Maître,
que dois-je faire pour avoir part à la vie éternelle ? La
question n’est-elle pas surprenante dans la bouche d’un docteur de la Loi, un
homme qui enseigne aux autres ce qu’ils ont à faire en matière religieuse ?
Si lui, docteur de la Loi, a besoin d’un autre pour savoir comment plaire à Dieu,
qui pourra savoir ?
Celui qui voulait mettre Jésus dans l’embarras, va se retrouver très
vite embarrasser lui-même. A jouer bête, on se retrouve bête. Jésus le renvoie
d’abord à son catéchisme : dans la
Loi, qu’y a-t-il d’écrit ? Que lis-tu ? Une fois la réponse
apportée, et nous rassurés sur la connaissance du docteur de la Loi, Jésus le
renvoie à sa vie : va, et fais
ainsi. Il s’inscrit ainsi dans la lignée d’un Moïse qui invitait déjà son
peuple au respect de la Loi de Dieu. Le livre du Deutéronome, dont nous avons
entendu un extrait en première lecture, en est témoin. Dans un dernier discours
avant sa mort, Moïse rappelle au peuple l’importance d’écouter la voix du Seigneur. A celui qui veut parvenir à la vie
éternelle, il n’est laissé que cette parole à entendre et à vivre. Elle n’est
ni lointaine, ni hors d’atteinte. Le Dieu de Moïse, le Dieu de Jésus Christ,
est le Dieu qui parle à l’homme, le Dieu qui l’invite sans cesse à faire le
choix de la vie, le Dieu qui s’adresse au cœur de l’homme : Elle est tout près de toi, cette parole,
elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. Le
docteur de la loi avait bien cette parole dans son cœur et dans sa bouche,
puisqu’il la cite quand Jésus l’interroge ; mais il en faisait un usage
pervers. Il voulait s’en servir pour embarrasser Jésus, alors qu’elle doit
servir à faire vivre, à faire grandir. Nul doute qu’il aura grandi un peu,
notre docteur de la loi, à l’écoute de Jésus. Ce qui nous vaut aujourd’hui
cette belle parabole du bon samaritain. Elle permet à Jésus de poursuivre la
réflexion à la demande du docteur de la Loi. Et qui donc est mon prochain, interroge-t-il !
Notez que la réponse de Jésus reformule
la question : il n’invite pas seulement à découvrir qui est notre
prochain, mais de qui nous pouvons être le prochain ! Comme Moïse, il met
l’accent sur la nécessité de vivre notre foi. Etre croyant, ce n’est pas se
payer de mots, c’est un art de vivre, une attention constante à l’autre. Ma foi
en Dieu ne m’éloigne pas des autres, ne m’enferme pas dans un monde éthéré ;
non, ma foi me ramène sans cesse vers l’autre, vers les autres, puisque Dieu lui-même
a pris fait et cause pour les autres quand il est devenu l’un de nous en Jésus.
Ce n’est pas un hasard si les deux premiers passants sur la route du blessé
sont un prêtre et un lévite, un serviteur du Temple. Voilà deux hommes qui
maîtrisent la Loi, qui connaissent bien leur religion. Mais ils sont enfermés
dans des questions de pureté ; la Loi est devenue un carcan au point qu’ils
en oublient la Parole de Dieu qui, dès la première alliance, insiste sur le
secours à apporter au frère en détresse. C’est un Samaritain, c’est-à-dire un
infréquentable, qui vient au secours du blessé. Il ne l’interroge pas sur son
appartenance religieuse, il ne s’empêtre pas dans des questions légalistes :
ai-je le droit ou pas ? Il voit un homme dans le besoin ; il agit. Il
le soigne, interrompt momentanément son voyage pour prendre soin de ce homme,
de cet étranger. Il allège même sa bourse pour que l’hôtelier poursuive les
soins nécessaires le lendemain, et s’engage à lui rembourser tous les frais à
venir si son don n’y suffisait pas. Il n’est pas dit qu’il connaît la Loi, mais
il l’applique dans ce qu’elle a de plus essentiel : le devoir de charité.
Des siècles plus tard, nous
voici, écoutant toujours cette parole de Dieu dont la parabole fait maintenant
partie. Nous voici, des siècles plus tard, cherchant encore comment parvenir au
Royaume où Dieu nous attend. Sur notre chemin, il y a toujours le Christ crucifié,
signe de ses frères qui ont besoin de nous. Sa croix nous indique le chemin. Nous
ne pourrons pas la contourner ; nous ne pourrons pas l’éviter. La croix
est la parole de Dieu la plus forte, celle qui nous remet face à Dieu, face aux
frères à aimer et à servir de la même
manière que nous aimons et servons Dieu. Des siècles plus tard, nous ne pouvons
toujours pas nous payer de mots ; il nous faut toujours nous faire le
prochain de celui ou celle qui a besoin de nous. Ils sont nombreux, ceux qui
sont au bord de notre route. Ils sont nombreux à attendre un geste, une
oreille, une attention. Celui qui veut se faire le prochain de son frère n’a
que l’embarras du choix ! Une écoute attentive de la parole de Dieu devrait
nous aider à comprendre où Dieu nous veut, où il nous attend pour témoigner aux
hommes son amour et sa tendresse.
Ce qui compte alors, c’est de
bien vivre notre foi, à chaque instant. Si notre archevêque nous invite à
évangéliser nos communautés, n’est-ce pas d’abord pour que nous prenions
conscience, mieux encore, de l’urgente nécessité d’agir, conformément à notre
foi ? N’est-ce pas aussi ce que nous rappelle le pape François depuis son
élection ? En suivant le Christ, en imitant son art de vivre, nous
passerons avec lui la croix, nous parviendrons à la vie éternelle, accueillis
par celles et ceux dont nous aurons été le prochain. Cela vaut la peine d’essayer.
Amen.
(Dessin de Coolus, Blog du lapin bleu)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire