Lorsque nous rencontrons Jésus à ce moment de l’évangile
de Matthieu, il sort d’une longue polémique avec les scribes et les pharisiens
qui voulaient le prendre au piège. Que ce soit sur la Loi ou les impôts, ils
n’ont pas réussi, eux, les maîtres de la Loi, à coincer le petit rabbi qu’ils
méprisent. Toujours, il les a ramenés à l’essentiel : notre rapport à
Dieu. Maintenant qu’ils n’ont plus de questions, maintenant qu’ils ont épuisé
leurs pièges, c’est à Jésus de prendre les choses en main ; c’est à lui
d’enseigner. Et son enseignement ne vise pas à détruire les scribes et les
pharisiens - puisqu’il conseille de faire ce qu’ils disent - mais à nous
montrer le vrai chemin d’une vie selon l’Esprit de Dieu. Ce chemin, il le
résume dans cette phrase : Vous
n’avez qu’un seul Père, celui qui est aux cieux.
C’est d’abord une invitation à vivre une fraternité
vraie, comme le rappelait déjà le prophète Malachie dans la première lecture
quand il interroge : Pourquoi nous trahir
les uns les autres, profanant ainsi l’Alliance de nos pères ? En
effet, si nous n’avons qu’un seul Père, nous sommes tous frères, appartenant à
la même famille. Nous devrions donc vivre selon le même esprit de famille. Nous
devrions avoir le même souci : suivre les chemins du Seigneur. Il n’y a pas
lieu de faire des différences, de montrer du doigt, d’opposer ; il ne faut
surtout pas, par nos manigances et nos comportements entraîner la chute de
quiconque : il faut, au contraire, en toute chose rechercher l’unité. Ce
n’est pas facile, j’en conviens. Aucun n’a de leçon à donner aux autres, mais
tous, il nous faut avancer, ensemble, sur le chemin exigeant du pardon et de
l’acceptation de l’autre tel qu’il est, pour parvenir à cette fraternité qui
est d’abord un don de Dieu. Car c’est dans la mesure où nous accepterons que
Dieu soit véritablement notre Père, que nous vivrons de son Esprit qui fait de
nous des frères.
Vous n’avez
qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. C’est aussi un appel à une plus grande humilité. Saint Paul
l’écrit : ayez assez d’humilité pour
estimer les autres supérieurs à vous-mêmes. En agissant ainsi, nul risque
de se prendre pour un petit chef qui sait tout, comprend tout, et qu’il faut
suivre à la lettre. Vous n’avez qu’un
seul Maître, le Christ. Voici donc celui qu’il nous faut suivre. Sa Parole
est une parole autorisée, une parole qui fait référence, une parole qui fait
loi : car elle est la parole même de Dieu, le Père de tendresse, le Père
qui aime, le Père qui sauve, le Père qui relève et qui pardonne. Chacune de nos
paroles devrait se faire l’écho de ses paroles d’amour et de pardon. Chacune de
nos paroles devrait ouvrir à son destinataire un espace de liberté et d’amour
où il puisse se reconnaître comme mon frère, comme le fils de ce Père qui nous
appelle.
Vous n’avez
qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. A chacune de nos liturgies, nous invoquons Dieu comme notre Père. Nous le
faisons à la suite de la prière eucharistique, avant de nous approcher de l’autel
pour recevoir le pain de la vie, avant même encore d’échanger un geste de paix
avec nos voisins. Comme si toute la suite de notre célébration dépendait de
notre capacité à reconnaître Dieu comme Père. Comment, en effet, échanger la
paix qui vient de Dieu si je ne reconnais pas en l’autre, celui qui est juste à
côté de moi, un frère à aimer ? Comment accueillir le pain de l’eucharistie
qui m’agrège au Corps unique du Christ, si je refuse à mon voisin cette qualité
de fils qu’il partage avec moi depuis son baptême ? A chacune de nos liturgies,
le Père nous invite à le reconnaître comme tel. Avons-nous bien conscience que
nous venons ici pour le retrouver, pour vivre une véritable rencontre avec tous
nos frères autour de notre Père ? Le pardon qui est annoncé est son pardon
offert. La parole qui est proclamée est sa Parole de vie. Le pain qui est
partagé est la nourriture qu’Il nous donne. Les personnes que nous rencontrons
sont bien les frères et les sœurs qu’il nous confie pour parvenir avec eux au
Royaume promis.
Vous n’avez
qu’un seul Père, celui qui est aux cieux. Puisse Dieu nous accorder de le découvrir ainsi chaque jour davantage.
Puissions-nous avoir l’esprit et le cœur suffisamment ouverts à cette
révélation pour qu’elle transforme notre regard et notre agir. Alors nous
commencerons la construction de ce monde plus juste et plus fraternel où nous
serons tous UN, frères et sœurs dans le Christ, rassemblés dans la louange du
Dieu Unique et Vrai, vivant de l’Esprit qui fait de nous des fils. AMEN.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire