Elle
est bien jolie, cette histoire des mages
venus d’Orient qui cherchent l’endroit où se trouve le roi des Juifs qui vient de naître ! Elle est connue la
stupéfaction d’Hérode qui entraîne un désir malsain de tout connaître et de
tout contrôler. Mais en quoi nous concerne-t-elle ? Qu’est-ce qu’elle
change dans votre vie ? Qu’est-ce qu’elle provoque dans votre vie ?
Car enfin, la Parole de Dieu n’est pas qu’une belle histoire pour enfants
sages. Elle doit remuer notre vie, entraîner une conversion, susciter un désir
plus grand ! Si non, pourquoi la lire encore ? Je crois, pour ma
part, que cette visite est et sera pour toujours, une invitation à vivre plus
grand, à l’image de ces mages. Relisons leur histoire et comprenons mieux.
Cette histoire commence non pas avec
l’arrivée de ces personnages à Jérusalem, mais bien des mois plutôt lorsqu’ils
sont chacun dans leur lointain pays. Un jour, ils ont vu une étoile à l’orient
qui annonçait la naissance d’un nouveau roi des Juifs. Ceci n’est pas qu’un
détail ; c’est l’élément déclencheur de tout ce remue-ménage au palais
d’Hérode. Ils ont vu une étoile : cela signifie qu’ils ne vivaient pas
repliés sur eux-mêmes ; ils n’avaient pas la vue basse. Ces hommes
scrutaient le ciel, ne se contentant pas de ce qu’ils avaient, ni de ce qu’ils
savaient. Première leçon de vie : ne reste pas à regarder le sol, ni la
pointe de tes chaussures : tu n’y trouveras rien, si ce n’est de la
poussière ! Pour faire des rencontres qui marqueront ta vie, il te faut
lever les yeux, il te faut t’interroger, il te faut chercher des réponses. Ne
vis pas petit ; tu es fais pour de grandes choses, pour de belles
rencontres. Sors de toi-même, scrute le ciel, scrute ta vie et laisse-toi
surprendre. C’est ce qu’ont fait ces hommes. Hérode, lui, s’en montre
incapable. Même quand il est averti de cette naissance, il ne cherche pas lui-même ;
il fait chercher. Par les savants de son pays d’abord – il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur
demander où devait naître le Christ – par les mages ensuite : Allez vous renseigner avec précision sur
l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille,
moi-aussi, me prosterner devant lui. Lui, le grand du royaume d’Israël, vit
petit, inquiet de lui-même et de son avenir, incapable de se réjouir de la
nouveauté, incapable de sortir de lui.
Il ne suffit pas qu’une histoire
commence pour qu’elle se déroule ensuite. Les mages ont vu une étoile, ils ont
compris que quelque chose de neuf allait arriver. Ils auraient pu en rester là.
Ils auraient pu dire : cela ne nous concerne pas, nous ne sommes pas
juifs ! Ils auraient pu rester chez eux, faire une note sur wikipédia s’il
avait existé pour que d’autres apprennent la nouvelle ; ils auraient pu se
contenter d’envoyer un courrier très diplomatique par dromadaire pour féliciter
le roi Hérode. Mais non, ils ont décidé de se mettre en route, de suivre
l’étoile et d’aller à la rencontre de ce nouveau roi. Deuxième leçon de
vie : ne t’enferme pas, sors de chez toi et tu vivras plus grand. N’aie
pas peur de l’aventure ; n’aie pas peur de la route. Bouge-toi !
Bouge-toi pour les autres ! Bouge-toi pour Dieu ! Et les autres se
bougeront pour toi, et Dieu se bougera pour toi. Quelle est l’étoile qui illumine
ta vie ? Quelle est l’étoile qui te mettra en route ? Il est évident
que si tu ne lèves pas les yeux de tes chaussures, tu ne verras rien et donc tu
ne te bougeras pas. Or la rencontre de Dieu est à ce prix ; la rencontre
des autres est à ce prix.
L’histoire se poursuit : les
mages arrivent à la crèche. Eux des grands de royaumes étrangers se pressent
autour d’un enfant né sur un peu de paille, hors d’un palais, hors d’une maison
convenable. Et pourtant, ils se
réjouirent d’une très grande joie. Ils ne sont pas seulement contents, ni
même juste joyeux ; ils sont super méga heureux ! Pas une once de
déception. Troisième leçon de vie : réjouis-toi de ce qui t’est
donné ; réjouis-toi de ce que tu trouves ; réjouis-toi de ce qu’il
t’est donné de vivre. Sache te réjouir de choses simples et reconnais Dieu
quand il se présente à toi. Ne l’attends pas en super-héros qui résoudra tous
tes problèmes et les grandes crises de notre monde. Reconnais-le tel qu’il se
présente à toi : bien plus souvent comme cet enfant couché dans une
crèche, ou comme cet homme crucifié entré en agonie, attendant la mort comme
une délivrance. Ne cherche pas Dieu dans l’exceptionnel, ni dans le
grandiose : ouvre les yeux sur le monde et adore Dieu présent dans le
frère, dans le petit, dans l’exploité, dans l’oublié, dans l’immigré. Offre-lui
l’or de ton amour, l’encens de ta charité, la myrrhe de ton espérance. Sois
toi-même une offrande à ton Dieu ! Là se trouve la plénitude de ta
vie ; là se trouve le bonheur parfait.
Cette belle histoire a une fin dans
l’évangile de Matthieu, mais elle ne se finit pas en vérité. Avertis en songe de ne pas retourner chez
Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin. C’est la fin de ce
passage d’Evangile, mais ce n’est pas la fin de l’histoire : d’ailleurs on
ne la connaît pas. Qu’ont-ils fait, une fois revenus chez eux ? Comment
cette histoire a-t-elle bouleversé leur vie d’après ? Ont-ils juste tourné
la page ? Cherché une autre étoile ? Un nouveau roi ? Ne pas retourner chez Hérode, rentrer par un autre chemin : c’est un même
mouvement, la dernière leçon de vie : ne te retourne pas, va toujours de
l’avant. Tu ne peux pas vivre de grandes choses et ensuite revenir chez toi
comme s’y de rien n’était. C’est pour cela que j’affirme que l’histoire n’est
pas finie. Elle ne peut pas s’arrêter. Personne ne rencontre Dieu en vérité
pour retourner après regarder le bout de ses souliers. Personne ne se met en
route pour finir confortablement installé dans un fauteuil. D’ailleurs, avec un
Christ qui naît dans une étable et finit cloué sur une croix, je vois mal
comment tu pourrais finir dans un fauteuil à attendre qu’il vienne. Tant de
chemins différents s’ouvrent devant toi. Tant d’hommes sont à rencontrer, à
réconforter, à offrir à Dieu dans la prière. Tant de choses sont à faire pour que
grandisse le Royaume inauguré par la naissance de cet Enfant, vrai Dieu et vrai
homme, que nous confessons Christ et Sauveur.
Trois mages venus d’orient à la
recherche d’un enfant, et toute notre vie est chamboulée. Laissons-nous prendre
à leur jeu : osons lever les yeux, osons nous mettre en route, osons nous
réjouir de ce que la vie nous offre, osons progresser. La vie que Dieu nous
promet, la vie que Dieu nous offre demande quelque effort mais elle nous procure
aussi une très grande joie. Amen.
(Lorenzo MONACO, L'adoration des mages, Huile sur bois, vers 1420-1422, Galerie des Offices, Florence)
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