L’oraison
de la messe de ce mercredi des cendres peut laisser croire que ce temps est un
temps difficile et rude : elle nous parle de jeûne et de combat spirituel,
toutes choses peu réjouissantes pour le commun des mortels. Nous
reconnaissons-là la marque des efforts à faire tant enseignés par le passé, au
point qu’un évêque de France a parlé un jour du christianisme comme d’une religion qui sent la sueur. Qui s’est déjà
réjoui de la venue du temps du carême ? Pourtant, ce temps privilégié
n’est pas à vivre dans la tristesse ou dans l’affliction. Au contraire, c’est
un moment joyeux, un temps favorable si l’on en croit les Ecritures entendues
en cette célébration.
Ecoutez
à nouveau le prophète Joël : revenez
au Seigneur votre Dieu, car il est tendre et miséricordieux, lent à la colère
et plein d’amour, renonçant au châtiment. Ce qu’il annonce, c’est un retour
en grâce ; ce qu’il prêche, c’est la conversion, c’est-à-dire un retour
sincère vers Dieu pour le redécouvrir tel qu’il est. On ne le répètera jamais
assez : il est tendre et
miséricordieux, lent à la colère et plein d’amour, renonçant au châtiment.
Pas de quoi avoir peur donc, mais plein de raisons de se réjouir : Dieu s’est ému en faveur de son peuple, il a
eu pitié de son peuple. En ce jubilé de la miséricorde, voilà une bonne
nouvelle pour nous tous. Malgré notre péché, malgré nos manques de foi, Dieu
est fidèle à sa Parole, Dieu est fidèle à son Alliance. Si nous avions oublié
notre part dans cette Alliance que Dieu scelle avec nous au moment de notre
baptême, lui se souvient : il s’est engagé envers nous ; sa faveur
envers nous est pour toujours. Il nous suffit de lever nos yeux vers lui, et
humblement de marcher à nouveau avec lui.
Des
siècles après Joël, l’Apôtre Paul nous adresse le même cri, la même
supplication : nous le demandons au
nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu. En formulant ainsi sa
demande, Paul nous redit bien que la réconciliation est d’abord l’œuvre de Dieu
et de sa miséricorde. C’est lui qui en a l’initiative en son Fils Jésus qu’il a
envoyé dans le monde pour notre salut. L’engagement de Dieu est total dans
cette œuvre de salut ; il ne renonce à rien pour nous sauver. Il va
jusqu’à identifier au péché celui qui n’a
pas connu le péché, afin qu’en lui nous devenions juste de la justice même de
Dieu. Voyez comme est grand l’amour dont Dieu nous aime ! A nous de
savoir saisir l’instant, à nous de reconnaître Dieu à l’œuvre dans notre vie. C’est maintenant le moment favorable, c’est maintenant le jour du salut. Pas demain,
pas la semaine prochaine. Aujourd’hui ! En ce moment-même ! C’est
dire l’urgence de nous tourner vers Dieu pour bénéficier de sa
miséricorde !
A
la miséricorde de Dieu, doit répondre notre propre miséricorde, celle que nous accorderons
à ceux qui nous entourent. Les œuvres de miséricorde que Jésus indique (prière,
jeûne et charité) sont la réponse à l’appel de Dieu, la marque de notre désir
de marcher avec Dieu. La miséricorde de Dieu envers nous ne s’est pas payée de
mots ; il a livré son propre Fils pour notre vie. Notre réponse à Dieu ne
peut se payer de mots ; elle doit se traduire en actes, en art de vivre
qui témoigne de la miséricorde qui nous a été accordée et que nous devons
propager. La miséricorde est un don à partager, largement, pour qu’il ne
s’épuise pas. Comment pourrais-je n’être pas miséricordieux avec mon frère
après que Dieu m’ait accordé sa miséricorde ? Mais notre miséricorde doit
rester discrète, faite dans le secret. Il
n’y a pas à en tirer gloire ; ce n’est pas quelque chose
d’exceptionnel ; c’est la réponse ordinaire et simple à la miséricorde
dont nous bénéficions. Point. C’est tout.
Pour
vous permettre de vivre positivement ce temps de carême, je vous laisse pour
finir un verbe qui est devenu le mot d’ordre dans l’Enseignement catholique. Il
a été lancé par notre secrétaire général. Ce verbe, c’est ré-enchanter. Non pas
pour faire des trucs en plus, mais pour reprendre ce que nous faisons déjà et
peut-être pour le faire avec une conscience renouvelée. Ceci nous évitera au
moins de croire que le jeûne, la charité et la prière sont des choses réservées
au Carême, nos bons vieux efforts à ressortir une fois l’an et à bien ranger,
lorsque nous serons rendus au temps de Pâques. Ré-enchanter notre vie de foi et
ne pas faire des choses parce qu’il faut les faire, ne pas se servir des outils
de la foi comme de prétextes, mais vivre en vérité les rites et les temps que
propose notre foi ; voilà sans doute le chemin à faire pour que notre vie
de foi questionne et ouvre un chemin de possible pour qui est non-croyant ou
mal croyant ou croyant autrement. Avant de vouloir convertir, cherchons à
vivre : c’est à l’amour que vous
aurez les uns pour les autres que le monde saura que vous êtes mes disciples,
avertit le Christ. En ce temps de Carême qui commence aujourd’hui,
accueillons-donc la miséricorde de Dieu et vivons ! Vivons et aimons
largement ! Nous ferons ainsi grandir la vie pour la joie et le salut de
tous. Amen.
(Dessin de Jean-Yves DECOTTIGNIES, in Mille dimanches et fêtes, Année C, éd. Les Presses d'Ile de France)
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