Chaque
année, nous sommes invités à vivre la Semaine Sainte qui, du dimanche des
Rameaux où nous sommes à la nuit de Pâques, nous fait vivre le cœur de la foi
chrétienne ; nous accompagnons ainsi Jésus dans les derniers jours de sa
vie terrestre. Cette semaine si intense porte pourtant en elle un
risque pour nous : celui d’être suivie sans être vraiment vécue. En
effet, aucune autre semaine ne comporte autant de célébrations fortes en
symboles et en sens. Et pour peu que ce ne soit pas notre première Semaine
Sainte, le souvenir des années passées peut nous rendre insensible à des petits
détails que nous jugeons vite sans importance, et pourtant. Prenons Matthieu
dont nous avons entendu l’entrée de Jésus à Jérusalem. Il est le seul à
signaler que les disciples trouverons une ânesse attachée et son petit avec
elle. Les autres évangélistes parlent juste d’un ânon, que personne n’avait
encore monté. Et alors, me direz-vous ? Alors ? Ben sur lequel monte
Jésus ? Il ne peut pas monter sur les deux quand même ! Pourquoi
vouloir alors les deux ? Et pourquoi un âne ? Un cheval n’aurait-il
pas été plus convenant pour le Messie ? En ce dimanche des Rameaux,
laissons-nous donc évangéliser par un âne !
Pourquoi un âne ? L’explication
la plus communément admise tient au caractère de l’animal. Il va où il veut et
c’est lui qui guide semble-t-il. En montant sur un âne, Jésus manifeste qu’il
ne tient pas les rennes de sa vie. Sa vie, il l’a déjà remise à Dieu ;
c’est lui qui conduit les événements. L’âne serait donc l’instrument de Dieu pour
conduire son Fils là où Dieu le veut, au rythme que Dieu veut, au moment que
Dieu veut. L’heure vient, et elle est proche, où le Fils de l’homme va être
livré. Même la porte par laquelle il va entrer à Jérusalem, ce n’est pas lui
qui la choisit. L’âne, avec Jésus monté dessus, va son chemin. Jésus, au moment
où la foule l’acclame, est l’homme obéissant à Dieu, en toute chose. Il s’en
remet à lui seul. Et c’est l’âne qui incarne cette obéissance ! De lui,
apprenons à aller sur les routes où Dieu nous attend, au moment où Dieu nous
attend, au rythme que Dieu attend.
Chez Matthieu donc, les disciples
vont chercher une ânesse et un ânon que personne n’a encore monté. Mais on ne
sait sur lequel Jésus est monté. Faisons donc pour lui le choix de l’ânon,
conforme aux textes de Marc, de Luc et de Jean. Pourquoi
l’ânon ? N’ayant été monté par personne, il symbolise la Nouvelle Alliance
que Jésus va inaugurer dans son sacrifice sur la croix. Avec cet ânon, qu’il
est le premier à monter, Jésus commence quelque chose de neuf. L’ânesse les
accompagne ; elle symbolise la première alliance, non rejetée, mais
dépassée désormais par celle que Jésus va établir. Il n’est pas venu abolir la
Loi, mais l’accomplir dans une nouvelle alliance. Et nous chrétiens,
dépositaires de cette Nouvelle Alliance, nous ne pouvons pas faire abstraction
de la Première Alliance : elle explique la nouvelle, permet de mieux la
comprendre. Elle est cette ânesse qui a donné vie à son ânon ! Jésus ne
pouvait donc monter que l’ânon, annonçant une nouvelle vie qui commence avec
lui. C’est toujours une vie d’obéissance, de confiance en Dieu, mais avec des
règles nouvelles. Jésus précisera ces règles lors de son dernier repas avec ses
disciples.
Vous comprenez donc aussi pourquoi
Jésus ne peut pas monter un cheval. Un cheval est fougueux, un cheval est
symbole de la force guerrière. Or Jésus n’est pas un combattant militaire, il
n’est pas un chevalier en armure qui va combattre l’ennemi pour le bouter hors
de Palestine. Il est ce Fils obéissant qui marche vers sa mort pour entraîner
les hommes sur les chemins d’une vie nouvelle. Les acclamations de la foule ne
le feront pas changer d’avis. Elle a beau l’acclamer comme le Messie qui
vient ; elle n’a pas encore compris quel type de Messie il est. Pourtant,
tout est dit par l’ânon, tout est dit par cet équipage curieux, mais nouveau.
En ce dimanche des Rameaux, nous
avons acclamé Jésus, le Fils de David ; nous avons suivi celui
qui vient au nom du Seigneur ! Apprenons de ce que nous avons vu
l’humilité de Jésus qui monte un ânon ; apprenons de cet ânon à nous
laisser conduire, simplement, là où Dieu nous veut, pour notre vie et notre
joie. Amen.
(Dessin de Mr Leiterer)
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