La foule a été rassasiée, les douze corbeilles de restes sont rangées ; il n’y a pas de temps à perdre. Les foules sont renvoyées, les apôtres embarqués et Jésus peut se retirer. Un peu de temps pour lui et pour son Père, qu’il prie, à l’écart sur la montagne. C’est ce que nous vivons ce matin, laissant l’ordinaire de notre vie pour rencontrer Dieu, l’écouter et lui parler. Cette église est notre montagne, notre lieu de rencontre et d’intimité. Pour un instant.
Lorsqu’il a terminé ce tête-à-tête avec Dieu, vient le temps pour Jésus de retrouver les Apôtres. Souvenez-vous : il les a fait embarquer, ils sont déjà en route pour l’autre rive. Matthieu souligne que leur barque était battue par les vagues, car le vent était contraire. Est-ce un simple phénomène météorologique ou est-ce le résultat de l’absence de Jésus ? Sans doute un peu des deux. Pour bien comprendre tout ce qui se joue ici, il faut rappeler dès maintenant que, pour le peuple de la Bible, la mer est le lieu où siègent les forces du Mal. Qui peut prétendre contrôler les flots en furie ? Nous en avons encore eu la preuve cette année au Japon où les eaux ont tout emporté, tout détruit. Aucun ouvrage de mains humaines ne peut résister à la mer déchainée. Et la barque des Apôtres devient alors le signe de l’Eglise, envoyée dans un monde qui ne lui est pas toujours favorable, battue par des flots et des vents contraires à l’Evangile. Cette histoire de Jésus qui va rejoindre cette embarcation et ses disciples en marchant sur l’eau, devient alors une parabole pour nous permettre d’approfondir notre foi en Jésus.
Et que découvrons-nous de lui ? Qu’il est plus fort que l’Adversaire, plus fort que le Mal. En effet, Jésus ne marche pas sur l’eau par plaisir, ni pour amuser la galerie. Il marche sur l’eau comme un jour il marchera vers sa mort, après avoir prié son Père. Il avance avec assurance, sachant que rien ne peut le séparer de son Père ; il avance en écrasant le Mal de son talon comme, en marchant vers sa mort, il avancera avec cette certitude que Dieu est avec lui et qu’il est plus fort que le Mal. Oui, cette marche de Jésus sur l’eau, sur le territoire de l’Ennemi, annonce déjà sa victoire sur le Mal et la Mort par la croix. C’est vers la fin de la nuit que Jésus vint vers eux en marchant sur la mer : c’est au matin de Pâque, c’est-à-dire à la fin de la nuit, que Jésus va ressusciter d’entre les morts et apparaître à ses disciples. Les disciples ont, dans la barque, la réaction qu’ils auront au matin de Pâques : C’est un fantôme ! C’est un esprit ! Et Jésus leur adresse déjà l’encouragement du matin de Pâque : Confiance ! c’est moi : n’ayez pas peur !
Dans la nuit de nos doutes, dans la nuit de nos peurs, dans la nuit de nos abandons, nous pouvons avoir cette certitude que Jésus est avec nous. A-t-il abandonné ses apôtres dans la barque pendant qu’il priait son Père ? Ou les accompagnait-il déjà de sa prière pendant qu’ils entamaient leur traversée et que la barque était battue par les flots ? Cette page d’évangile nous assure de la présence de Jésus à nos côtés avec la même force que le font les textes de sa résurrection. Nous pouvons mettre notre confiance en Jésus, sûrs qu’il ne nous abandonnera jamais lorsque notre vie sera livrée aux vents contraire. Avec la même assurance que Jésus, nous pouvons avancer dans un monde contraire. Pierre semblait l’avoir compris quand il s’est mis à fanfaronner : Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur l’eau. Il a bien commencé son chemin, à l’appel de Jésus, mais, voyant qu’il y avait du vent, il eut peur. Et lorsque nous avons peur des vents contraires, lorsque le Mal nous effraie parce que nous le croyons plus fort, alors nous coulons, alors le Mal nous submerge, alors l’Adversaire gagne la partie. Comme Pierre, nous devons crier vers Jésus : Seigneur, sauve-moi !, pour qu’il intervienne en notre faveur, pour qu’il montre sa puissance, pour qu’il se manifeste à nous selon ce que nous disons de lui dans la foi : il est vainqueur du Mal et de la Mort.
Pierre et Jésus remontent dans la barque et le vent tomba. Là où est Jésus il n’y a pas de place pour l’Adversaire ; là où est Jésus, selon la parole du psalmiste, justice et paix s’embrassent, amour et vérité se rencontrent. Il n’y a pas de place pour la peur, il n’y a pas de place pour le Mal, il n’y a pas de place pour la Mort. Le comprenant, les disciples peuvent confesser leur foi : Vraiment tu es le Fils de Dieu. C’est ce que nous ferons tout à l’heure, répondant à la parole entendue par notre foi en Dieu Père, Fils et Esprit Saint, Dieu avec nous, toujours et partout. Et nous sommes tellement sûrs de sa présence et de sa bonté pour nous, que nous lui confierons le monde pour qu’il intervienne là où nous ne pouvons plus rien.
Quand notre vie est secouée par les vents de l’adversité, souvenons-nous de ces Apôtres dans leur barque, rejoints à la fin de la nuit par Jésus, marchant sur les eaux : et nous retrouverons confiance, nous découvrant accompagnés par celui qui a vaincu tous les obstacles, par celui qui a offert sa vie pour que la nôtre soit à la dimension de celle de Dieu. Et nous pourrons faire nôtre cette prière : Dieu est mon rocher, mon salut : d’en haut, il tend la main pour me saisir, il me retire du gouffre des eaux. Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
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