Dimanche
dernier, on a vu Jésus les envoyer en mission ; aujourd’hui, les voici qui
reviennent. Nous pouvons imaginer la joie des retrouvailles, les échanges entre
groupes de disciples et Jésus sur ce qu’ils ont vécu. Il y a surtout l’attention
toute paternelle de Jésus envers ceux qu’il a envoyé. Ses disciples sont de retour,
visiblement fatigués ; il les invite à l’écart, au repos. Quand on sait
que Jésus passe ses nuits à prier Dieu, je vous laisse deviner ce à quoi il
invite ses disciples : à se reposer en Dieu. Car si cette première mission
est terminée, LA mission est loin d’être achevée. De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux et
l’on n’avait même pas le temps de manger. A travers cette foule nombreuse
qui se presse autour de Jésus et de ses disciples, nous pouvons comprendre pourquoi,
des siècles plus tard encore, l’antienne de psaume la plus connue est très
certainement celle que nous avons chantée en réponse à la première lecture :
Le Seigneur est mon berger, rien ne
saurait me manquer.
En
invitant ses disciples au repos, c’est bien vers Dieu lui-même qu’il les
tourne. Quand on travaille dans la vigne du Seigneur, on peut quelquefois en
oublier de prendre ce repos tant nécessaire. Non pour ne plus rien faire, mais
pour retrouver, auprès de Dieu, les forces nécessaires à la poursuite du
travail. Il n’y a rien de pire qu’un missionnaire fatigué ou un témoin épuisé. Ce
besoin de ressourcement est vital. Que l’on soit prêtre, religieux ou
religieuse, laïc engagé dans la mission paroissiale ou simple fidèle du Christ,
il est nécessaire de prévoir ce temps de repos auprès de Dieu, auprès du bon
berger qui veille sur ses brebis. Ceux qu’il envoie en mission font toujours
partie de ses brebis ; il continue donc de veiller sur eux ; il fait
en sorte que rien ne leur manque. Certes, nous pouvons considérer que l’eucharistie
dominicale fait partie de ce repos auprès de Dieu ; il n’empêche, prendre
un temps plus conséquent, chaque année, n’est pas inutile. De nombreuses
retraites ou recollections sont proposées durant le temps de l’été :
pourquoi ne pas profiter de l’occasion de ces vacances pour y prendre part ?
Nous pouvons expérimenter de manière très concrète ce que dit le psaume 22 :
Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait
reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles et me fait revivre.
En-dehors
de ce temps de repos, ce qui frappe encore le lecteur d’évangile que je suis, c’est
que bien que les disciples aient été envoyés en mission pendant un temps, cela
ne diminue pas la foule nombreuse qui se presse autour de Jésus, au contraire. J’aime
à croire que c’est même le résultat de la mission des disciples. Ils ont
tellement bien fait leur travail que les foules veulent rencontrer celui qui
les a envoyés. A peine Jésus et ses disciples se sont-ils éloignés en barque,
que la foule, les ayant aperçus, court à l’endroit supposé de leur destination,
et y arrive avant eux. Si cela n’est
pas la manifestation d’un grand désir de rencontrer Jésus, je ne sais pas ce
que c’est ! Ceux qui auraient pu penser dimanche dernier que Jésus envoie
ses disciples en mission pour être tranquille, en sont pour leurs frais. Le but
de la mission, ce n’est de faire connaître l’envoyé, mais bien l’envoyeur. Le but
de la mission était bien de donner le goût de Jésus et de sa Bonne Nouvelle. Ce
désir de Dieu, les disciples l’ont bien creusé dans le cœur des gens. En débarquant, Jésus vit une grande foule. Il
fut saisi de compassion envers eux, parce qu’ils étaient comme des brebis sans
berger. Ce goût de Jésus est contagieux et inextinguible. Quand vous y avez
goûté, vous en voulez encore, et toujours plus. Si tel n’est pas le cas, c’est
qu’on vous a présenté un Jésus frelaté, un Jésus de second ordre, tout juste
bon à éblouir, mais pas à nourrir. La rencontre vraie avec Jésus donne faim et
soif de lui, et jamais l’homme ne s’en trouve totalement rassasié. Si vous avez
goûté à Jésus, en vérité, vous y revenez, nécessairement. Car avec Jésus, grâce et bonheur [vous] accompagnent tous
les jours de [votre] vie, et vous désirerez habiter la maison du Seigneur pour la durée de [vos] jours. A moins
d’être totalement hermétique à la vraie vie et au vrai bonheur !
Voilà
ce qui se passe quand les disciples rentrent de mission. Ils ne se glorifient
pas ; ils se reposent en Dieu, à l’écart, pour mieux retrouver cette foule
qui a faim et soif de Jésus, faim et soif de vraie vie, faim et soif de vrai
bonheur, faim et soif de vraies rencontres. Depuis cette première mission, et
jusqu’à aujourd’hui, et pour de longs siècles encore, un lien s’est noué avec
cette foule sans berger. La Bonne Nouvelle annoncée a creusé un désir de Dieu dans
le cœur des hommes. Nous ne pourrons jamais considérer que la mission est
terminée parce que l’Eglise est présente aujourd’hui sur tous les continents. La
mission entraine la conversion ; la conversion entraine le désir de vivre
toujours plus selon l’esprit du Christ. Il en sera ainsi jusqu’au jour où le Christ
reviendra dans sa gloire. Ce jour-là, nous nous reposerons tous auprès de lui,
définitivement rassasié. Amen.
(Dessin de Jean-François KIEFFER, in Mille images d'Evangile, éd. Les Presses d'Ile de France)
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