Quand le salut passe par notre humanité.
Il a quelque chose d’attachant, ce
jeune homme qui vient vers Jésus. Il nous ressemble tellement, pas méchant,
cherchant quelque chose de plus dans sa vie. Il veut être sûr d’être sauvé.
Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle en héritage ?
En voilà un qui, pour une fois, ne veut pas piéger Jésus. Sa question est
honnête et sincère. Il reconnaît en Jésus un maître de vie. Il est décidé à
réussir. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour que l’histoire soit belle
et finisse bien ; et pourtant…
Avant de nous précipiter à la fin de l’histoire, il nous faut bien entendre la réponse de Jésus : Tu connais les commandements : ne commets pas de meurtre, ne commets pas d’adultère, ne commets pas de vol, ne porte pas de faux témoignage, ne fais de tort à personne, honore ton père et ta mère. Quiconque connaît les commandements laissés par Moïse se sera rendu compte qu’il manque les premiers, ceux qui concernent Dieu : Tu n’auras pas d’autres dieux en face de moi. Tu ne feras aucune idole. Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu pour le mal. Tu feras du sabbat un mémorial, un jour sacré. Voilà, avec ceux-là, la liste est complète. Jésus les aurait-il oubliés ? Pas lui, quand même ! Il n’arrête pas de parler de Dieu comme de son Père ; il nous invite à le prier en ce sens. S’il ne les donne pas, il doit y avoir une raison précise, et je la résumerai ainsi : notre salut ne passe pas seulement par l’amour que nous aurons pour Dieu, mais aussi (et peut-être surtout) par notre manière de l’exprimer à ceux que nous voyons et côtoyons. Autrement dit, c’est ton humanité qui te sauve ; c’est ton inhumanité qui te perdra. Il existe d’autres paroles de Jésus qui vont dans ce sens. Par exemple, Matthieu, chapitre 7, verset 21 : Ce n’est pas en me disant : “Seigneur, Seigneur !” qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux. Et pour ceux qui s’interrogent sur la volonté de Dieu, relisons toujours dans l’évangile de Matthieu le chapitre 25, versets 34-40 : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.
L’enseignement de Jésus aurait dû satisfaire notre homme venu vers Jésus. En effet, il répond ainsi à Jésus : Maître, tout cela, je l’ai observé depuis ma jeunesse. Il n’avait donc pas de crainte à avoir ; son humanité bien vécue, il n’y a pas à en douter, lui vaudrait en héritage la vie éternelle. La Loi est claire, la Loi est vécue par l’homme, la Loi sera appliquée par Dieu. Mais voilà, lui veut plus. Il ne lui suffit plus d’être juste humain et bon avec les autres. C’est pour cela que Jésus lui indique une voie supérieure : une seule chose te manque : va, vends ce que tu as, et donne-le aux pauvres. La réponse vaut pour lui, et pour tous ceux qui comme lui, veulent plus que simplement déployer toute leur humanité. Mais ce plus proposé par Jésus lui semble soudain inatteignable, irréalisable dans l’immédiat. Cela signifie-t-il qu’il ne sera pas sauvé ? Non, s’il continue à vivre les commandements, s’il continue à être humain, il sera sauvé par Dieu. Cet épisode nous montre qu’il y a des voies différentes, correspondant à différents caractères. Tout vendre pour donner aux pauvres n’est pas une obligation, c’est un plus, proposé à celui qui veut plus que ce que la Loi demande. Plutôt que de se réjouir de ce qu’il fait déjà, notre homme s’en va en pleurant, car il avait de grands biens. Et alors ? Ces grands biens ne sont pas un obstacle à son salut ; ils sont un obstacle à cette voie autre que lui propose Jésus, et qu’il ne se sent pas capable de suivre. S’il continue à vivre comme il l’a fait depuis sa jeunesse, il obtiendra ce qu’il cherche. Dieu ne pas va lui dire : parce que tu n’as pas été capable de vivre le plus que je te proposais, je ne veux plus te voir. Jésus dit seulement que c’est plus difficile à ceux qui possèdent des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu, mais il ne dit pas que c’est impossible, voire interdit ! Si la richesse te détourne de tes frères, c’est très compliqué ; elle ne t’achètera pas une place dans le royaume. Mais si ta richesse te permet de mieux faire vivre, d’être encore plus attentif aux autres, très bien.
Il nous faut alors encore entendre
la fin de l’enseignement de Jésus, celui qu’il ne donne qu’à ses disciples, perplexes
eux-aussi. Quand ils interrogent Jésus : Mais alors, qui peut être
sauvé ?, Jésus dit : Pour les hommes, c’est impossible, mais pas pour
Dieu ; car tout est possible à Dieu. N’est-ce pas une manière de nous
dire : ne te préoccupe pas de cela, parce que ce n’est pas en ton pouvoir
de décider ? Laisse Dieu être Dieu, et manifester sa miséricorde et son
salut. Toi, vis ta vie, du mieux que tu peux. Le reste, c’est cadeau, cadeau de
Dieu. Vis, vis bien avec les autres, n’écrase personne de ta superbe, et tout
ira bien. Vis, car c’est là que Dieu t’attend, dans l’ordinaire de ta vie. Ton salut,
c’est dans ton ordinaire qu’il grandit. Plus tu seras humain, plus tu seras
saint. Alors vis, Dieu s’occupera du reste, tout simplement. Amen.
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