieu a pris la liberté de nous aimer ; prendrons-nous la liberté de répondre à son amour ? Les béatitudes nous ouvrent des pistes pour entrer dans cet amour : être pauvre de cœur ; c'est-à-dire non pas manquer de cœur, mais avoir le cœur ouvert à l’amour de Dieu. Savoir pleurer sur les manques d’amour manifestes pour être consolés par un surcroit d’amour. Savoir être doux ; c’est encore le meilleur signe que nous apprenons à aimer. Avoir faim et soif de justice, pour tous. Être miséricordieux parce que Dieu nous fait miséricorde par amour. Garder un cœur pur pour voir, ici et maintenant, l’amour de Dieu à l’œuvre. Se faire artisan de paix puisque la paix est la sœur de l’amour, et la condition de son existence ; ceux qui se font la guerre ne s’aiment pas ! Savoir tout risquer pour la justice, et accepter d’être moqué à cause de Jésus. Autant de signes que nous sommes capables de Dieu, capables d’amour. 

Attendus par Dieu, parce qu’aimés par lui. Les saints nous montrent les divers chemins possibles pour accueillir et vivre l’amour de Dieu pour nous. Réjouissons-nous avec eux, et avançons, éclairés par leurs vies et leurs exemples, jusqu’au royaume où Dieu nous déclarera bienheureux. Alors l’Amour sera tout en tous. Amen.

samedi 26 octobre 2024

30ème dimanche ordinaire B - 27 octobre 2024

 Que veux-tu que je fasse pour toi ?





 



          Que veux-tu que je fasse pour toi ? La question est surprenante, n’est-ce pas, lorsque nous l’entendons dans l’évangile de ce dimanche ! Que pourrait bien vouloir Bartimée de la part de Jésus ? Pourquoi crier au bord du chemin : Fils de David, Jésus, prend pitié de moi ? Son insistance, quand beaucoup de gens le rabrouaient pour le faire taire, indique sa détermination. Il veut quelque chose de Jésus, et il ne se taira pas tant qu’il ne l’aura pas ! Quand on sait que Bartimée était un aveugle qui mendiait, il ne faut pas avoir fait de grandes études pour deviner. Est-ce que je me trompe ? Pourtant, la première parole de Jésus est bien cette question : Que veux-tu que je fasse pour toi ? 

          La réponse de Bartimée jaillit, claire et assurée : Rabbouni, que je retrouve la vue !  Tu m’étonnes ! Quelqu’un ici aurait imaginé une autre demande ? Nous sommes tous d’accord qu’il n’y avait pas vraiment d’autre réponse possible, surtout quand on sait que c’est son handicap physique, et non sa pauvreté, qui l’excluait de la communauté humaine et religieuse. Si, dans sa pauvreté, il espérait devenir riche, il lui fallait d’abord être guéri. Alors pourquoi cette question qui peut sembler un peu bête ? Parce que même si nous pensons que Dieu sait tout et qu’il peut tout, il nous faut exprimer devant lui notre attente, notre désir profond. Dieu sait ce qu’il nous faut, je n’en doute pas ; mais est-ce que je désire bien ce que Dieu veut me donner ? Et est-ce que je crois qu’il peut le faire ? Exprimer clairement sa demande, c’est poser un acte de foi en la capacité de Jésus de faire ce que Bartimée lui demande. D’ailleurs Jésus le confirme quand il répond à Bartimée : Va, ta foi t’a sauvé. Au-delà de la guérison physique qu’il espérait, il reçoit en plus le salut. Il nous faut donc bien comprendre que ce qui est en cause, c’est la foi ! Rappelez-vous cette autre parole de Jésus : si vous avez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous direz à cette montagne : “Transporte-toi d’ici jusque là-bas”, et elle se transportera ; rien ne vous sera impossible (Mt 17, 20). Cette page d’évangile nous invite donc à examiner deux choses. 

          La première : est-ce que je sais ce que j’attends de Dieu ? Si Dieu venait nous visiter en nous demandant ce qu’il peut faire pour nous, là, maintenant, aurions-nous la spontanéité de Bartimée, un cri du cœur, ou serions-nous comme Aladdin devant le génie de la lampe à nous gratter la tête pour savoir ce que nous pourrions bien lui demander ? Que demander qui ne soit ni présomptueux, ni totalement hors de question pour Dieu ? Cette question en cache une autre que j’exprimerais ainsi : est-ce que je connais suffisamment Dieu pour oser lui demander ce que je sais qu’il peut m’accorder ? Je suis convaincu que la réponse de Bartimée à la question de Jésus vient du fait qu’il connaît Jésus. Il a entendu parler de lui, de tout ce qu’il a déjà fait ; et Bartimée connaît bien Dieu. Il sait les signes avant-coureurs qui permettraient aux hommes de découvrir que le Messie est bien là, au milieu d’eux. Le prophète Isaïe en a donné quelques-uns : Voici votre Dieu : c’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. Il vient lui-même et va vous sauver. » Alors se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds. Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie (Is 35, 4-6). Tous ces signes posés par Jésus, Bartimée en aura entendu parler. Avant de le rencontrer et de s’égosiller pour être entendu par Jésus, il aura entendu que Jésus a déjà guéri un lépreux, un paralytique, un homme à la main desséchée, qu’il a chassé des démons en nombre, rendu à la vie la fille de Jaïre, guéri un sourd-bègue, un aveugle et un épileptique. Il ne lui en faut pas plus pour donner à Jésus le titre de Fils de David, l’un des noms annoncés par Jérémie : Voici venir des jours – oracle du Seigneur–, où je susciterai pour David un Germe juste : il régnera en vrai roi, il agira avec intelligence, il exercera dans le pays le droit et la justice (Jr 23,5). La foi de Bartimée est grande ; bien qu’aveugle, il reconnaît (il voit) les signes dont il entend parler. Bien qu’aveugle, il reconnaît (il voit) en Jésus le Messie attendu. Il sait que Jésus peut pour lui ce qu’il a déjà fait pour d’autres. Il s’est préparé. Sommes-nous prêts à rencontrer le Christ ? 

La deuxième grande question que cet évangile nous pose découle de tout ce que je viens de dire : avons-nous suffisamment la foi aujourd’hui ? Savons-nous reconnaître la présence de Jésus au milieu de nous, aujourd’hui encore ? Car enfin, c’est la grande promesse du Ressuscité au jour de l’Ascension : Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ! Dans ce monde qui semble avoir chassé Dieu, sommes-nous encore capables de voir le Christ à l’œuvre ? Ou nous lamentons-nous que ce n’est plus comme autrefois, quand tout le monde allait de l’église ? Et surtout, à travers notre vie, donnons-nous le Christ à voir aux autres ? Sommes-nous assez croyants pour vivre en authentiques disciples du Christ, même si cela peut sembler plus difficile quand la foi n’est plus autant partagée qu’autrefois ? Osons-nous nous affirmer chrétiens, c'est-à-dire disciples de ce Christ qui s’est livré pour notre salut ?  Et partant de là, avons-nous bien conscience d’être déjà sauvé par le sacrifice en croix de Jésus ? Vivons-nous de ce salut que Jésus nous offre dès notre baptême ? 

Bartimée est un exemple pour nous. De lui, apprenons la puissance de la foi. De lui, apprenons qui est Dieu pour nous et ce qu’il peut pour nous. Avec lui devenons disciples de Jésus et suivons-le sur le chemin de notre vie, jusqu’au royaume où il nous invite. Amen.

samedi 19 octobre 2024

29ème dimanche ordinaire B - 20 octobre 2024

 Se faire serviteur.



(Jésus lavant les pieds de ses disciples, image du serviteur)


 


            Les dix autres, qui avaient entendu, se mirent à s’indigner contre Jacques et Jean. Ceux qui aiment vérifier comment les autres évangélistes présentent une scène de la vie de Jésus auront découvert que seul Matthieu partage avec Marc une demande pour que Jacques et Jean puissent siéger l’un à droite et l’autre à gauche [de Jésus] dans la gloire. Une petite différence les oppose : alors que Marc attribue cette demande directement aux deux apôtres, Matthieu fait intervenir leur mère qui essaie de placer ses fils. Luc ne connait pas cet épisode. Il ne partage avec Marc et Matthieu que l’enseignement de Jésus sur le pouvoir et le service, quand les disciples se sont bien pris la tête. Luc situe ainsi cet enseignement durant le dernier repas de Jésus ; les disciples en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ? (Lc 22,24). C’est donc bien l’enseignement de Jésus qui importe, plus que le contexte dans lequel cet enseignement est donné. 

            Ce qui est commun aux trois évangiles synoptiques, c’est que les disciples se disputent entre eux sur cette question. Que la mère de deux d’entre eux ose poser la question à Jésus, rend la demande touchante d’amour maternelle, même si cet amour est mal placé. Imaginez le pugilat possible si les autres mères l’avaient entendu ! Crêpage de chignon assuré, toutes les mères voulant que leur fils réussisse mieux que les autres ! J’aurais plutôt vu les apôtres en rire ; mais non, ils en veulent à Jacques et Jean, comme s’ils avaient poussé leur mère vers Jésus. En Marc, la colère des dix autres est plus légitime, puisque ce sont deux d’entre eux qui veulent prendre les premières places. Mais pourquoi cette colère ? Parce qu’ils ont osé demander ou parce qu’ils n’ont pas pensé à le faire avant eux ? Jésus semble aller dans ce sens quand il donne à tous sa leçon sur le service qui doit être la marque de fabrique de ses disciples. Vous le savez : ceux que l’on regarde comme chefs des nations les commandent en maîtres ; les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne doit pas en être ainsi. Pas de place pour les ambitieux qui ne cherchent qu’à commander aux autres dans le groupe des Douze, et partant de là, dans l’Eglise. Ceux qui occupent une quelconque fonction ne sont pas à regarder comme des chefs de parti ou d’état. Et ils ne doivent pas se comprendre ainsi. Le chemin synodal que le pape François préconise souligne ceci à sa manière. Et cette représentation ne concerne pas que les clercs. Toute personne qui occupe une fonction dans l’Eglise, même bénévole, doit la considérer avant tout comme un service. Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur. Celui qui veut être parmi vous le premier sera l’esclave de tous. Il n’y a pas d’autre interprétation possible ; il n’y a pas de quoi pinailler. Dès que tu es en position de premier, de leader dans un groupe, tu dois te considérer comme le serviteur du groupe. Le service n’est pas une possibilité ; le service est la règle ! Personne ne commande ; tous servent ! 

            Ce n’est pas parce que le pouvoir serait mauvais ; ce n’est pas non plus parce que certains confondraient trop vite autorité et pouvoir, se plaisant à jouer aux petits chefs exécrables et exécrés. Non, la raison est d'abord d'ordre théologique. Nous devons nous faire serviteurs des autres parce que c’est ce que Jésus a fait. Comme le rapporte Matthieu, Marc et Luc, nous serons serviteurs car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. Il l'illustrera par le geste du lavement des piedsLe disciple n’est pas au-dessus de son maître ; si le maître se fait lui-même serviteur alors même qu’il vient de Dieu et qu’il est Dieu, combien plus le disciple qui n’est pas Dieu doit-il imiter son maître et se faire serviteur à son tour. Ce n’est pas par humilité, ce n’est pas par goût de la simplicité ; c’est parce que Jésus lui-même vit ainsi son ministère d’autorité. Dès lors que tu travailles dans l’Eglise, de manière bénévole ou salariée, tu dois te considérer comme étant au service des autres. Et ceux qui bénéficient de ce service doivent les aider à vivre ce service positivement, non en les critiquant quand ils doivent faire preuve d’un peu d’autorité, mais en reconnaissant ce service et en entrant dans une attitude d’action de grâce pour celles et ceux qui se mettent à leur service ! La critique est facile, toujours ; la reconnaissance a plus de mal à venir au jour, mais elle est précieuse pour que tous puissent bien vivre ensemble, sans jalousie, sans crainte et sans désir de puissance. Le seul qui soit puissant dans l’Eglise, c’est Dieu, Père, Fils et Esprit Saint. A lui seule la puissance et la gloire ! Tous les autres, quel que soit leur poste et leur titre, ne sont que des serviteurs. Même le pape se reconnaît comme le serviteur des serviteurs de Dieu. Dans l’Eglise, nous sommes tous appelés à nous reconnaître serviteurs de Dieu et serviteurs de nos frères et sœurs en humanité. C’est une affirmation dont nous devons faire notre réalité. 

            Ne jalousons pas Jacques et Jean qui ont osé demander à être l’un à la droite et l’autre à la gauche [de Jésus] dans sa gloire. Plutôt que de rejoindre les autres dans leur colère, osons les remercier d’avoir posé une question qui brûlait les lèvres de chacun. Leur audace nous a valu un enseignement clair. Puisqu’ils ont su changer de posture et se faire serviteurs à la suite de Jésus, le premier serviteur, mettons-nous à l’école du divin Maître. Devenons à notre tour serviteurs de Dieu, serviteurs les uns des autres. Amen.

samedi 12 octobre 2024

28ème dimanche ordinaire - 13 octobre 2024

 Quand le salut passe par notre humanité.



(Jésus et le l'homme riche, Source : Jésus et l'homme riche (Mc 10,17-31) | Au Large Biblique)





 

            Il a quelque chose d’attachant, ce jeune homme qui vient vers Jésus. Il nous ressemble tellement, pas méchant, cherchant quelque chose de plus dans sa vie. Il veut être sûr d’être sauvé. Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ? En voilà un qui, pour une fois, ne veut pas piéger Jésus. Sa question est honnête et sincère. Il reconnaît en Jésus un maître de vie. Il est décidé à réussir. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour que l’histoire soit belle et finisse bien ; et pourtant… 

            Avant de nous précipiter à la fin de l’histoire, il nous faut bien entendre la réponse de Jésus : Tu connais les commandements : ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. Quiconque connaît les commandements laissés par Moïse se sera rendu compte qu’il manque les premiers, ceux qui concernent Dieu : Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. Tu ne feras aucune idole. Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal. Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré. Voilà, avec ceux-là, la liste est complète. Jésus les aurait-il oubliés ? Pas lui, quand même ! Il n’arrête pas de parler de Dieu comme de son Père ; il nous invite à le prier en ce sens. S’il ne les donne pas, il doit y avoir une raison précise, et je la résumerai ainsi : notre salut ne passe pas seulement par l’amour que nous aurons pour Dieu, mais aussi (et peut-être surtout) par notre manière de l’exprimer à ceux que nous voyons et côtoyons. Autrement dit, c’est ton humanité qui te sauve ; c’est ton inhumanité qui te perdra. Il existe d’autres paroles de Jésus qui vont dans ce sens. Par exemple, Matthieu, chapitre 7, verset 21 : Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Et pour ceux qui s’interrogent sur la volonté de Dieu, relisons toujours dans l’évangile de Matthieu le chapitre 25, versets 34-40 : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. 

            L’enseignement de Jésus aurait dû satisfaire notre homme venu vers Jésus. En effet, il répond ainsi à Jésus : Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. Il n’avait donc pas de crainte à avoir ; son humanité bien vécue, il n’y a pas à en douter, lui vaudrait en héritage la vie éternelle. La Loi est claire, la Loi est vécue par l’homme, la Loi sera appliquée par Dieu. Mais voilà, lui veut plus. Il ne lui suffit plus d’être juste humain et bon avec les autres. C’est pour cela que Jésus lui indique une voie supérieure : une seule chose te manque : va, vends ce que tu as, et donne-le aux pauvres. La réponse vaut pour lui, et pour tous ceux qui comme lui, veulent plus que simplement déployer toute leur humanité. Mais ce plus proposé par Jésus lui semble soudain inatteignable, irréalisable dans l’immédiat. Cela signifie-t-il qu’il ne sera pas sauvé ? Non, s’il continue à vivre les commandements, s’il continue à être humain, il sera sauvé par Dieu. Cet épisode nous montre qu’il y a des voies différentes, correspondant à différents caractères. Tout vendre pour donner aux pauvres n’est pas une obligation, c’est un plus, proposé à celui qui veut plus que ce que la Loi demande. Plutôt que de se réjouir de ce qu’il fait déjà, notre homme s’en va en pleurant, car il avait de grands biens. Et alors ? Ces grands biens ne sont pas un obstacle à son salut ; ils sont un obstacle à cette voie autre que lui propose Jésus, et qu’il ne se sent pas capable de suivre. S’il continue à vivre comme il l’a fait depuis sa jeunesse, il obtiendra ce qu’il cherche. Dieu ne pas va lui dire : parce que tu n’as pas été capable de vivre le plus que je te proposais, je ne veux plus te voir. Jésus dit seulement que c’est plus difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu, mais il ne dit pas que c’est impossible, voire interdit ! Si la richesse te détourne de tes frères, c’est très compliqué ; elle ne t’achètera pas une place dans le royaume. Mais si ta richesse te permet de mieux faire vivre, d’être encore plus attentif aux autres, très bien. 

            Il nous faut alors encore entendre la fin de l’enseignement de Jésus, celui qu’il ne donne qu’à ses disciples, perplexes eux-aussi. Quand ils interrogent Jésus : Mais alors, qui peut être sauvé ?, Jésus dit : Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à Dieu. N’est-ce pas une manière de nous dire : ne te préoccupe pas de cela, parce que ce n’est pas en ton pouvoir de décider ? Laisse Dieu être Dieu, et manifester sa miséricorde et son salut. Toi, vis ta vie, du mieux que tu peux. Le reste, c’est cadeau, cadeau de Dieu. Vis, vis bien avec les autres, n’écrase personne de ta superbe, et tout ira bien. Vis, car c’est là que Dieu t’attend, dans l’ordinaire de ta vie. Ton salut, c’est dans ton ordinaire qu’il grandit. Plus tu seras humain, plus tu seras saint. Alors vis, Dieu s’occupera du reste, tout simplement. Amen.

 

samedi 5 octobre 2024

27ème dimanche ordinaire B - 06 octobre 2024

 Le mariage, une question d'amour.




(Marc CHAGALL, Le cantique des cantiques)




 

            Je ne le fais que très rarement, mais aujourd’hui me semblait un bon jour pour le faire : je n’ai lu que la version brève de l’évangile proposé pour ce dimanche, pour donner tout son poids à l’enseignement de Jésus sur le mariage. Certains peuvent penser que cet enseignement est difficile à entendre depuis que la société civile, au moment de la Révolution française, a facilité les choses en matière de divorce. Pourtant, je crois que cet enseignement reste d’actualité pour l’immense majorité des couples. Les exceptions, dont on voudrait qu’elles n’arrivent jamais – violences conjugales, mise en danger d’un des membres du couple, …  – appellent, avec raison, une réponse différente, parce que dans ces cas précis, il s’agit de préserver la vie. Pour les cas ordinaires et simples, la réponse de Jésus reste d’actualité. 

            Une fois encore, les adversaires de Jésus veulent le mettre à l’épreuve, avec cette question simple d’apparence : Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? Vous remarquerez immédiatement que l’inverse n’est pas imaginé par ces hommes qui s’adressent à Jésus. C’est une vieille habitude que nous pouvons constater dans d’autres passages de la vie de Jésus, notamment lorsqu’ils lui amènent une femme accusée d’adultère et que manque singulièrement celui avec qui elle l’aurait été ! Comme souvent, Jésus les renvoie à leur catéchisme : Que vous a prescrit Moïse ? Quand on cherche une réponse, la première chose à faire est de revenir à la Loi. Ben justement, répondent-ils, Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. Se pose alors la question suivante : s’ils connaissent la réponse, pourquoi poser la question ? Il n’y a pas plusieurs interprétations possibles de la Loi. Comment espèrent-ils piéger Jésus avec leur question ? S’attendent-ils à ce que Jésus disqualifie Moïse ? 

            Jésus est bien plus subtil que cela. Plutôt que de disqualifier le premier et le plus grand de tous les prophètes, Jésus précise pourquoi Moïse a permis cela : à cause de la dureté de vos cœurs ! Moïse connaissait son peuple, qu’il qualifiait souvent, lors de ces entretiens avec Dieu, de peuple à la nuque raide ! Quand l’homme est mauvais, dur, méchant, il fallait permettre l’acte de répudiation pour que l’épouse n’ait pas à souffrir d’un mari devenu insupportable. Mais il ne l’a certainement pas imaginé pour que l’homme puisse changer de femme comme de tunique ! Pour Moïse, le mariage n’est pas juste un contrat entre deux personnes, contrat qu’on pourrait rompre à la moindre occasion. Jésus le précise à sa manière en renvoyant au projet initial de Dieu, que nous avons réentendu en première lecture. Au commencement de la création, rappelle Jésus, Dieu les fit homme et femme. A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Nous sommes au-delà des sentiments qui peuvent s’évanouir, au-delà de l’attraction physique qui peut disparaître. Nous sommes là dans un acte d’alliance qui lie deux personnes de la même manière que l’Alliance lie Dieu et l’humanité. Jésus vient redire à ses adversaires que le mariage, c’est sérieux et qu’il n’est pas possible de s’y engager légèrement. 

            Que cela soit une leçon pour l’Eglise et pour nous tous. Puisque le mariage est un signe de l’Alliance que Dieu veut vivre avec chacun de nous, que personne ne s’y engage trop vite ; que l’Eglise ne bénisse pas trop vite. Depuis quelques années, nous demandons une préparation qui va bien au-delà du simple choix des chants et des lectures pour la célébration. Mais peut-être faudra-t-il faire un pas de plus, proposé déjà en son temps par le futur Benoît XVI. Il faisait le constat que beaucoup de jeunes qui demandent le mariage à l’église sont éloignés de la foi. Or, pour vivre ce sacrement, la foi est indispensable. Aussi proposait-il de marier moins vite et d’oser proposer un autre type de célébration qui reconnaisse la réalité d’un couple en construction, sans que cela soit le signe sacramentel dans sa totalité, avec toutes ses conséquences. Les personnes qui préparent au mariage font ce qui est possible pour faire réfléchir les futurs couples à leur engagement, mais ils ne peuvent pas savoir ce qui se passe dans le cœur et dans l’esprit de celles et ceux qu’ils accompagnent. Et quelquefois, des choses difficiles ne se révèlent qu’après le mariage. Il nous faut beaucoup de prudence et de discernement avant, beaucoup de miséricorde et de compréhension après. L’idéal que Jésus rappelle est toujours bon ; la question est : est-ce que tout le monde est capable de le vivre ? C’est une question qu’un sentiment trop fort et une envie trop pressante de se marier peuvent évacuer ou empêcher d’émerger. 

            Si l’Eglise ne doit pas bénir trop vite, elle doit aussi s’abstenir de condamner trop rapidement ce qui ne se sentent pas ou plus le courage de continuer. Si elle doit toujours favoriser la réconciliation quand elle est possible, elle ne doit pas enfermer dans des situations qui se révèlent dangereuses pour l’un des membres du couple. Le droit de l’Eglise prévoit la séparation des corps. La miséricorde doit toujours permettre de sauver une vie. Dieu veut le bonheur et la vie pour tous, même pour celles et ceux qui sont mariés. C’est ce que Jésus nous dit quand il nous renvoie au commencement. Au commencement, Dieu nous aime et il nous aimera toujours, malgré nos échecs, malgré nos chutes. Avec Dieu, tout est une question d’amour, toujours. Amen.