Qui est-il donc,
celui-ci, pour que même le vent et la mer lui obéissent ? Si
nous avions été dans la barque, cette fameuse journée-là, sans doute
aurions-nous posé la même question. Personne, jusqu’à présent, n’avait réussi à
faire ce que Jésus venait de faire : calmer la mer qui battait de ses
flots la pauvre embarcation des disciples.
Qui est-il donc, celui-ci ?
La
question des disciples semble donc légitime. Pourtant, les multiples guérisons
qu’il a opéré jusqu’ici et l’enseignement qu’il a donné aux foules auraient,
petit à petit, dû les mettre sur la bonne piste. De plus, avec la culture qui
est la leur et la connaissance qu’ils ont nécessairement des textes sacrés, ils
devraient conclure, par eux-mêmes, que Jésus est Dieu. Le rapprochement que la
liturgie de ce dimanche fait avec le livre de Job est éclairant. Le Seigneur s’adressa à Job du milieu de la
tempête et dit : « Qui donc a retenu la mer avec des portes, quand
elle jaillit du sein primordial (…), quand je lui imposai ma limite, et que je
disposai verrou et portes ? Celui qui est avec eux dans cette barque,
c’est certes Jésus, leur maître ; mais il se révèle aussi chaque jour
davantage Dieu. Cette autre rive sur
laquelle il les a invités à passer quand ils sont montés dans la barque, c’est
bien la rive de la foi. En nous embarquant avec lui, il veut nous faire
découvrir qu’au-delà de l’homme Jésus, il est Dieu, vainqueur de toutes les
forces qui s’opposent à la vie. En montrant son autorité sur la mer, il annonce
déjà sa victoire sur la mort, puisque pour l’homme biblique, la mer est bien le
lieu où résident les forces du Mal et de la Mort, toutes choses que seul Dieu maîtrise.
Ce signe, loin de les effrayer, devraient, au contraire, les rassurer.
Qui est-il donc, celui-ci ?
Si les disciples s’interrogent sur Jésus, nous pouvons constater aussi que Jésus
s’interroge sur ses disciples. Si les hommes sont étonnés par Dieu, il nous faut
remarquer dans le même temps que Dieu est étonné par les hommes : Pourquoi êtes-vous si craintifs ? N’avez-vous
pas encore la foi ? Nous pouvons entendre, en sourdine, cette autre
question : que faudra-t-il que je fasse pour que vous croyiez en moi ?
Les nombreuses guérisons, les esprits impurs eux-mêmes qui criaient que Jésus est le fils de Dieu (Mc 3, 11) devaient
suffire pour que ceux qu’il a appelés à le suivre comprennent déjà qu’il est
plus qu’un homme, qu’il est bien du côté de Dieu. Oui, les hommes sont
étonnants de lenteur, peut-être d’abord parce qu’ils sont étonnamment centrés
sur eux-mêmes. Ceux que Jésus a appelés à le suivre ne se rendent sans doute
pas compte, là tout de suite, de l’expérience spirituelle qu’il leur fait
vivre. Ils suivent un maître, mais sans savoir ; ils regardent leur
maître, mais sans voir ; ils écoutent son enseignement, mais sans entendre
vraiment. Ils en restent à la surface des choses.
Ne
sommes-nous pas comme eux, bien souvent ? Nous allons à la messe, nous
écoutons Dieu nous parler, nous recevons de lui le pain qui nous fait vivre ;
et pourtant, nous sommes par moment si éloignés de lui, si difficiles à
convaincre que Jésus est là, au cœur même de notre vie, nous appelant à de
grandes choses ! Quand surgissent les difficultés, ne sommes-nous pas
remplis de crainte devant l’avenir incertain ? Cette page d’évangile vient
nous rappeler que là où Jésus est présent, rien ne peut détruire ce que l’amour
a saisi, pas même la tempête, pas même les forces de mort. Puisque Jésus est
avec nous et en nous depuis notre baptême, nous avons tout pour tenir bon dans
les épreuves, pour affronter la tempête de la mort ; notre barque ne
saurait chavirer, les flots de la mer ne sauraient nous submerger. Ecoutons à
nouveau Paul redire aux Corinthiens : Frères,
l’amour du Christ nous saisit quand nous pensons qu’un seul est mort pour tous,
et qu’ainsi tous ont passé par la mort. Car le Christ est mort pour tous, afin
que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui
est mort et ressuscité pour eux. En Jésus,
nous avons déjà notre victoire ; en Jésus, nous sommes déjà sauvés ;
en Jésus, nous pouvons croire et espérer. Il ne nous abandonnera jamais. Il nous
invite passer sur les autres rives en
embarquant avec nous.
Qui est-il donc, celui-ci ?
Si
nous reconnaissons que cette question peut être légitime dans la bouche des Apôtres
s’interrogeant sur Jésus, reconnaissons aussi que cette question est légitime
dans la bouche de Jésus, s’interrogeant sur notre foi, sur notre fidélité à son
œuvre d’amour pour nous. Accueillons-le vraiment dans notre vie, pour qu’il
puisse nous accueillir vraiment dans la vie de Dieu. Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année B, éd. Les Presses d'Ile de France)
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