L’accomplissement
parfait de la Loi, c’est l’amour ! Cette affirmation de Paul confirme
l’enseignement de Jésus lui-même, qui avait rappelé aux foules venues à sa
rencontre qu’aimer Dieu et aimer son
prochain, c’était accomplir la Loi et les Prophètes. Ils ne forment qu’un
seul et même commandement, comme les deux faces d’une même pièce,
irrémédiablement soudées. En ayant en tête l’enseignement de Jésus et celui de
Paul, nous pouvons alors écouter, avec intérêt, l’enseignement de Jésus
transmis dans l’Evangile que je viens de proclamer.
Ces
paroles, qui peuvent sembler sévères, révèlent toute la pédagogie chrétienne en
matière de relations conflictuelles au sein d’une communauté. Elles visent à
permettre à chacun un chemin de conversion, nécessaire pour signifier son appartenance à l’Eglise de
Jésus Christ.
Si ton frère a
commis un péché :
voilà donc le cadre de cet enseignement. Jésus connaît bien l’homme ; il
sait que confesser son nom n’empêche pas l’homme de céder au Mal. Il suffit de
relire les évangiles des deux dimanches précédents pour s’en convaincre. Jésus
avait demandé à ses disciples de se prononcer sur sa personne. Pierre avait
confessé Jésus comme le Messie, le Fils
du Dieu vivant. Cela ne l’a pas empêché de ne pas suivre Jésus lorsque
celui-ci commença à annoncer sa passion prochaine. Souvenez-vous de l’invective
de Jésus : Passe derrière moi,
Satan ! Cela n’a pas empêché davantage Pierre de le renier au moment
de la Passion, ni Judas de le trahir. Etre disciple du Christ ne nous fait pas
échapper à notre humaine condition : nous ne sommes pas des surhommes,
nous ne sommes pas meilleurs que les autres ; mais nous sommes appelés à
suivre un chemin de sainteté inauguré par le Christ. Sur ce chemin, la fatigue
peut se faire sentir ; sur ce chemin, les obstacles sont réels et les
occasions de chute nombreuses. D’où l’enseignement de Jésus de ce dimanche.
Si ton frère a
commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. Remarquez la
douceur de Jésus : il ne s’agit pas de crier au scandale, il ne s’agit pas
de faire honte à celui qui a fauté ; il s’agit de lui parler, en frère.
Celui qui a péché reste un frère et est toujours à regarder en frère. Car
seulement ainsi pourra-t-il éventuellement reconnaître sa faute et s’amender.
Si tu prends de haut celui qui est tombé sur le chemin, comment pourra-t-il se
relever ? Si tu humilies ton frère qui est tombé, comment pourra-t-il
trouver le courage de se regarder et de reconnaître ses torts ? Mais si tu
lui parles en frère et qu’il t’écoute, tu
auras gagné ton frère.
Et
s’il n’écoute pas ? Pourras-tu enfin laisser libre cours à ta
colère ? Auras-tu le droit de l’exposer en place publique pour
l’humilier ? Que nenni ! S’il
ne t’écoute pas, prends encore avec toi deux ou trois personnes afin que toute
l’affaire soit réglée sur la parole de deux ou trois témoins. Attention, il
ne s’agit de venir à plusieurs régler son compte à ce bon à rien qui n’entend
rien à rien et qui refuse de se repentir. Les chrétiens ne règlent pas leur
compte à coup de poing. Prends avec toi d'autres, car peut-être n’as-tu pas su
trouver les mots qui pouvaient toucher le cœur de ton frère. Il faut de la
douceur et de la patience pour faire remarquer au frère son péché. Tout le
monde n’en est peut-être pas capable.
S’il refuse de
les écouter, dis-le à la communauté de l’Eglise. Toujours dans un
souci d’apaisement, toujours avec le désir de ne pas perdre le frère qui a
péché. La communauté de l’Eglise, c’est bien ce groupe où Jésus est
présent : Quand deux ou trois sont
réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux. Si l’Evangile se conclut
par un enseignement sur la prière, n’est-ce pas peut-être pour que la
communauté, avertie, commence à prier pour ce frère et obtienne ainsi sa
conversion ? Si nous lisons avec attention le rituel du pardon et de la
réconciliation, nous constatons que cette prière, en frère, est bien
présente : dès le début de la célébration de ce sacrement, le prêtre et le
pénitent sont invités à prier ensemble ! C’est sous le regard de Dieu que
nous pouvons le mieux reconnaître nos torts, lui qui nous regarde toujours
comme un enfant à accueillir. Si le frère qui a péché est de bonne foi, si la
communauté a respecté l’enseignement de Jésus, le frère devrait être en mesure
de reconnaître ses torts. L’affaire s’arrête là ; on n’en parle plus. Tout
est bien qui finit bien.
Mais
si le frère refuse d’écouter l’Eglise,
considère-le comme un païen et un publicain. Cela vous paraît sévère ?
Cela respecte surtout la liberté du frère ! S’il ne veut pas écouter
l’Eglise, il se met de lui-même hors de l’Eglise. Il ne peut plus prétendre à
faire partie de la communauté. L’Eglise, ce n’est pas : je prends ce qui
m’arrange et je rejette ce qui me déplaît ! Il y a un moment dans la vie
du croyant, où il doit prendre sa foi au sérieux. Nul ne peut avoir un pied
dans l’Eglise (au cas où), et un pied hors de l’Eglise (parce que c’est plus
confortable). Il n’y a pas d’obligation de résultat mais une obligation
d’action. Tu dois aller parler à ton frère ; tu dois prendre avec toi des
frères ; tu dois en parler à l’Eglise s’il faut en arriver jusque-là. Le
reste ne dépend pas de toi.
C’est
déjà l’enseignement du prophète Ezéchiel que nous avons entendu en première
lecture. Le prophète doit avertir le méchant de sa conduite et de la décision
de Dieu à son égard : mais si le méchant refuse d’écouter le prophète,
celui-ci ne sera en aucun cas responsable de ce qui arrivera au méchant qui ne
se convertit pas. De même avons-nous à nous encourager les uns les autres, à
nous reprendre quelquefois dans la charité pour construire et vivre une vraie
communauté fraternelle. Nous devons porter le souci les uns des autres de sorte
que tous puissent parvenir au Royaume de Dieu. Mais celui qui refuse
obstinément un jour d’avancer, nous ne pouvons le contraindre. Chacun est libre
et responsable de ses choix ! C’est cela aussi, aimer quelqu’un !
Même si c’est douloureux !
L’accomplissement
parfait de la Loi, c’est l’amour. Paul ne nous trompe pas lorsqu’il nous
le rappelle, comme Jésus ne nous trompait pas quand il nous invitait à un amour
supérieur. Dans notre vie quotidienne, les obstacles à l’amour peuvent être
nombreux quelquefois, mais nous devons toujours pouvoir compter sur les frères,
sur la communauté, pour nous redire cet amour, pour nous inviter à cet amour.
C’est la marque véritable et visible du croyant. C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que le monde
saura que vous êtes mes disciples. Ne terminons jamais un temps de prière
sans oser demander la capacité d’aimer, envers et contre tout. Dieu nous
l’accordera, Jésus nous l’a promis, par amour de tous. Amen.
(Image de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année A, éd. Les Presses d'Ile de France)
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