Fête Dieu. Fête du Corps et du Sang du
Christ. Fête du Saint Sacrement. Des appellations diverses pour nous faire
approcher le même mystère : la présence de Dieu à son peuple d’une manière
inouïe à travers l’Eucharistie. Avec la fête de Pâques célébrant la mort et la
résurrection de Jésus, et la fête de la Trinité célébrant l’unité indéfectible
de Dieu, la fête d’aujourd’hui est certainement la plus fondamentalement
chrétienne. Nous célébrons aujourd’hui ce qui, depuis 20 siècles fait courir
les chrétiens du monde entier. L’occasion est trop belle pour ne pas
s’interroger sur le pourquoi la messe ? Pourquoi être encore fidèle à ce
rassemblement ?
La
réponse nous vient de la Tradition. Nous nous rassemblons le dimanche parce que
depuis les origines, les chrétiens ont eu le sentiment de répondre ainsi de
manière parfaite à la demande du Christ : Faites cela en mémoire de
moi ! Puisque avant de mourir, le Christ avait souhaité prendre un
dernier repas avec ses disciples, et qu’au cours de ce repas, il leur a laissé
un mémorial, les chrétiens ont ressenti le besoin de revivre ce dernier moment
fort de la présence du Seigneur. N’a-t-il pas dit lui-même qu’il serait présent
chaque fois que ces gestes seraient refaits ? Faire mémoire, c’est bien
plus que simplement se souvenir de ce que Jésus nous a dit. Faire mémoire,
c’est véritablement revivre, de manière mystérieuse mais réelle, cette présence
de Jésus. Lorsque le prêtre refait les gestes de Jésus, lorsqu’il redit ses
paroles, c’est véritablement le Christ qui se rend présent au milieu de nous. Alter Christi, ipse Christi : autre
Christ, mais le seul et même Christ, présent dans son Corps et dans son Sang, à
travers le pain et le vin consacré. Nous vivons là le face-à-face véritable
avec notre Dieu ; nous avons là une proximité inouïe avec celui qui a tout
donné par amour pour nous. Jamais Dieu ne se fait si proche de l’homme que
lorsqu’il s’offre ainsi dans le Corps et le Sang de son Fils.
Cette
présence du Christ dans le morceau de pain partagé n’est pas sans conséquence
pour moi. Lorsque je communie, c’est-à-dire lorsque je mange ce morceau de
pain, que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui se joue ? Il se passe
simplement que je reçois le Christ en moi, de manière intime. La communion,
reçue dans la foi au Christ ressuscité, entraîne en moi un bouleversement
inouï. Recevant Dieu lui-même, je deviens un porteur de Dieu, je deviens, selon
le mot de Saint Augustin, ce que je reçois, à savoir : le Corps du Christ.
Cela signifie que lorsque je communie, tout mon corps est concerné, tout mon
corps est comme transformé. Et mes yeux deviennent le regard du Christ, capable
de poser sur le monde et sur les hommes le regard d’amour de Dieu. Et ma bouche
devient la bouche du Christ, annonçant
aux hommes les merveilles de Dieu pour l’humanité. Et mes mains deviennent les
mains du Christ, tendues en geste d’amitié vers tous les frères. Et mon cœur
bat au rythme de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Et mes pieds deviennent
les pieds de Dieu, allant à la rencontre de tous les hommes, ne laissant
personne sur le bord du chemin. Oui, l’enjeu de nos rencontres dominicales se
situe bien à ce niveau : devenir de plus en plus, par l’écoute de la
Parole et par la communion au Christ vivant présent dans l’Eucharistie, des
hommes et des femmes porteurs de Dieu, respirant Dieu par toute leur vie,
agissant comme Dieu pour le salut du monde, pour construire déjà, peu à peu, ce
Royaume dont nous attendons la réalisation totale au dernier jour.
Chaque
fois que nous mangeons ce pain consacré, nous communions donc à la vie du
Christ. Le pain et le vin offert deviennent, par l’imposition des mains du
prêtre et l’appel de l’Esprit Saint, le Corps et le Sang du Christ. Et tous
ceux qui y communient deviennent le corps du Christ, chacun un membre, tous
ensemble le même corps. Ce devrait être pour tous un grand moment de joie, parce
que Dieu est là, que nous l’accueillons, et que nous participons à sa vie. Le
prêtre, lorsqu’il donne la communion ne fait que reconnaître que chacun fait
partie de ce Corps unique du Christ. Alors, il est vrai que quelquefois, on
vient à la messe triste, avec un nœud sur l’estomac, parce que l’on est fâché.
Quelques uns peuvent même être fâchés avec le prêtre qui célèbre : ça
arrive ! Mais même dans ces moments-là, même face à ces gens-là, le prêtre
est heureux au fond de lui, parce Dieu vient rappeler qu’au-delà des
difficultés, au-delà des disputes ou des divergences d’opinion, il y a la
rencontre possible autour de lui ; il y a un pardon possible : non
pas parce que les hommes le veulent, mais parce que Dieu vient le réaliser en
son Fils Jésus. Je ne connais pas de joie plus grande que celle-là, je peux en
témoigner.
Participer
à l’Eucharistie, reconnaître que le Christ vient à ma rencontre est tout, sauf
un acte banal, parce qu’il bouleverse trop de chose en moi et autour de moi.
Participer à l’Eucharistie reste le plus beau geste que nous puissions poser
parce qu’il nous engage sur la route d’un mieux-vivre, d’un mieux être, même
avec ceux que l’on ne peut voir en peinture. C’est une route exigeante, parce
que c’est la route de l’amour donné sans compter, de l’amour toujours à vivre,
de la fraternité toujours à construire. Seul Dieu peut nous permettre de
réaliser cette route en vérité, pour peu que nous le laissions nous rencontrer
véritablement. Un petit morceau de pain y suffit si nous savons y reconnaître
la présence réelle et agissante de Celui qui peut tout. Oui, devenons ce
que nous recevons : Le corps du Christ. AMEN.
(Hortus Deliciarum, La Cène)
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