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jeudi 13 avril 2017

Jeudi Saint - 13 Avril 2017

Invités à un repas.







Les détails, tout est dans les détails, en cette semaine sainte. Dimanche, c’était l’ânesse et son ânon qui nous interpellaient ; aujourd’hui, c’est le repas auquel nous sommes invités qui doit faire sens pour nous. Car ce repas n’est pas n’importe quel repas. Il nous renvoie d’abord à ce fameux repas que nos frères ainés dans la foi avaient partagé au moment où Dieu venait les libérer. Souvenez-vous… 
 
Il y a longtemps, du temps où il avait décidé de libérer son peuple d’Egypte, Dieu invita les Juifs à un repas rapide, pris sur le pouce, la ceinture aux reins, le bâton à la main. Un repas vite fait : viandes rôties, pains non levés, herbes amères, pour marquer le début d’une ère nouvelle : le temps de la Pâque, le temps du passage de Dieu, le temps de la libération. Pressés de sortir de ce lieu d’esclavage qu’était l’Egypte, les Juifs n’avaient pas le temps de déployer porcelaine et cristal pour marquer ce grand jour. La libération se fera à la sauvette, et le repas de Dieu se réduira presque à un sandwich. Ils auront tout le temps de déployer les fastes lorsqu’ils célèbreront le souvenir de cette nuit, une fois libérés. Pour l’heure, il s’agit de se tenir prêt. Lorsque Dieu passera pour libérer son peuple, il faudra s’engouffrer dans cette brèche qu’il ouvrira, de peur que quelqu’un d’autre ne la referme. Il faudra être prêt à suivre le Libérateur. Il n’est plus temps de s’installer : Dieu attend déjà sur la route, au-dehors, au-devant…
 
Il en va de même pour nous ce soir. A table ! semble être le mot d’ordre de cette liturgie du Jeudi Saint. La raison profonde de notre présence, c’est bien l’appel du Christ à venir nous asseoir à sa table pour le repas d’adieu qu’il donne avant sa mort. Un de ces moments graves où il n’est plus temps de plaisanter. Saint Paul rappelle aux chrétiens de Corinthe le sérieux et les exigences de ce repas. Un repas simple et rapide (du pain et du vin) qui proclame la mort et la résurrection de Jésus dans l’attente de son retour dans la gloire. Un repas rapide qui nous interdit de nous installer, qui nous pousse à nous tourner vers nos frères, à l’image du Christ lavant les pieds de ses disciples. Ce geste de Jésus au soir du Jeudi Saint révèle le sens profond de la mort / résurrection de Jésus et de l’Eucharistie qui la commémore. Ce sens dévoilé, c’est le don de toute la vie pour le service des autres, pour le salut du monde. L’Eucharistie bien vécue est celle qui nous ouvre aux autres par le partage et le service. S’asseoir ensemble à la même table signifie bien porter le souci de tous ceux qui sont autour de nous et de ceux qui n’ont pu venir. La messe ne nous replie pas sur nous-mêmes, jamais. 
 
Ce repas que nous allons partager dans un instant est un repas rapide, un repas offert et non mérité. Ce n’est pas à cause de notre sainteté légendaire que nous sommes accueillis par le Christ, mais parce que le Christ a voulu que sa table soit ouverte à tous, surtout aux pécheurs. Il ne saurait y avoir d’exclus de la table de l’amour ! Les mets consommés (pain et vin devenus corps et sang du Christ) sont ceux-là mêmes qui nous donneront la force de vivre de la Bonne Nouvelle. Car il ne s’agit pas seulement de manger pour vivre ; il s’agit de manger pour agir ; il s’agit de manger pour témoigner. Témoigner que Dieu ouvre les bras à celles et ceux qui s’approchent de lui ; témoigner que l’homme est plus important que la loi et donc qu’aucune loi ne mérite qu’on lui sacrifie ne serait-ce qu’un homme ; témoigner que le pardon finit par vaincre toutes les violences ; témoigner que la miséricorde est la clé du bonheur ; témoigner que la grandeur de l’homme consiste à se courber pour être à la hauteur des petits, et que le service est l’unique façon d’être grand devant Dieu ; témoigner que Dieu ne demeure dans aucune église ni cathédrale, mais qu’il marche sur la terre des hommes ; témoigner enfin qu’il n’y a pas de pain ni de richesses qui ne doivent être partagés ! 
 
A ceux qui pensent que c’est là chose impossible à vivre, il faut rappeler que ce pain et ce vin offerts sont signes de la vie du Christ donnée, déchiquetée, écrasée afin d’éveiller la terre à un nouvel esprit.  Quand le Christ nous invite, en chaque eucharistie, à manger son corps et boire son sang, il nous invite d’abord à accueillir sa façon de vivre, à accueillir sa Bonne Nouvelle. Il nous nourrit de sa propre vie pour que nous soyons forts, pour que soyons des Christ à notre tour. En communiant, nous proclamons que sa mort n’a pas été inutile puisqu’aujourd’hui encore, sa vie se propage en nous et nous met en mouvement. Dans ce repas simple et rapide qui nous est toujours offert, laissons-nous configurer au Christ pour, comme saint Augustin aimait à le rappeler, devenir vraiment ce que nous recevons : le corps du Christ. Amen.

 
(Dessin de Mr Leiterer)

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