Amos et Jésus,
même combat : c’est ce qui ressort d’une lecture rapide des textes liturgiques
de ce dimanche. Ce combat, c’est celui de la Parole de Dieu à annoncer
toujours, à temps et à contre-temps. Une annonce qui ne souffre ni retard, ni
obstacle. Dieu envoie, l’homme annonce. Ecoutons à nouveau ces textes et
comprenons.
Va-t-en d’ici ; fuis au pays de Juda ; c’est là-bas que tu
pourras gagner ta vie en faisant ton métier de prophète. Pauvre Amos ! Les temps sont durs pour
les prophètes. Imaginez-vous qu’il est tiraillé entre ce que Dieu lui demande
de prophétiser et ce que les gens ont envie d’entendre. Il ne faut pas être soi-même
grand prophète pour comprendre qu’Amos ne plaît guère, pas davantage que son
message. C’est un empêcheur de tourner en rond ! Avec lui, plus de
passe-droit ; avec lui, finie l’injustice sociale ; avec lui, voilà
qu’il faudrait respecter les pauvres, et les riches devraient éviter le luxe
tapageur. Alors que le peuple de Samarie connaît une période faste, voilà que
le prophète annonce des malheurs immenses : le peuple sera ruiné, il sera
déporté. Même si le peuple se repentait, le Seigneur Dieu ne pourrait plus
retenir le bras prêt à frapper. Il ne restera pas pierre sur pierre dans le
royaume. Vous comprenez dès lors l’intervention du prêtre Amazias :
laisse-nous tranquille ! Va-t-en jouer au prophète de malheur
ailleurs ! Mais ici, à Béthel,
arrête de prophétiser.
C’était sans
compter sur qui avait envoyé Amos. Dans une courte réponse au prêtre, le
prophète dit avec force qu’il ne peut se taire. Lui le gardien de troupeau et
le tailleur de sycomores, lui qui n’appartient pas à une caste de prophète, lui
l’homme de la terre, a été saisi par Dieu et sommé par lui d’aller prophétiser.
Il ne prophétise pas pour gagner sa vie ; il ne prophétise pas par plaisir ;
il ne prophétise pas pour se faire un nom ; il prophétise parce que Dieu
l’a envoyé ! Alors, que cela plaise ou non, il dira ce qu’il a à
dire ; après il partira. Il reprendra sa petite vie de berger. Mais pour
l’heure, place au Seigneur Dieu et à sa Parole !
Quelques siècles
plus tard, Jésus lui-aussi viendra annoncer la Parole du Seigneur Dieu. Il ne
se contentera pas de remplir sa mission en solitaire. Il va associer ses
disciples à sa mission. Nous l’avons entendu dans l’Evangile : alors il commença à les envoyer en mission
deux par deux. Le contexte est certes différent de celui d’Amos, mais Dieu
parle encore et toujours à son peuple. Par Jésus donc, qui vagabonde sur les
routes de Palestine ; ce Jésus, que les siens croyaient connaître et ne
veulent pas entendre ; ce Jésus, qui vient d’essuyer un échec dans son
village, et qui transfère ses compétences à ses disciples. Il les envoie en
mission, deux par deux. Il les envoie faire à leur tour ce pourquoi il est
venu : annoncer la
Bonne Nouvelle et la concrétiser en manifestant leur pouvoir
sur les forces de mort, sur les esprits mauvais. Les disciples sont appelés à
poursuivre l’œuvre du maître ; ils sont appelés à marcher sur ses traces,
avec des consignes très claires.
Il
leur prescrivit de ne rien prendre pour la route, si ce n’est un bâton. Ils
partent, totalement désarmés, dépourvus de tout : ni vêtement de rechange,
ni monnaie, ni même un en-cas pour la route. Juste un bâton. Ils ne feront pas
découvrir aux autres la route du bonheur s’ils s’encombrent de choses inutiles.
La route du bonheur se découvre lorsque l’on n’a plus rien que la seule force
d’aimer ; lorsque les seuls arguments sont une vie heureuse, respirant le
bonheur et la joie de vivre, libérée de toute peur, de tout attachement
excessif. Le bâton est plus utile qu’un vêtement de rechange : il permet
de s’appuyer sur lui lorsque la route est trop dure. Il est le symbole de celui
qui se met en marche et accepte de se dépayser pour entrer dans le monde de
Dieu que se proposent de faire découvrir les Apôtres. Ils se mettent en route
avec un bâton, des sandales aux pieds, et un compagnon de voyage. A deux, on se
réconforte, on s’encourage, on essaie de vivre ce que l’on prêche !
A la suite
d’Amos et des Apôtres, nous sommes appelés à témoigner à notre tour de tout ce
que Dieu réalise pour nous. A la suite d’Amos et des Apôtres, nous sommes
envoyés proclamer au monde la Bonne Nouvelle. Par notre baptême, nous sommes
faits fils de Dieu ; par notre baptême, nous sommes chargés de dire par
toute notre vie cette Bonne Nouvelle qui nous a tourné vers le Christ. Nous
devenons les porte-parole de Dieu parce qu’il
nous a prédestinés à être, pour lui, des fils adoptifs par Jésus le Christ.
Les ministres ordonnés le sont d’une manière particulière, certes ; mais
tous, nous avons mission de les aider et de dire à ceux que nous rencontrons
que Dieu les aime, qu’il les veut libres et heureux et qu’il est LE chemin de
salut et de libération. Par notre baptême, nous participons tous à la mission
prophétique du Christ. Chaque baptisé est envoyé lutter contre les forces du
mal ; chaque baptisé est appelé à faire de sa vie un chemin de sainteté
quotidien. C’est en devenant saints dans l’ordinaire de notre vie que nous
gagnerons nos frères et sœurs à la foi au Christ ; c’est en devenant
toujours plus saints comme Dieu est saint que nous construirons le Royaume de Dieu,
dès ici-bas.
Dans sa très
belle exhortation Gaudete et exsultate, publiée
au mois de mars dernier, le pape François nous invite à rester fidèles à notre
baptême, premier jour de notre engagement à la sainteté. En renonçant au Mal,
en proclamant notre foi, nous avons fait le choix de Dieu, le choix du Christ,
le choix des frères. Plongés dans la mort de Jésus, saisis par son Esprit, nous
marchons à sa suite et faisons nôtre l’Evangile du Salut. A la suite d’Amos, à
la suite de Jésus et de ses disciples, devenons ces annonceurs d’un monde plus
grand et plus humain, parce que plus saint. Amen.
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