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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 27 janvier 2018

04ème dimanche ordinaire B - 28 janvier 2018

Es-tu venu pour nous perdre ?






Es-tu venu pour nous perdre ? Cette question de l’homme possédé adressée à Jésus en entraîne, selon moi, une autre qui me tarabuste depuis quelques temps. Elle se pose ainsi : comment parlons-nous de Dieu ? Cette question ne s’adresse pas qu’aux prédicateurs ou aux catéchistes qui, par leurs fonctions, doivent parler de Dieu. C’est une question qui s’adresse à tout chrétien : ce que tu dis de Dieu, dans tes actes et dans tes paroles, donne-t-il envie de suivre Jésus ou non ?  

Es-tu venu pour nous perdre ? Il y eut une époque, celle de mon enfance, où j’avais l’impression quelquefois que Dieu (ou Jésus) était l’empêcheur de vivre. C’était le rabat-joie absolu. Les catéchistes nous énuméraient la longue, (trop longue) liste de ce que nous ne pouvions pas et ne devions pas faire si nous voulions être l’ami de Jésus. En même temps, elles nous déroulaient la longue (trop longue) liste des efforts à faire pour témoigner de notre amitié envers Jésus. Cette liste était sans fin, et quoi que vous fassiez, vous n’en faisiez jamais assez. Vous ne transpiriez jamais assez pour Jésus. La religion devenait un sport épuisant. Etre véritablement chrétien semblait hors de portée. Si vous n’arriviez pas à aligner un certain nombre d’efforts à la fin de votre carême, vous étiez perdus. Je me rends compte aujourd’hui que la seule question qu’il aurait fallu poser aux prêtres et catéchistes était celle de l’homme possédé : puisque Dieu semble impossible à contenter, pourquoi est-il venu ? Est-il venu pour nous perdre ? Jésus se réduit-il à celui qui me rappelle que je ne serai jamais assez bien pour lui, toujours trop faible, pas assez cela, manquant de ceci… ? Que disons-nous de Dieu ? Que disons-nous de Jésus ? Que disons-nous de notre relation avec lui ? Nous devons réinterroger notre manière de parler de Dieu aux autres et vérifier qu’elle ne soit pas la source de leur éloignement.  

Es-tu venu pour nous perdre ? Cette question n’est pas une vieille question. Beaucoup de nos contemporains affirment encore l’aliénation de l’humanité lorsqu’elle prend en compte l’affirmation de l’existence de Dieu. Pour que l’homme soit libre, il faut exclure Dieu de la vie de l’homme. Nous entendons à nouveau, ces dernières années, dire que la source des problèmes que l’homme rencontre, c’est Dieu et les religions. Certains font des raccourcis terrifiants, du genre : sans Dieu, pas de guerre ! Sans religion en France, il n’y aurait pas d’attentats, puisque ceux qui les commettent se revendiquent de Dieu. Ces gens-là n’interrogent même plus Jésus ; ils affirment qu’il est venu pour nous perdre. Ils affirment que Dieu est l’empêcheur de vivre en paix. Ils affirment que Dieu est l’empêcheur de vivre en liberté. Le salut n’est pas, pour eux, en Jésus ; le salut, pour eux, réside dans la négation de Dieu. Face à eux, nous pourrions dire que c’est un combat d’arrière-garde, des reliquats des pires moments de l’histoire de France quand l’anticléricalisme et l’antichristianisme étaient à leur comble. Mais nous ferions mieux de renouveler et notre discours sur Dieu et notre art de vivre avec Dieu, pour que ceux-ci manifestent en toutes choses la tendresse de Dieu pour les hommes, son désir de salut, son désir de vie pour l’homme.  

Regardez et écoutez Jésus : face à l’homme qui l’interroge, il ne lui refait pas le catéchisme. Il ne lui dit pas : tu ne sais ni qui je suis, ni de quoi tu parles. Le possédé sait parfaitement qui est Jésus et l’affirme sans détours : Je sais qui tu es : tu es le Saint de Dieu. Cet homme possédé, Jésus ne va ni le convertir, ni le condamner. Mais à cet homme possédé, Jésus donne une parole de salut qui lui rendra sa liberté véritable : non pas la liberté de vivre sans Dieu, mais la liberté de vivre sans le Mal : Sors de cet homme, dit-il. Et l’esprit impur le fit entrer en convulsions, puis, poussant un grand cri, sortit de lui. Voilà révélée au grand jour la mission véritable de Jésus : rendre à l’homme sa liberté première, celle qui était sienne quand il n’avait pas encore désobéi à Dieu, celle qui est toujours sienne parce qu’il est à la l’image et à la ressemblance de Dieu. L’humanité ne trouve sa liberté qu’en Jésus qui vient la libérer du Mal. Il est faux de croire et de dire que l’humanité trouvera sa liberté en-dehors de Dieu : elle ne trouve là que l’aliénation au Mal qui la possède, la tourmente et la détruit. Encore faut-il que les croyants vivent en libérés pour que les hommes puissent croire en celui qui veut les rendre libres. 

Croyants en Jésus, nous avons à témoigner par notre vie de cette libération en refusant les logiques d’exclusions, de séparations, de divisions, d’oppositions. Disciples du Christ, profondément unifiés par lui, nous avons à être signe de l’œuvre de Dieu en nous. A l’écoute de sa parole, nous trouverons le chemin de la vie parfaitement libre, parfaitement fraternelle, parfaitement pacifique. Laissons-nous rejoindre par Jésus et soyons, en paroles et en actes, témoins du Christ venu, non pas pour perdre l’homme mais pour lui rendre sa vie et sa liberté. Amen.

 (Dessin de M. Leiterer)

dimanche 21 janvier 2018

03ème dimanche ordinaire B - 21 Janvier 2018

Jonas, celui qui ne voulait pas le salut pour tous.





Ceux qui ne vont à la messe que le dimanche, n’entendront du Livre de Jonas que le court extrait que nous avons eu en première lecture. Et s’ils ne font pas l’effort de lire le livre en entier (quatre petits chapitres), ils ne comprendront rien à l’histoire telle que nous l’avons entendu, ou plutôt ils ne la comprendront que de travers. Car en lisant le livre en entier, nous découvrons que Jonas n’est pas le modèle du prophète qui annonce la Parole avec joie aussitôt celle-ci transmise. 
 
Tout commence quand Dieu se décide à intervenir pour Ninive. De ce qui est dit de la ville, nous comprenons qu’elle est tout entière plongée dans le mal, et que Dieu ne la supporte plus. Il interpelle donc Jonas qui a mission de dire aux Ninivites que leur méchanceté est montée jusqu’à Dieu. Il doit les inviter à la conversion. Contrairement à ce que peut faire croire la traduction liturgique, Jonas ne se lève pas immédiatement pour aller à Ninive. Cela il ne le fera que la seconde fois, lorsque la parole du Seigneur fut adressée de nouveau à Jonas. La première fois, il fuit ; il s’embarque sur un navire pensant échapper à Dieu et à sa mission. Pourquoi fuit-il ? Parce qu’il sait la bonté de Dieu et son désir de salut pour tous les hommes. C’est là la marque principale du prophète que ce petit livre tient à souligner. Le lecteur attentif du livre de Jonas comprend ce qu’est l’expérience prophétique. Jonas lui-même confesse cette expérience lorsque la ville s’est convertie et que Dieu est revenu de sa décision de la punir. Je savais bien que tu es un Dieu bon et miséricordieux, lent à la colère et plein de bienveillance, et qui revient sur sa décision de faire du mal. Celui que Dieu choisit pour annoncer sa parole, hier comme aujourd’hui, est nécessairement convaincu de la bonté et de la miséricorde de Dieu. N’est-ce pas ce que nous rappelait le pape François quand il a proclamé un Jubilé de la miséricorde ? Ne voulait-il pas nous faire redécouvrir à tous cette qualité première de Dieu ? Quand bien même Dieu aurait des motifs de colère contre nous, sa miséricorde est plus grande encore et sans limite. Je n’imagine pas qu’un prédicateur ou une catéchiste puisse proclamer l’évangile sans en être convaincu. Quiconque veut parler de Dieu doit savoir (et être convaincu lui-même) que Dieu aime tous les hommes et qu’il veut leur salut à tous, quels que soient leur tempérament, leur caractère, leur origine, leur couleur de peau, leur croyance, ou le nombre d’actes mauvais qu’ils aient pu commettre. Le Dieu de l’Evangile est le Dieu du Salut. Il suffit que la Parole de Dieu soit proclamée pour qu’elle puisse agir, même malgré celui qui l’annonce. Et même si le prophète, comme Jonas, n’annonce pas exactement ce que Dieu demande, la Parole peut atteindre son but. Jonas dit : encore quarante jours et Ninive sera détruite, et le peuple comprend qu’il doit se convertir alors même que Jonas n’avait pas proclamé cette possibilité. 
 
Cette histoire de Jonas nous interroge alors sur notre rapport à l’Evangile, cette Bonne Nouvelle que Jésus a proclamée et que ses disciples doivent continuer à annoncer. L’Evangile que nous lisons est-il encore Bonne Nouvelle pour nous ? Ou est-ce juste un beau texte historique, un écrit de sagesse à côté d’autres écrits de sagesse ? Pour ne prendre qu’un exemple que je connais pour y travailler en ce moment (l’Enseignement catholique), que signifie le mot Evangile pour les parents qui inscrivent leurs enfants dans une école catholique ? Car enfin, nombre de projets éducatifs se disent référés aux valeurs de l’Evangile. Nous sommes bien d’accord : cela ne veut absolument rien dire si pour nous, chrétiens, l’Evangile n’est pas le moteur de notre vie, ce qui lui donne véritablement sens et qui oriente toutes nos actions. L’Evangile n’a de valeur que s’il est reconnu comme une Parole efficace, comme la présence agissante de Jésus dans notre vie. L’Evangile n’est Bonne Nouvelle que s’il ouvre ma vie à la bonté et à la miséricorde de Dieu pour que ma vie puisse devenir pour d’autres signe de cette bonté et de cette miséricorde. L’Evangile ne doit pas être proclamé pour faire peur aux gens, mais pour les amener à vivre plus grand, à vivre mieux. Ce n’est pas la même chose de dire : Ninive sera détruite que de dire : la méchanceté de Ninive est parvenue jusqu’à Dieu ! La première formule sonne comme une condamnation, la seconde laisse un champ de possible : si ma méchanceté est parvenue jusqu’à Dieu, combien plus ma conversion lui parviendra-t-elle ! Nous avons tous une responsabilité particulière concernant la réception de l’Evangile comme Bonne Nouvelle pour tous les peuples. Nous devons nous battre contre toute tentative de réduire la Parole de Dieu à des préceptes moraux, des condamnations, des fatwas réduisant la miséricorde de Dieu, annulant son amour, défigurant son visage. L’Evangile sera Bonne Nouvelle tant que celui qui l’entend comprendra qu’il est aimé infiniment et gratuitement par Dieu, quelle qu'ait été sa vie jusqu’à présent. L’Evangile ne réduit pas notre vie à nos actes manqués ; il agrandit notre vie à la mesure de l’amour de Dieu pour nous. 
 
Jonas savait tout cela, mais il ne voulait pas que ce qui était bonne nouvelle pour lui le soit aussi pour Ninive. Il aurait bien aimé que cette ville soit détruite. Nous ne sommes pas différents de lui : quelles sont les Ninivites que nous aimerions voir détruits ? Quels sont ceux à qui nous ne ferons pas entendre la Bonne Nouvelle du Salut de peur qu’ils ne se convertissent et soient sauvés avec nous ? La leçon que Dieu donne à Jonas à la fin du livre vaut pour nous aussi : nous savons nous soucier pour des petites choses ; combien plus Dieu se soucie-t-il des hommes qu’il a créés. Nous ne sommes pas propriétaires de l’Evangile ; nous n’en sommes que les dépositaires. Nous devons l’accueillir et le transmettre, fidèlement. Convertissons-nous donc et croyons à l’Evangile pour que d’autres puissent se convertir et y croire, pour la plus grande gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.

(Gustave Doré, Jonas exhorte les Ninivites, in Gustave Doré - La Bible, éd. SACELP, 1983 )

samedi 13 janvier 2018

02ème dimanche ordinaire B - 14 janvier 2018

Passage de témoins.





Le troisième dimanche de l’Avent, nous avions laissé Jean le Baptiste au bord du Jourdain, aux prises avec les prêtres et les lévites venus pour lui demander : Qui es-tu ? Nous le retrouvons aujourd’hui, au lendemain de ce même jour dans l’évangile de Jean, avec deux de ces disciples. Et Jésus est là, qui allait et venait. L’annonceur et l’annoncé, dans un même lieu, et cette affirmation de Jean le Baptiste : Voici l’Agneau de Dieu. Et voilà que le témoin est passé entre ces deux hommes : les deux disciples (de Jean le Baptiste) entendirent ce qu’il disait et ils suivirent Jésus. 
 
Ne trouvez-vous pas extraordinaire cette capacité qu’a Jean le Baptiste de se détacher ainsi de sa mission-même. Celui qu’il annonce est là et il s’efface. Pas de guerre d’égo ; pas de recherche de reconnaissance du travail accompli. Jésus vient, et Jean le Baptiste laisse ses propres disciples suivre Jésus, sans chercher à les retenir. Il ne devient même pas la caution morale de Jésus en s’engageant lui-même à sa suite pour dire aux gens que c’est lui dont il parlait. Celui qui affirmait : Je ne suis pas digne de défaire la courroie de sa sandale, ne se juge pas plus digne de marcher derrière lui. Il voit Jésus, il témoigne, il laisse partir. C’est maintenant le temps du Messie, c’est le commencement de quelque chose de neuf. Les disciples de Jean deviendront les témoins de Jésus. Un changement dans la continuité, dirais-je. 
 
De là, tout semble aller très vite : deux disciples qui suivent (André et un autre), puis trois (Simon Pierre, le frère d’André) et quatre (Philippe) et même un cinquième (Nathanaël) lorsqu’on lit tout le chapitre premier de l’évangile de Jean. Pourquoi suivent-ils ainsi ? Pourquoi se mettent-ils en route, à la suite d’un inconnu ? Pour André et Philippe, c’est assez clair : ils reconnaissent en Jésus le Messie. C’est par cette affirmation qu’André décide son frère Simon à suivre aussi. C’est par une affirmation semblable que Philippe entraînera Nathanaël à la rencontre de Jésus : Celui dont il est écrit dans la loi de Moïse et chez les prophètes, nous l’avons trouvé : c’est Jésus, fils de Joseph, de Nazareth. Mais plus fondamentalement, pour tous ces hommes, parce qu’ils y ont été invités : Venez et vous verrez, dira Jésus aux disciples de Jean le Baptiste qui l’interrogeaient. Suis-moi, dira Jésus à Philippe. Viens et vois, dira Philippe à Nathanaël en réponse à sa question : De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ? 
 
Pour devenir disciple, il faut donc y être invité. Rassurez-vous : Jésus a invité chacun à le suivre, et à travers nous, il continue d’appeler à le suivre. C’est notre responsabilité de croyants d’inviter les hommes à la rencontre de Jésus. Encore faut-il que nous soyons convaincu que Jésus est bien le Messie. Pour rester disciple, il faut avoir fait cette découverte et sentir que Jésus est plus qu’un grand homme. Il est celui qui donne sens à notre vie, il est celui que Dieu envoie pour nous sauver, selon les promesses faites à nos pères. Ayant découvert cela, comment pourrions-nous le garder pour nous et ne pas en témoigner ? Manquerions-nous de témoins aujourd’hui ? Ou manquerions-nous de courage ?  Aurions-nous peur du ridicule ? Pensons-nous, comme d’autres, qu’on ne parle pas de ces choses-là en public ? Pourtant, sans témoins, pas de disciples. Sans disciples missionnaires, pas de salut annoncé à tous les hommes. Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas devenir des obstacles à la propagation de la foi. Nous taire, c’est consentir à l’amoindrissement du nombre de disciples. Nous taire, c’est consentir à l’abandon de la foi. 
 
Viens et vois. Deux mots pour une proposition qui change la vie d’un homme. Deux mots pour ouvrir le monde au salut. Deux mots pour faire grandir le nombre de disciples. Deux mots pour que notre monde change en mieux. Deux mots pour que les hommes deviennent plus fraternels. Deux mots pour redonner du sens à ceux qui n’ont plus le bon sens. Deux mots pour que tout commence (ou re-commence) avec Jésus. Auras-tu l’audace d’adresser ces deux mots à quelqu’un que tu croiseras durant cette semaine pour faire grandir l’Eglise ?  Viens et vois : il n’y a pas plus à dire pour passer le témoin ; le reste dépend de Dieu. Amen.

 

 

dimanche 7 janvier 2018

Epiphanie - 07 janvier 2018

La visite des mages : une leçon pour une vie meilleure.





           Elle est bien jolie, cette histoire des mages venus d’Orient qui cherchent l’endroit où se trouve le roi des Juifs qui vient de naître ! Elle est connue la stupéfaction d’Hérode qui entraîne un désir malsain de tout connaître et de tout contrôler. Mais en quoi nous concerne-t-elle ? Qu’est-ce qu’elle change dans votre vie ? Qu’est-ce qu’elle provoque dans votre vie ? Car enfin, la Parole de Dieu n’est pas qu’une belle histoire pour enfants sages. Elle doit remuer notre vie, entraîner une conversion, susciter un désir plus grand ! Si non, pourquoi la lire encore ? Je crois, pour ma part, que cette visite est et sera pour toujours, une invitation à vivre plus grand, à l’image de ces mages. Relisons leur histoire et comprenons mieux. 
 
            Cette histoire commence non pas avec l’arrivée de ces personnages à Jérusalem, mais bien des mois plutôt lorsqu’ils sont chacun dans leur lointain pays. Un jour, ils ont vu une étoile à l’orient qui annonçait la naissance d’un nouveau roi des Juifs. Ceci n’est pas qu’un détail ; c’est l’élément déclencheur de tout ce remue-ménage au palais d’Hérode. Ils ont vu une étoile : cela signifie qu’ils ne vivaient pas repliés sur eux-mêmes ; ils n’avaient pas la vue basse. Ces hommes scrutaient le ciel, ne se contentant pas de ce qu’ils avaient, ni de ce qu’ils savaient. Première leçon de vie : ne reste pas à regarder le sol, ni la pointe de tes chaussures : tu n’y trouveras rien, si ce n’est de la poussière ! Pour faire des rencontres qui marqueront ta vie, il te faut lever les yeux, il te faut t’interroger, il te faut chercher des réponses. Ne vis pas petit ; tu es fais pour de grandes choses, pour de belles rencontres. Sors de toi-même, scrute le ciel, scrute ta vie et laisse-toi surprendre. C’est ce qu’ont fait ces hommes. Hérode, lui, s’en montre incapable. Même quand il est averti de cette naissance, il ne cherche pas lui-même ; il fait chercher. Par les savants de son pays d’abord – il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ – par les mages ensuite : Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi-aussi, me prosterner devant lui. Lui, le grand du royaume d’Israël, vit petit, inquiet de lui-même et de son avenir, incapable de se réjouir de la nouveauté, incapable de sortir de lui. 
 
            Il ne suffit pas qu’une histoire commence pour qu’elle se déroule ensuite. Les mages ont vu une étoile, ils ont compris que quelque chose de neuf allait arriver. Ils auraient pu en rester là. Ils auraient pu dire : cela ne nous concerne pas, nous ne sommes pas juifs ! Ils auraient pu rester chez eux, faire une note sur wikipédia s’il avait existé pour que d’autres apprennent la nouvelle ; ils auraient pu se contenter d’envoyer un courrier très diplomatique par dromadaire pour féliciter le roi Hérode. Mais non, ils ont décidé de se mettre en route, de suivre l’étoile et d’aller à la rencontre de ce nouveau roi. Deuxième leçon de vie : ne t’enferme pas, sors de chez toi et tu vivras plus grand. N’aie pas peur de l’aventure ; n’aie pas peur de la route. Bouge-toi ! Bouge-toi pour les autres ! Bouge-toi pour Dieu ! Et les autres se bougeront pour toi, et Dieu se bougera pour toi. Quelle est l’étoile qui illumine ta vie ? Quelle est l’étoile qui te mettra en route ? Il est évident que si tu ne lèves pas les yeux de tes chaussures, tu ne verras rien et donc tu ne te bougeras pas. Or la rencontre de Dieu est à ce prix ; la rencontre des autres est à ce prix. 
 
            L’histoire se poursuit : les mages arrivent à la crèche. Eux des grands de royaumes étrangers se pressent autour d’un enfant né sur un peu de paille, hors d’un palais, hors d’une maison convenable. Et pourtant, ils se réjouirent d’une très grande joie. Ils ne sont pas seulement contents, ni même juste joyeux ; ils sont super méga heureux ! Pas une once de déception. Troisième leçon de vie : réjouis-toi de ce qui t’est donné ; réjouis-toi de ce que tu trouves ; réjouis-toi de ce qu’il t’est donné de vivre. Sache te réjouir de choses simples et reconnais Dieu quand il se présente à toi. Ne l’attends pas en super-héros qui résoudra tous tes problèmes et les grandes crises de notre monde. Reconnais-le tel qu’il se présente à toi : bien plus souvent comme cet enfant couché dans une crèche, ou comme cet homme crucifié entré en agonie, attendant la mort comme une délivrance. Ne cherche pas Dieu dans l’exceptionnel, ni dans le grandiose : ouvre les yeux sur le monde et adore Dieu présent dans le frère, dans le petit, dans l’exploité, dans l’oublié, dans l’immigré. Offre-lui l’or de ton amour, l’encens de ta charité, la myrrhe de ton espérance. Sois toi-même une offrande à ton Dieu ! Là se trouve la plénitude de ta vie ; là se trouve le bonheur parfait. 
 
            Cette belle histoire a une fin dans l’évangile de Matthieu, mais elle ne se finit pas en vérité. Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. C’est la fin de ce passage d’Evangile, mais ce n’est pas la fin de l’histoire : d’ailleurs on ne la connaît pas. Qu’ont-ils fait, une fois revenus chez eux ? Comment cette histoire a-t-elle bouleversé leur vie d’après ? Ont-ils juste tourné la page ? Cherché une autre étoile ? Un nouveau roi ? Ne pas retourner chez Hérode, rentrer par un autre chemin : c’est un même mouvement, la dernière leçon de vie : ne te retourne pas, va toujours de l’avant. Tu ne peux pas vivre de grandes choses et ensuite revenir chez toi comme s’y de rien n’était. C’est pour cela que j’affirme que l’histoire n’est pas finie. Elle ne peut pas s’arrêter. Personne ne rencontre Dieu en vérité pour retourner après regarder le bout de ses souliers. Personne ne se met en route pour finir confortablement installé dans un fauteuil. D’ailleurs, avec un Christ qui naît dans une étable et finit cloué sur une croix, je vois mal comment tu pourrais finir dans un fauteuil à attendre qu’il vienne. Tant de chemins différents s’ouvrent devant toi. Tant d’hommes sont à rencontrer, à réconforter, à offrir à Dieu dans la prière. Tant de choses sont à faire pour que grandisse le Royaume inauguré par la naissance de cet Enfant, vrai Dieu et vrai homme, que nous confessons Christ et Sauveur. 
 
            Trois mages venus d’orient à la recherche d’un enfant, et toute notre vie est chamboulée. Laissons-nous prendre à leur jeu : osons lever les yeux, osons nous mettre en route, osons nous réjouir de ce que la vie nous offre, osons progresser. La vie que Dieu nous promet, la vie que Dieu nous offre demande quelque effort mais elle nous procure aussi une très grande joie. Amen.

(Lorenzo MONACO, L'adoration des mages, Huile sur bois, vers 1420-1422, Galerie des Offices, Florence)