Parce
que Jésus est le Messie, le Sauveur, le Fils de Dieu, on a souvent tendance à
penser que tout est facile pour lui ; même le chemin de croix n’aurait été
pour lui qu’une promenade de santé. Après tout, il ne craignait pas grand-chose
puisqu’il avait lui-même annoncé sa mort et sa résurrection. La croix ne serait
donc qu’un mauvais moment à passer, si peu en comparaison de la gloire qui
était sienne. Vraiment, pour certains, tout réussit à Jésus ; l’échec, il
ne connaît pas. Et pourtant !
Pourtant,
c’est bien à un échec de Jésus que nous assistons dans l’évangile de ce
dimanche. Un échec d’autant plus retentissant qu’il a lieu chez lui, là où tout
aurait dû bien se passer. Jésus se rendit
dans son lieu d’origine… et là il ne pouvait accomplir aucun miracle. Et
pour cause, ils en sont tous à s’interroger et sans doute à le jalouser un peu :
D’où cela lui vient-il ? Quelle est
cette sagesse qui lui a été donnée, et ces miracles qui se réalisent par ses
mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de
Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici
chez nous ? Ceux qui parlent ainsi sont incapables de se réjouir du
fait qu’avec Jésus, Dieu commence quelque chose de neuf pour tout un peuple !
Ils ne voient en lui que l’enfant du village qui ferait mieux de rester à sa
place. Avec raison, Jésus s’étonne de
leur manque de foi qui paralyse toute son action : là, il ne pouvait accomplir aucun miracle.
N’est-ce
pas là une expérience que nous faisons tous un jour ou l’autre dans notre vie
quand nous donnons du temps au service de l’Eglise ? Nous réussissons
bien, nous travaillons pour le bien-être des autres, et ceux-là même qui
devraient se réjouir avec nous sont ceux qui nous enfoncent ou se dressent
contre nous. Il est bien vrai le proverbe : Seigneur, préservez-moi de mes
amis ; mes ennemis, je m’en charge ! On n’est jamais trahi que par
les siens ! Est-ce grave, docteur ? Faut-il se révolter ?
Faut-il réagir violemment, leur donner une bonne leçon ? A regarder Jésus,
il suffit de tourner les talons et d’aller ailleurs, là où l’on est attendu, là
où nos talents seront accueillis. Jésus s’étonne
tout juste, mais ne se révolte pas et ne se décourage pas pour autant : sa
mission, il la poursuit dans les villages
d’alentour. Je pense même qu’il est plutôt triste pour les gens de chez
lui.
Cette
page d’évangile est bienvenue parce que nous sommes tous confrontés, un jour ou
l’autre, à l’échec, en famille, au travail, dans nos relations sociales… La
jalousie des autres peut être un frein à nos actions les meilleures. Nous n’y
pouvons rien, c’est ainsi. Saint Paul lui-même constate qu’il y a quelque chose
dans sa vie qui n’est pas totalement ajusté. Il parle de cette écharde dans sa chair qui est là pour
empêcher qu’il se surestime. Ce n’est pas avec les autres qu’il ne réussit
pas totalement ; c’est dans sa propre vie que quelque chose n’est pas comme
cela devrait être. Il a même prié le Seigneur
de l’en débarrasser, mais en vain. Ma
grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse,
s’entend-t-il répondre ! L’échec dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu
n’est donc pas de l’ordre du péché, mais de l’épreuve qui nous purifie, qui
nous rend humbles face à Dieu, face aux autres. Jésus, Paul et chacun de nous,
nous ne sommes que des instruments au service du projet de Dieu. Nous servons
ce projet du mieux que nous pouvons, mais la réussite du projet ne dépend pas
de nous. Nous ne sommes pas tout-puissants. Nous sommes invités, en toutes
choses, à nous en remettre à Dieu et à sa puissance. Nous sommes invités à
mettre nos pas dans les pas du Christ : l’évangile nous montre qu’il ne
réussit pas toujours ; cet échec ne sera pas son seul échec. Je pense,
entre autre, à sa rencontre avec le jeune homme riche.
Avec
Jésus, avec Paul, acceptons d’être faillibles pour que la puissance de Dieu puisse
être manifestée dans notre vie. Avec Jésus, avec Paul, poursuivons là où nous
sommes attendus et prions pour ceux qui ne sont pas prêts à s’ouvrir à la grâce ;
Dieu seul pourra ouvrir leur cœur, aujourd’hui
peut-être, et sinon demain…
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'évangile, éd. Les presses d'Ile de France)
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