Qu’y a-t-il de
commun entre Ezéchiel, Jésus et Paul de Tarse ? Ils vivent à des époques
différentes, ne se sont jamais rencontrés, et pourtant, ils partagent la même
réalité : à un moment ou à un autre de leur mission, bien qu’envoyés par
Dieu, ils ont échoué. Les hommes ne les ont pas suivis ; les hommes ne les
ont pas écoutés. Il serait alors facile d’accuser les autres, ceux qui n’ont
pas voulu écouter. Pour Ezéchiel, accuser le peuple, sourd à toute parole
venant de Dieu ; pour Jésus, accuser ceux de son village qui ne
l’accueillent pas comme il se doit ; pour Paul, accuser les chrétiens de
Corinthe qui contestent son autorité. Nous pourrions le faire, mais cela nous
amènerait quoi, à nous qui écoutons ces textes des siècles plus tard ? Et
pourquoi la liturgie nous fait-elle lire ces récits d’échecs ?
La réponse se
trouve dans la deuxième lecture. C’est le Christ qui parle à Paul : Ma grâce te suffit, car ma puissance donne
toute sa mesure dans la faiblesse. Paul nous invite ainsi à nous tourner
d’abord vers le Crucifié, signe suprême de la faiblesse humaine. Là sur la
croix, il ne peut plus rien ! Et pourtant, c’est bien là, sur la croix,
que Dieu va manifester sa puissance. Il se sert de cet échec apparent pour
faire triompher la vérité. Celui qui est crucifié, exposé aux moqueries,
celui-là est plus puissant que la mort même. Le Dieu auquel nous croyons n’est
pas le Dieu des forts et des puissants, il est le Dieu des humbles, le Dieu
chanté par Marie dans le Magnificat ; il est le Dieu qui prend en pitié
l’humanité pécheresse pour lui faire découvrir son amour, son pardon et la
puissance de sa bonté.
Ma grâce te suffit ! Voilà qui vaut
encore pour nous aujourd’hui. C’est une invitation à découvrir que le salut est
un don qui nous est fait et non le résultat de nos vertus, de nos efforts, de
nos prières. Si la grâce de Dieu suffit, si le salut est offert, alors il nous
faut accueillir cette grâce, nous ouvrir au don du salut. Il n’y a pas
d’orgueil à en tirer. Accueillir la grâce, s’ouvrir au salut, c’est reconnaître
que j’ai besoin d’être sauvé ! Reconnaître que, sans l’aide de Dieu, je
suis faible, démuni. C’est reconnaître, comme Paul, notre faiblesse. Accueillir
le salut, accueillir la grâce de Dieu, c’est accepter de n’être pas parfait et
d’avoir besoin de Dieu : une attitude à mille lieux de ce que prône notre
société moderne.
Ma grâce te suffit ! Dans sa grande
bonté, Dieu a disposé dans son Eglise les sacrements qui la font vivre et
progresser dans la connaissance de Dieu. Le sacrement qui dit le mieux la
nécessité pour l’homme d’accueillir la grâce de Dieu, est certainement le
sacrement de la réconciliation. N’est-ce pas dans la confession que je
reconnais le mieux mes limites, mes travers, mes manques ? N’est-ce pas dans
la confession que je reconnais ce que Dieu fait pour moi, jour après
jour ? N’est-ce pas dans la confession que je m’ouvre le mieux à cette
grâce qui vient me remplir de Dieu pour laver en moi ce qui était souillé par
le péché et rétablir en moi l’image et la ressemblance de Dieu que le péché
avait obscurci ? La grâce de Dieu, c’est bien de nous aimer encore alors
que, sans cesse, nous nous éloignons de lui ! La grâce de Dieu, c’est bien
de nous aimer à cause de notre péché. Parce que, sans lui, nous risquons de
nous soumettre aux forces du Mal qui nous traversent, Dieu vient nous dire son
amour au cœur même de notre détresse, au cœur même de nos faiblesses, pour que,
même là, sa puissance puisse agir en nous.
Ma grâce te suffit ! C’est aussi
cette parole que nous devons garder à l’esprit lorsque les difficultés de la
vie semblent s’acharner sur nous. Aucune épreuve ne peut nous écraser si nous
la vivons avec Dieu ! Sa grâce, c’est justement de veiller sur nous en
tout temps : si nous affrontons nos épreuves avec lui, nous trouverons en
lui notre victoire puisque, en Jésus, mort et ressuscité, Dieu a vaincu tous
les obstacles qui nous tenaient éloignés de lui. Même notre mort n’est plus un
obstacle à la rencontre avec Dieu si nous la vivons dans la foi au Christ
crucifié et ressuscité. Rien ne peut plus nous séparer de l’amour de Dieu qui
est en Jésus.
Ma grâce te suffit ! En ces temps
difficiles où nous sommes, il nous est bon d’entendre Dieu nous dire qu’il est
ainsi toujours avec nous. Nous n’avons pas à craindre nos échecs, ni les
difficultés de la vie, mais à redécouvrir, à l’école de Paul, que notre force
est en Dieu. Comme lui, nous pouvons reconnaître que c’est lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort !
Amen.
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