Le mariage, une question d'amour.
Je ne le fais que très rarement, mais aujourd’hui me semblait un bon jour pour le faire : je n’ai lu que la version brève de l’évangile proposé pour ce dimanche, pour donner tout son poids à l’enseignement de Jésus sur le mariage. Certains peuvent penser que cet enseignement est difficile à entendre depuis que la société civile, au moment de la Révolution française, a facilité les choses en matière de divorce. Pourtant, je crois que cet enseignement reste d’actualité pour l’immense majorité des couples. Les exceptions, dont on voudrait qu’elles n’arrivent jamais – violences conjugales, mise en danger d’un des membres du couple, … – appellent, avec raison, une réponse différente, parce que dans ces cas précis, il s’agit de préserver la vie. Pour les cas ordinaires et simples, la réponse de Jésus reste d’actualité.
Une fois encore, les adversaires de Jésus veulent le mettre à l’épreuve, avec cette question simple d’apparence : Est-il permis à un homme de renvoyer sa femme ? Vous remarquerez immédiatement que l’inverse n’est pas imaginé par ces hommes qui s’adressent à Jésus. C’est une vieille habitude que nous pouvons constater dans d’autres passages de la vie de Jésus, notamment lorsqu’ils lui amènent une femme accusée d’adultère et que manque singulièrement celui avec qui elle l’aurait été ! Comme souvent, Jésus les renvoie à leur catéchisme : Que vous a prescrit Moïse ? Quand on cherche une réponse, la première chose à faire est de revenir à la Loi. Ben justement, répondent-ils, Moïse a permis de renvoyer sa femme à condition d’établir un acte de répudiation. Se pose alors la question suivante : s’ils connaissent la réponse, pourquoi poser la question ? Il n’y a pas plusieurs interprétations possibles de la Loi. Comment espèrent-ils piéger Jésus avec leur question ? S’attendent-ils à ce que Jésus disqualifie Moïse ?
Jésus est bien plus subtil que cela. Plutôt que de disqualifier le premier et le plus grand de tous les prophètes, Jésus précise pourquoi Moïse a permis cela : à cause de la dureté de vos cœurs ! Moïse connaissait son peuple, qu’il qualifiait souvent, lors de ces entretiens avec Dieu, de peuple à la nuque raide ! Quand l’homme est mauvais, dur, méchant, il fallait permettre l’acte de répudiation pour que l’épouse n’ait pas à souffrir d’un mari devenu insupportable. Mais il ne l’a certainement pas imaginé pour que l’homme puisse changer de femme comme de tunique ! Pour Moïse, le mariage n’est pas juste un contrat entre deux personnes, contrat qu’on pourrait rompre à la moindre occasion. Jésus le précise à sa manière en renvoyant au projet initial de Dieu, que nous avons réentendu en première lecture. Au commencement de la création, rappelle Jésus, Dieu les fit homme et femme. A cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Nous sommes au-delà des sentiments qui peuvent s’évanouir, au-delà de l’attraction physique qui peut disparaître. Nous sommes là dans un acte d’alliance qui lie deux personnes de la même manière que l’Alliance lie Dieu et l’humanité. Jésus vient redire à ses adversaires que le mariage, c’est sérieux et qu’il n’est pas possible de s’y engager légèrement.
Que cela soit une leçon pour l’Eglise et pour nous tous. Puisque le mariage est un signe de l’Alliance que Dieu veut vivre avec chacun de nous, que personne ne s’y engage trop vite ; que l’Eglise ne bénisse pas trop vite. Depuis quelques années, nous demandons une préparation qui va bien au-delà du simple choix des chants et des lectures pour la célébration. Mais peut-être faudra-t-il faire un pas de plus, proposé déjà en son temps par le futur Benoît XVI. Il faisait le constat que beaucoup de jeunes qui demandent le mariage à l’église sont éloignés de la foi. Or, pour vivre ce sacrement, la foi est indispensable. Aussi proposait-il de marier moins vite et d’oser proposer un autre type de célébration qui reconnaisse la réalité d’un couple en construction, sans que cela soit le signe sacramentel dans sa totalité, avec toutes ses conséquences. Les personnes qui préparent au mariage font ce qui est possible pour faire réfléchir les futurs couples à leur engagement, mais ils ne peuvent pas savoir ce qui se passe dans le cœur et dans l’esprit de celles et ceux qu’ils accompagnent. Et quelquefois, des choses difficiles ne se révèlent qu’après le mariage. Il nous faut beaucoup de prudence et de discernement avant, beaucoup de miséricorde et de compréhension après. L’idéal que Jésus rappelle est toujours bon ; la question est : est-ce que tout le monde est capable de le vivre ? C’est une question qu’un sentiment trop fort et une envie trop pressante de se marier peuvent évacuer ou empêcher d’émerger.
Si l’Eglise ne doit pas bénir trop
vite, elle doit aussi s’abstenir de condamner trop rapidement ce qui ne se
sentent pas ou plus le courage de continuer. Si elle doit toujours favoriser la
réconciliation quand elle est possible, elle ne doit pas enfermer dans des
situations qui se révèlent dangereuses pour l’un des membres du couple. Le droit
de l’Eglise prévoit la séparation des corps. La miséricorde doit toujours
permettre de sauver une vie. Dieu veut le bonheur et la vie pour tous, même
pour celles et ceux qui sont mariés. C’est ce que Jésus nous dit quand il nous
renvoie au commencement. Au commencement, Dieu nous aime et il nous aimera
toujours, malgré nos échecs, malgré nos chutes. Avec Dieu, tout est une
question d’amour, toujours. Amen.
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