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samedi 6 juin 2015

Fête du Corps et du Sang du Christ B - 07 juin 2015

Devenons ce que nous recevons : le Corps du Christ !



Fête Dieu. Fête du Corps et du Sang du Christ. Fête du Saint Sacrement. Des appellations diverses pour nous faire approcher le même mystère : la présence de Dieu à son peuple d’une manière inouïe à travers l’Eucharistie. Avec la fête de Pâques célébrant la mort et la résurrection de Jésus, et la fête de la Trinité célébrant l’unité indéfectible de Dieu, la fête d’aujourd’hui est certainement la plus fondamentalement chrétienne. Nous célébrons aujourd’hui ce qui, depuis 20 siècles fait courir les chrétiens du monde entier. L’occasion est trop belle pour ne pas s’interroger sur le pourquoi la messe ? Pourquoi être encore fidèle à ce rassemblement ? 

La réponse nous vient de la Tradition. Nous nous rassemblons le dimanche parce que depuis les origines, les chrétiens ont eu le sentiment de répondre ainsi de manière parfaite à la demande du Christ : Faites cela en mémoire de moi ! Puisque avant de mourir, le Christ avait souhaité prendre un dernier repas avec ses disciples, et qu’au cours de ce repas, il leur a laissé un mémorial, les chrétiens ont ressenti le besoin de revivre ce dernier moment fort de la présence du Seigneur. N’a-t-il pas dit lui-même qu’il serait présent chaque fois que ces gestes seraient refaits ? Faire mémoire, c’est bien plus que simplement se souvenir de ce que Jésus nous a dit. Faire mémoire, c’est véritablement revivre, de manière mystérieuse mais réelle, cette présence de Jésus. Lorsque le prêtre refait les gestes de Jésus, lorsqu’il redit ses paroles, c’est véritablement le Christ qui se rend présent au milieu de nous. Alter Christi, ipse Christi : autre Christ, mais le seul et même Christ, présent dans son Corps et dans son Sang, à travers le pain et le vin consacré. Nous vivons là le face-à-face véritable avec notre Dieu ; nous avons là une proximité inouïe avec celui qui a tout donné par amour pour nous. Jamais Dieu ne se fait si proche de l’homme que lorsqu’il s’offre ainsi dans le Corps et le Sang de son Fils. 
 
Cette présence du Christ dans le morceau de pain partagé n’est pas sans conséquence pour moi. Lorsque je communie, c’est-à-dire lorsque je mange ce morceau de pain, que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui se joue ? Il se passe simplement que je reçois le Christ en moi, de manière intime. La communion, reçue dans la foi au Christ ressuscité, entraîne en moi un bouleversement inouï. Recevant Dieu lui-même, je deviens un porteur de Dieu, je deviens, selon le mot de Saint Augustin, ce que je reçois, à savoir : le Corps du Christ. Cela signifie que lorsque je communie, tout mon corps est concerné, tout mon corps est comme transformé. Et mes yeux deviennent le regard du Christ, capable de poser sur le monde et sur les hommes le regard d’amour de Dieu. Et ma bouche devient la bouche  du Christ, annonçant aux hommes les merveilles de Dieu pour l’humanité. Et mes mains deviennent les mains du Christ, tendues en geste d’amitié vers tous les frères. Et mon cœur bat au rythme de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Et mes pieds deviennent les pieds de Dieu, allant à la rencontre de tous les hommes, ne laissant personne sur le bord du chemin. Oui, l’enjeu de nos rencontres dominicales se situe bien à ce niveau : devenir de plus en plus, par l’écoute de la Parole et par la communion au Christ vivant présent dans l’Eucharistie, des hommes et des femmes porteurs de Dieu, respirant Dieu par toute leur vie, agissant comme Dieu pour le salut du monde, pour construire déjà, peu à peu, ce Royaume dont nous attendons la réalisation totale au dernier jour. 
 
Chaque fois que nous mangeons ce pain consacré, nous communions donc à la vie du Christ. Le pain et le vin offert deviennent, par l’imposition des mains du prêtre et l’appel de l’Esprit Saint, le Corps et le Sang du Christ. Et tous ceux qui y communient deviennent le corps du Christ, chacun un membre, tous ensemble le même corps. Ce devrait être pour tous un grand moment de joie, parce que Dieu est là, que nous l’accueillons, et que nous participons à sa vie. Le prêtre, lorsqu’il donne la communion ne fait que reconnaître que chacun fait partie de ce Corps unique du Christ. Alors, il est vrai que quelquefois, on vient à la messe triste, avec un nœud sur l’estomac, parce que l’on est fâché. Quelques uns peuvent même être fâchés avec le prêtre qui célèbre : ça arrive ! Mais même dans ces moments-là, même face à ces gens-là, le prêtre est heureux au fond de lui, parce Dieu vient rappeler qu’au-delà des difficultés, au-delà des disputes ou des divergences d’opinion, il y a la rencontre possible autour de lui ; il y a un pardon possible : non pas parce que les hommes le veulent, mais parce que Dieu vient le réaliser en son Fils Jésus. Je ne connais pas de joie plus grande que celle-là, je peux en témoigner. 
 
Participer à l’Eucharistie, reconnaître que le Christ vient à ma rencontre est tout, sauf un acte banal, parce qu’il bouleverse trop de chose en moi et autour de moi. Participer à l’Eucharistie reste le plus beau geste que nous puissions poser parce qu’il nous engage sur la route d’un mieux-vivre, d’un mieux être, même avec ceux que l’on ne peut voir en peinture. C’est une route exigeante, parce que c’est la route de l’amour donné sans compter, de l’amour toujours à vivre, de la fraternité toujours à construire. Seul Dieu peut nous permettre de réaliser cette route en vérité, pour peu que nous le laissions nous rencontrer véritablement. Un petit morceau de pain y suffit si nous savons y reconnaître la présence réelle et agissante de Celui qui peut tout. Oui, devenons ce que nous recevons : Le corps du Christ. AMEN.
 
(Hortus Deliciarum, La Cène)

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