Et dire qu’il y en a encore pour croire
que la Bonne Nouvelle de Jésus Christ c’est de l’eau de rose, plein de guili-guili,
une belle histoire pour enfant sage ! Après avoir entendu l’Evangile de ce
dimanche, force est de constater que l’Evangile sait aussi se faire plus rude,
avertissement sévère à ceux qui voudraient avoir
l’héritage, mise en garde contre ceux qui ne donnent pas de bons fruits. Et nous aurions tort de croire que
cela ne nous concerne pas, que ces textes ne sont que pour les autres, ceux qui
sont vraiment méchants, vraiment mauvais. Que nous ne soyons pas parfaits est
une chose que nous entendons volontiers, mais nous n’en sommes pas rendus au
point de ces ouvriers qui tuent le l’héritier ! Est-ce si sûr ?
La parabole rapportée par le prophète
Isaïe, nous l’évacuons volontiers en disant que ce n’est pas de nous qu’il
parle. C’est un texte de la Première Alliance qui ne concerne donc que les gens
de la Première Alliance. De même dans l’Evangile, Jésus ne s’adresse qu’aux anciens du peuple et aux grands-prêtres,
toutes fonctions que nous n’occupons pas. Nous serions donc exempt de
reproches, plutôt fiers d’être de ceux à qui la vigne sera confiée une fois
tous les autres éliminés. Au pire, ce texte concernerait uniquement les membres
de nos communautés qui assurent la conduite effective de l’Eglise, mais pas le
commun des baptisés. Le fait est que nous ne pouvons pas nous en tirer ainsi. La
parole lue chaque dimanche est bien pour nous, et pour nous tous ; c’est
bien à nous tous que Dieu s’adresse dans les lectures que nous entendons. C’est
donc bien pour nous mettre tous en garde que nous les entendons. Dieu attend de chacun de nous de bons fruits. Il
prend soin de nous ; nous devons prendre soin de la parole qu’il nous
confie afin qu’elle puisse faire son œuvre en nous.
Quand la Parole de Dieu se fait rude,
veillons à ne pas l’évacuer trop vite. Entendons-là pour ce qu’elle est :
un appel à la conversion. Souvenons-nous de ce que nous disait le prophète
Ezéchiel la semaine passée : Si le
méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il
sauvera sa vie. Droit et justice : ce sont justement les bons fruits
attendus par Dieu dans ce chant de la vigne que rapporte le prophète Isaïe. Etre
droits et justes dans nos relations avec les autres ; être droits et
justes dans notre travail ; être droits et justes vis-à-vis de Dieu ;
être droits et justes dans notre participation à la vie de la cité. Lorsque nous
lisons la presse ces derniers jours, nous pouvons légitimement nous interroger :
sommes-nous toujours droits et justes ? Sommes-nous droits et justes lorsque
nous estimons que les efforts à faire pour redresser notre pays, c’est toujours
aux autres de les faire ? Sommes-nous droits et justes lorsque nous
pointons du doigt les étrangers dès que quelque chose ne va pas ?
Sommes-nous droits et justes lorsque nous considérons qu’il faut plier devant la
minorité qui manifeste et fait du bruit dans la rue ? Sommes-nous droits
et justes lorsque nous attendons tout des autres et refusons systématiquement
de nous salir les mains pour arranger les choses ? Sommes-nous droits et
justes lorsque nous condamnons les nouveaux modèles familiaux qui se dessinent
alors que les nôtres s’écroulent et prennent eau de toutes parts ? Sommes-nous
droits et justes lorsque nous faisons le choix de partis extrêmes que quelques
bords qu’ils soient alors que l’histoire récente de notre continent nous a montré
les horreurs qu’ils ont tous engendrées ? Sommes-nous droits et justes
lorsque nous pensons qu’une bonne guerre remettrait les choses dans le bon
ordre ? Sommes-nous droits et justes lorsque, par souci de rentabilité et
de profits, nous maltraitons la terre que Dieu nous a confiée ?
Quand l’Evangile se fait plus rude, au
lieu de le ranger soigneusement, écoutons-le encore. Quand l’Evangile se fait
plus rude, au lieu de l’envoyer à ceux qui auraient tout intérêt à l’écouter,
relisons-le encore pour nous. Quand l’Evangile se fait plus rude, prenons-le au
sérieux. Et entendons-le toujours comme un appel à nous convertir, un appel à
porter plus de bons fruits, un appel à changer nos cœurs. Quand l’Evangile se
fait plus rude, confions-nous à la miséricorde de Dieu, afin qu’il guérisse en
nous ce qui n’est pas conforme à sa Parole. Quand l’Evangile se fait plus rude,
faisons une place plus grande au Christ : il nous indiquera la voie du
droit et de la justice ; il nous indiquera le chemin du salut. Amen.
(Dessin de M. Leiterer)
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