Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







vendredi 26 juillet 2013

17ème dimanche ordinaire C - 28 juillet 2013

L'enseignement de Jésus sur la prière.



Les disciples auraient-ils eu vent des paroles de Jésus à Marthe  et à Marie la semaine passée ? Ou sont-ils seulement impressionnés par Jésus qu’ils voient en prière si souvent ? Ou sont-ils plus modestement jaloux des disciples de Jean le Baptiste qui ont eu droit apparemment à un tel enseignement de la part de leur maître ? Nous ne le saurons jamais ; par contre nous savons qu’un jour, ils lui ont demandé de leur apprendre à prier. Cette question de la prière n’est donc pas une question anodine. Les Apôtres ont dû ressentir quelque chose de particulier en voyant Jésus prier, et ils veulent partager cette expérience. Ce qui nous vaut aujourd’hui un enseignement sur la prière. Nous pouvons donc reprendre à notre compte la demande des Apôtres, si nous voulons, à notre tour, ressembler davantage à Jésus. Osons donc la demande : Apprends-nous à prier ! Et préparons-nous à être surpris ! 
 
Remarquons d’emblée que la demande des disciples est judicieuse. Car par quelle prière commencer si ce n’est celle-là qui nous met en situation d’apprentis ! N’est-ce pas un bon début pour une vie spirituelle que de s’adresser au Maître lui-même pour qu’il nous transmette sa propre expérience, quelques bribes de sa relation particulière à Dieu ? Jésus est le Priant par excellence puisqu’il vit dans l’intimité de son Père, celui-là qu’il nous faut prier justement. C’est donc bien de Jésus que nous pouvons le mieux apprendre. Il nous suffit donc, pour commencer, de frapper à sa porte, et il nous ouvrira à son enseignement. 
 
Son enseignement nous invite bien sûr à la persévérance ; il nous dit d’insister, de demander, de supplier pour nos besoins. Le demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira, n’est pas qu’une belle formule, un slogan de plus dans l’attirail du missionnaire. Quiconque a commencé un jour une vie spirituelle sait combien il est important de rester ainsi disciple en toute chose. Il doit sans cesse demander, chercher, frapper à la porte de son Maître pour mieux accueillir et approfondir son enseignement. Sans persévérance, il n’y a pas de vie spirituelle possible. Tous les grands maîtres de la prière nous l’enseignent : la vie de prière est un long chemin, jamais abouti, toujours chaotique parce qu’il met en mouvement les forces qui s’opposent à Dieu et qui ont l’esprit chagrin chaque fois qu’un nouveau disciple prend avec sérieux la suite du Christ.  
 
Mais l’enseignement de Jésus ne se contente pas de quelques formules ou belles phrases sur la prière. L’enseignement de Jésus, c’est surtout la prière qui est toujours écoutée par Dieu, toujours exaucée. En réponse à la demande de ses disciples, il leur donne le Notre Père, une prière toute faite, à reprendre sans se lasser pour ouvrir le cœur de Dieu et accéder à ses grâces. Cela peut nous surprendre, nous qui n’aimons rien autant que la liberté et la créativité. Sans doute aurions-nous préféré une formule magique pour composer nous-mêmes nos propres prières, réinventer chaque jour notre liturgie et notre manière de nous adresser à Dieu. Jésus nous invite à la répétition, à l’appropriation d’une prière qui n’est pas de nous ; bref, il nous invite à rester disciples, à rester humbles, même dans notre manière de parler à Dieu. Ce n’est donc pas la peine de lancer un concours de la meilleure prière : il n’y aura rien de mieux que celle-là ! Nous devons donc accueillir le Notre Père comme modèle de prière, comme seule vraie prière. Celui qui veut prier à la manière de Jésus doit comprendre comment « fonctionne » cette prière pour calquer ensuite la sienne sur celle du Christ. Et celui qui ne sait pas prier pourra toujours simplement redire ces mots que le Christ a enseignés, sûr que ces mots-là sont entendus du Père lorsqu’ils sont prononcés par le cœur. Reprenons donc cette prière par le détail. 
 
Notre Père, que ton Nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur terre comme au ciel. Dans ces premiers mots se trouve ma plus grande surprise. Moi qui croyais qu’il fallait parler à Dieu de moi, de mes soucis pour les lui confier, pour lui demander de l’aide, voilà que je suis décentré. Lorsque tu parles à Dieu, parle-lui de lui. Laisse tes soucis et rencontre véritablement celui qui t’accueille. La première moitié du Notre Père me tourne totalement vers Dieu et vers mes frères. ‘Notre’ Père et non pas ‘Mon’ Père : je ne possède pas en exclusivité celui à qui je m’adresse, mais je m’adresse à lui avec la certitude que d’autres le font aussi : ma prière rejoint un grand fleuve de prières adressées au même Dieu.
 
‘Que ton nom’, ‘que ton règne’, ‘que ta volonté’ et non pas mon nom, mon règne, ma volonté ! Quand  je prie Dieu, je lui parle d’abord de lui : j’entre dans son projet d’amour pour moi. Cela signifie aussi que je vais prendre du temps pour écouter Dieu. C’est une des surprises au sujet de la prière : je ne prie pas Dieu avec ma bouche seulement, je prie aussi avec mes oreilles. Si je veux entrer dans le projet de Dieu, il me faut le connaître. Et comment le connaître si je ne laisse pas à Dieu le temps de me l’expliquer ? N’est-ce pas ce que Marie nous enseignait dimanche dernier, lorsqu’elle restait là, aux pieds de Jésus à l’écouter ? Elle avait choisi la bonne part ; nous comprenons mieux encore pourquoi elle ne lui sera pas enlevée
 
Donne-nous le pain dont nous avons besoin chaque jour. Pardonne-nous nos péchés… et ne nous soumets pas à la tentation. Ainsi Jésus poursuit sa prière-type par les demandes à faire. Parce qu’on ne demande pas n’importe quoi à Dieu ! Demande ton pain, demande le pardon et la capacité à pardonner, demande que le Mauvais s’éloigne de toi ! 
 
Demande ton pain, ce n’est pas seulement le pain que tu manges. Une lecture de l’Evangile de saint Jean nous apprend que Jésus est le Pain vivant. Donne-nous notre pain peut donc aussi dire ‘donne-nous le Christ, donne-nous son Esprit’. La fin de la page d’Evangile de ce jour renforce cette compréhension : Combien plus votre Père du ciel donnera-t-il l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent ? Voilà que même dans ce que nous demandons, nous sommes détournés de notre petite personne et de ses besoins humains pour apprendre à demander l’essentiel : que l’Esprit du Christ habite en nous ! Que cet enseignement du Christ est loin de la prière de nécessité que si souvent j’adresse à Dieu ! Je me rends compte qu’il me faut vraiment apprendre à prier, vraiment me mettre à l’école du Christ. 
 
Demande le pardon, parce que c’est ce que Dieu veut t’offrir en envoyant son Fils dans le monde. Reconnais que tu as besoin de sa miséricorde, que tu as besoin de lui pour grandir comme son fils authentique. Demande aussi le pardon pour apprendre de lui comment pardonner à ton tour, afin de ne pas profiter égoïstement d’un don qui t’est fait pour que tu le transmettes !
 
Demande que le Mauvais s’éloigne de toi, parce que plus tu prieras Dieu, plus tu réveilleras le Mauvais. Tu auras alors un choix à faire : soit poursuivre ton œuvre de prière pour que le Mauvais soit bien rejeté hors de ta vie, soit arrêter là, parce que tu voulais bien prier Dieu mais pas déranger le Mauvais ; et tu n’en seras jamais débarrassé, du Mauvais ! Il s’installera sournoisement dans ta vie, bien tapi dans l’ombre, et chaque fois que tu voudras reprendre la prière, il t’en dissuadera en aboyant un peu fort. La prière n’est décidément pas un acte de petit chrétien tranquille. 
 
Nous pouvons dès lors mesurer le chemin parcouru : d’une simple demande – apprends-nous à prier – nous avons fait tout un chemin à la suite de Jésus. Cette demande est devenue une vraie prière par l’enseignement reçu du Christ lui-même. Le Apprends-nous à prier des disciples peut se conjuguer ainsi : apprends-moi à me tourner vers le Père en vérité ; apprends-moi à entendre ce que tu attends de moi ; apprends-moi à vivre selon ton Esprit, Esprit que tu as mis en moi au jour de mon baptême. Mets sur mes lèvres la prière qui pourra être entendue et exaucée par ton Père. Mets dans mon cœur la prière qui me mettra véritablement en ta présence. Apprends-moi à prier ; apprends-moi à être avec toi, toujours. N’est-ce pas là le but de toute prière ? Qu’il en soit donc ainsi pour chacun. Amen.
 

(Jean-François KIEFFER, Mille images d'Eglise, éd. Les Presses d'Ile de France)

vendredi 19 juillet 2013

16ème dimanche ordinaire C - 21 juillet 2013

Apprendre à être à l'heure de Dieu !



Nous avons tous entendu les mêmes lectures maintenant. Alors que vaut-il mieux ? Vaut-il mieux prier, aller à la messe le dimanche ?, ou vaut-il mieux s’occuper des pauvres et agir au nom de l’Evangile … La réponse apportée dépend souvent de notre idéologie personnelle ! L’histoire récente de l’Eglise nous le montre bien. Or l’Evangile et le Christ ne sont d’aucune idéologie. La vérité ne saurait être dans l’une ou l’autre. Nous gagnerons donc à bien lire ce qui est écrit aujourd’hui et à comprendre ce que nous disent les textes entendus. 
 
Si nous comparons la première lecture et l’Evangile, nous pouvons dire, sans nous tromper, qu’il s’agit de deux textes de rencontres. Dans la Genèse, Abraham rencontre trois hommes ; il se met à leur service, leur offrant repos et repas. Il en est récompensé par l’annonce de la naissance d’un fils. Dans l’Evangile, Jésus rencontre Marthe et Marie : Marthe s’affaire derrière les fourneaux pour servir le Seigneur, pendant que Marie reste assise là, près de Jésus, à ne rien faire. Et c’est d’elle dont Jésus lui-même dit qu’elle a choisi la bonne part (pour respecter le texte grec). Marthe ne fait que ce qu’a fait jadis son ancêtre Abraham : lui était récompensé, elle s’en trouve quelque peu malmenée. Pourquoi une telle différence ? 
 
En lisant attentivement le passage de la Genèse, nous comprenons fort bien que c’est Abraham qui a l’initiative de la rencontre. Abraham leva les yeux, et il vit trois hommes qui se tenaient debout près de lui. Aussitôt il courut à leur rencontre, se prosterna jusqu’à terre et dit : "Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, ne passe pas sans t’arrêter près de ton serviteur". Il reçoit à son invitation ; il se met au service de ceux qu’il accueille. Normal. Les règles de l’hospitalité sont ainsi faites ; il ne laisse pas son  hôte s’ennuyer, il s’occupe de son confort, il veille à ce qu’il ne manque de rien. Il a voulu que ces hommes s’arrêtent chez lui, il doit maintenant s’en occuper. 
 
Dans l’Evangile, la perspective n’est pas la même. Jésus entre dans un village ; il y a là des amies à lui ; il leur rend visite et Marthe le reçoit dans sa maison. Il nous faut nous souvenir ici que c’est Luc qui nous raconte cette histoire. Et chez Luc, c’est toujours Jésus qui a l’initiative des rencontres. Souvenez-vous de Zachée : Aujourd’hui, il faut que j’aille demeurer chez toi !  C’est lui qui s’invite, et aujourd’hui, c’est le jour où il doit demeurer chez Marthe et Marie. Le personnage important, c’est lui. L’acte important, c’est lui qui le pose : il s’invite. Le servir, c’est donc d’abord comprendre pourquoi il s’invite ainsi, et entendre de sa propre bouche le motif de sa visite. Il sera toujours temps, après, de passer à table ; il sera bien temps assez tôt de partager avec lui le repas. Marthe a brûlé les étapes : elle n’a pas pris le temps de bien faire attention à son hôte, contrairement à Marie qui n’a cessé de l’écouter. 
 
Comprenez-vous bien ce qui différencie ces deux histoires de rencontres ? Alors vous comprendrez la réponse à apporter à ma question du début : que vaut-il mieux ? Avec un autre auteur de l’Ancien Testament, nous pourrions dire qu’il y  a un temps pour tout. Pour Abraham était venu le temps d’accueillir comme il se doit ses visiteurs, en leur offrant repas et repos. Pour Marthe et Marie était venu le temps de se mettre à l’écoute de celui qui s’invitait chez elles. De même, la vie chrétienne parfaite n’est pas celle qui sans cesse se perd en activité, même charitable, de manière continuelle, ni même celle qui se perd en prière éternelle oubliant le pauvre devant la porte. Le service authentique de Dieu suppose de savoir à quel moment faire quoi. Jésus, en mettant en avant l’attitude de Marie, rappelle simplement que le service de Dieu commence par son écoute. Seul celui qui écoute bien Dieu peut apprendre de lui comment le servir encore mieux dans ses frères. L’action est nécessaire au chrétien puisqu’il doit témoigner de sa foi auprès des autres. Mais la prière et la pratique authentique passe d’abord par l’écoute, la prière, la méditation de la parole de Dieu pour y découvrir ce que Dieu attend de moi. La charité ne supprime pas la prière, et la prière ne dispense pas de la charité. Chacune a besoin de l’autre : nos activités pastorales ou caritatives ont besoin d’être soutenus par une vie liturgique et spirituelle pour ne pas devenir activisme vain et stérile. Et notre vie liturgique et spirituelle a besoin d’engagement pour que nous ne nous perdions pas dans les nuages d’un mysticisme vain et stérile.  
 
Ce lien profond que Jésus établit entre les deux se vérifie par la place de cette histoire dans l’Evangile de Luc : elle vient après le bon samaritain, parabole par laquelle Jésus nous invitait à nous faire le prochain de tout humain qui souffre, nous enseignant la charité ; mais elle vient juste avant un enseignement cohérent de Jésus sur la prière. Placée à la charnière de ces deux enseignements, cette rencontre avec Marthe et Marie nous invite à unifier en profondeur notre existence, à régler l’horloge de notre vie sur Dieu pour que nous sachions toujours quelle heure il est. Marthe et Marie doivent cohabiter dans notre vie parce qu’elles se complètent mutuellement. L’important est de se soumettre aux exigences de l’heure. 
 
En ce moment de notre dimanche, nous pouvons être assurés d’être à la bonne heure au bon lieu, parce que nous sommes au temps où il faut écouter Dieu lui-même nous parler avant de lui rendre grâce et de partager avec lui le repas auquel il nous a invités. Ce temps est renouvelé par Dieu lui-même chaque dimanche pour nous permettre de revenir à la source et d’être fortifiés dans notre foi, notre espérance et notre charité. Restons fidèles à cette heure de Dieu et toute notre vie sera bien réglée à l’horloge de Dieu. Amen.
 

(Dessin de Jean- François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)

vendredi 12 juillet 2013

15ème dimanche ordinaire C - 14 juillet 2013

Un art de vivre !


Maître, que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? La question n’est-elle pas surprenante dans la bouche d’un docteur de la Loi, un homme qui enseigne aux autres ce qu’ils ont à faire en matière religieuse ? Si lui, docteur de la Loi, a besoin d’un autre pour savoir comment plaire à Dieu, qui pourra savoir ?  
 
Celui qui voulait mettre Jésus dans l’embarras, va se retrouver très vite embarrasser lui-même. A jouer bête, on se retrouve bête. Jésus le renvoie d’abord à son catéchisme : dans la Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Que lis-tu ? Une fois la réponse apportée, et nous rassurés sur la connaissance du docteur de la Loi, Jésus le renvoie à sa vie : va, et fais ainsi. Il s’inscrit ainsi dans la lignée d’un Moïse qui invitait déjà son peuple au respect de la Loi de Dieu. Le livre du Deutéronome, dont nous avons entendu un extrait en première lecture, en est témoin. Dans un dernier discours avant sa mort, Moïse rappelle au peuple l’importance d’écouter la voix du Seigneur. A celui qui veut parvenir à la vie éternelle, il n’est laissé que cette parole à entendre et à vivre. Elle n’est ni lointaine, ni hors d’atteinte. Le Dieu de Moïse, le Dieu de Jésus Christ, est le Dieu qui parle à l’homme, le Dieu qui l’invite sans cesse à faire le choix de la vie, le Dieu qui s’adresse au cœur de l’homme : Elle est tout près de toi, cette parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. Le docteur de la loi avait bien cette parole dans son cœur et dans sa bouche, puisqu’il la cite quand Jésus l’interroge ; mais il en faisait un usage pervers. Il voulait s’en servir pour embarrasser Jésus, alors qu’elle doit servir à faire vivre, à faire grandir. Nul doute qu’il aura grandi un peu, notre docteur de la loi, à l’écoute de Jésus. Ce qui nous vaut aujourd’hui cette belle parabole du bon samaritain. Elle permet à Jésus de poursuivre la réflexion à la demande du docteur de la Loi. Et qui donc est mon prochain, interroge-t-il !  
 
Notez que la réponse de Jésus reformule la question : il n’invite pas seulement à découvrir qui est notre prochain, mais de qui nous pouvons être le prochain ! Comme Moïse, il met l’accent sur la nécessité de vivre notre foi. Etre croyant, ce n’est pas se payer de mots, c’est un art de vivre, une attention constante à l’autre. Ma foi en Dieu ne m’éloigne pas des autres, ne m’enferme pas dans un monde éthéré ; non, ma foi me ramène sans cesse vers l’autre, vers les autres, puisque Dieu lui-même a pris fait et cause pour les autres quand il est devenu l’un de nous en Jésus. Ce n’est pas un hasard si les deux premiers passants sur la route du blessé sont un prêtre et un lévite, un serviteur du Temple. Voilà deux hommes qui maîtrisent la Loi, qui connaissent bien leur religion. Mais ils sont enfermés dans des questions de pureté ; la Loi est devenue un carcan au point qu’ils en oublient la Parole de Dieu qui, dès la première alliance, insiste sur le secours à apporter au frère en détresse. C’est un Samaritain, c’est-à-dire un infréquentable, qui vient au secours du blessé. Il ne l’interroge pas sur son appartenance religieuse, il ne s’empêtre pas dans des questions légalistes : ai-je le droit ou pas ? Il voit un homme dans le besoin ; il agit. Il le soigne, interrompt momentanément son voyage pour prendre soin de ce homme, de cet étranger. Il allège même sa bourse pour que l’hôtelier poursuive les soins nécessaires le lendemain, et s’engage à lui rembourser tous les frais à venir si son don n’y suffisait pas. Il n’est pas dit qu’il connaît la Loi, mais il l’applique dans ce qu’elle a de plus essentiel : le devoir de charité.  
 
Des siècles plus tard, nous voici, écoutant toujours cette parole de Dieu dont la parabole fait maintenant partie. Nous voici, des siècles plus tard, cherchant encore comment parvenir au Royaume où Dieu nous attend. Sur notre chemin, il y a toujours le Christ crucifié, signe de ses frères qui ont besoin de nous. Sa croix nous indique le chemin. Nous ne pourrons pas la contourner ; nous ne pourrons pas l’éviter. La croix est la parole de Dieu la plus forte, celle qui nous remet face à Dieu, face aux frères à aimer et à servir  de la même manière que nous aimons et servons Dieu. Des siècles plus tard, nous ne pouvons toujours pas nous payer de mots ; il nous faut toujours nous faire le prochain de celui ou celle qui a besoin de nous. Ils sont nombreux, ceux qui sont au bord de notre route. Ils sont nombreux à attendre un geste, une oreille, une attention. Celui qui veut se faire le prochain de son frère n’a que l’embarras du choix ! Une écoute attentive de la parole de Dieu devrait nous aider à comprendre où Dieu nous veut, où il nous attend pour témoigner aux hommes son amour et sa tendresse.  
 
Ce qui compte alors, c’est de bien vivre notre foi, à chaque instant. Si notre archevêque nous invite à évangéliser nos communautés, n’est-ce pas d’abord pour que nous prenions conscience, mieux encore, de l’urgente nécessité d’agir, conformément à notre foi ? N’est-ce pas aussi ce que nous rappelle le pape François depuis son élection ? En suivant le Christ, en imitant son art de vivre, nous passerons avec lui la croix, nous parviendrons à la vie éternelle, accueillis par celles et ceux dont nous aurons été le prochain. Cela vaut la peine d’essayer. Amen.


(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)

vendredi 5 juillet 2013

14ème dimanche ordinaire C - 07 juillet 2013

Comme des agneaux au milieu des loups.


Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. C’est avec ces mots que Jésus envoie en mission soixante-douze disciples pour qu’ils aillent porter au monde la Bonne Nouvelle du salut. Je ne sais pas pour vous, mais personnellement, je trouve qu’il y a plus accrocheur et plus encourageant que ces mots pour envoyer quelqu’un en mission. Etre un agneau au milieu des loups : pourquoi pas ! Mais à tout prendre, je pense que beaucoup préfèreraient être le loup au milieu des agneaux ! N’est-ce pas : on voit tout de  suite ce qu’il y a à gagner dans ce cas de figure. 
 
Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Nous comprenons bien que, même dans la bouche de Jésus, cela ne peut signifier qu’il les envoie à l’abattoir ! C’est une mission sérieuse qu’il leur confie, une mission qui doit apporter du bonheur aux gens, une mission qui doit toucher le cœur des gens. Il n’envoie pas des kamikazes, mais des porteurs d’une bonne nouvelle ! Les envoyer comme des agneaux au milieu des loups, c’est les envoyer avec pour seule force l’Evangile qu’ils doivent annoncer. Ils n’ont que la force de leur faiblesse ! Des casques bleus de l’Evangile, en quelque sorte ! Parmi les consignes reçues, il y a celle-ci qui témoigne bien de l’état d’esprit qui doit être celui des missionnaires : Dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : paix à cette maison ! Ils ne sont pas envoyés pour forcer les gens à croire, mais pour leur signifier la paix qui vient de Dieu et les inviter à vivre dans cette paix. 
 
Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Il y a aussi quelque chose de prophétique dans cet envoi curieux. Il nous faut ouvrir le livre du prophète Isaïe pour trouver un écho lointain à cet envoi. C’est Saint Ambroise, qui, au 4ème siècle, prêchait ainsi : Jésus envoie ses disciples à sa moisson semée par le Verbe de Dieu mais qui demandait la sollicitude de ses ouvriers, pour que les oiseaux ne pillent pas la semence répandue, et il dit : « Voici que je vous envoie comme des agneaux parmi les loups. » Voilà des animaux ennemis, les uns dévorant les autres ! Le bon Pasteur ne saurait redouter les loups pour son troupeau : ses disciples sont envoyés, non pour être une proie mais pour répandre la grâce ; car sa sollicitude fait que les loups ne peuvent rien entreprendre contre les agneaux. Il envoie donc les agneaux parmi les loups pour que se réalise cette parole d’Isaïe : « Alors, loups et agneaux seront ensemble au pâturage. » N’est-ce pas ce que les disciples ont expérimenté : les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux. Ils racontaient : « Seigneur, même les esprits mauvais nous sont soumis en ton nom. » Jésus leur dit : « Je voyais Satan tomber du ciel comme l’éclair. Vous, je vous ai donné pouvoir d’écraser serpents et scorpions et pouvoir sur toute la puissance de l’Ennemi et rien ne pourra vous faire de mal. Cependant, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms sont inscrits dans les cieux. » 
 
Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups. Cet envoi reste vrai pour nous aujourd’hui. Chaque baptisé est envoyé comme un agneau au milieu des loups pour témoigner de la force et de la grandeur de Dieu. Depuis notre baptême, notre nom est inscrit dans les cieux : les puissances du Mal ne peuvent rien contre nous si nous restons fidèles à notre baptême, fidèles au Dieu qui sans cesse nous envoie porter au monde l’Evangile du salut. Le Christ nous envoie, mais il ne reste pas à ne rien faire ; il nous accompagne, il nous devance même, lui qui a vaincu toute forme de Mal sur le bois de la croix. Envoyés comme des agneaux au milieu des loups, nous portons en nous la victoire du Crucifié. La faiblesse de nos moyens et de nos personnes est compensée largement par la puissance du message à transmettre et par la force de celui qui nous envoie. Avec le psalmiste, nous avons raison de chanter : de là, cette joie qu’il nous donne. Il règne à jamais par sa puissance (Psaume 65). C’est bien de Dieu qu’il nous parle, de Dieu qui  nous appelle, de Dieu qui nous envoie, de Dieu qui combat avec nous, de Dieu qui règne sur nous, maintenant et toujours. 
 
D’un tel Dieu, je veux bien être envoyé comme un agneau au milieu des loups, parce qu’avec un tel Dieu, ce n’est pas la taille des crocs qui comptent, mais la taille du cœur. Et celui de Dieu, nous le savons, est sans mesure. Amen.
 

(Dessin de Jean-François KIEFFER, Mille images d'Eglise, éd. Presses d'Ile de France)