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Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







dimanche 26 août 2018

21ème dimanche ordinaire B - 26 août 2018

Plutôt mourir que d'abandonner le Seigneur ?





            Nous terminons aujourd’hui la méditation du chapitre six de l’Evangile selon saint Jean avec cette profession de foi de Pierre : Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu. Pourtant, cette finale ne doit pas nous cacher les difficultés rencontrées.

            Depuis quelques temps, nous avions souligné d’abord l’incompréhension grandissante, puis l’opposition naissante face au discours de Jésus. Cette incompréhension et cette opposition atteignent aujourd’hui leur paroxysme avec le départ de nombreux disciples. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de membres du groupe des Douze, choisis Jésus. Il s’agit bien de la désaffection de ceux qui, ayant vu Jésus poser des signes ou ayant entendu son enseignement, l’avaient un temps suivi. Mais là, pour eux, le dernier enseignement de Jésus, c’était trop ! Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? La réaction ne tarde pas : à partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner. Sans même chercher à comprendre, sans même laisser à Jésus une seconde chance, certains quittent le navire. C’est assez moderne comme comportement : observez aujourd’hui toutes les stars des réseaux sociaux. Tant qu’elles font le buzz, on les suit ; un mauvais tweet, une réaction pas à la hauteur des followers, et tout s’écroule. Le peuple brûle aujourd’hui ceux qu’ils adoraient hier. 

            Mais revenons à Jésus, à son enseignement, et à nous face à Jésus, parce que c’est bien cela qui est en cause. Voulez-vous partir, vous aussi ? La question de Jésus vaut pour nous, et notre réponse est attendue. Alors prenons le temps de la réflexion : n’avons-nous pas déjà abandonné ? Plus fondamentalement, se pose la question de notre rapport à Jésus et à son enseignement. Sommes-nous radicales comme ces disciples qui s’en vont : dès que cela ne plaît plus, nous tournons les talons et adieu la compagnie ? Sommes-nous pragmatiques, et choisissons-nous ce qui nous plaît, ignorant au passage ce qui pique, ce qui nous dérange, ce qui invite au changement ? Un peu de spiritualité ne peut pas faire de mal, mais point trop n’en faut ? Ou sommes-nous capables de cette fidélité des Douze qui, dans l’adversité, se recentrent et se resserrent autour de Jésus ?

Seigneur, à qui irions-nous ? J’entends, dans cette question de Pierre, à la fois le désarroi de Pierre et en même temps sa pleine confiance. C’est comme si, parlant plus vite qu’il ne réfléchit – ce qui, en passant, est la marque de fabrique de Pierre – il s’interrogeait sur lui-même (si tu n’es pas celui que je crois que tu es, aurai-je perdu du temps à te suivre ? Puis-je simplement revenir à ma vie d’avant ?) tout en s’extasiant sur Jésus : Tu as les paroles de la vie éternelle, autrement dit : je n’ai pas perdu mon temps à t’écouter, quelque chose a bougé en moi et j’ai besoin de te suivre encore même si je ne comprends pas tout, même si je n’accepte pas tout. La réponse n’est pas dans l’abandon et la fuite, mais dans le fait de demeurer auprès de toi et de te suivre encore, toujours. Je sais, sans pouvoir me l’expliquer, que je ne me suis pas trompé en te suivant, et que tu ne m’as pas trompé en m’enseignant. Pierre se rend compte qu’il n’y a rien d’autre que Jésus qui vaille la peine. Et même si certains sont déçus, et même si certains sont choqués, lui restera fidèle, lui reconnaît que sa vie, et la vie de ses compagnons, n’a de sens qu’auprès de Jésus. Il sait ce qu’il a vu et entendu et il choisit de suivre encore, de faire confiance encore à Jésus d’abord. Tout ce qu’il a vu faire par Jésus, tout ce qu’il a entendu dire par Jésus a plus de poids que ces interrogations et peut-être ses doutes. C’est cela avoir foi en quelqu’un ! 

Nous pouvons réentendre alors et comprendre mieux la réponse du peuple à Josué, qui l’interrogeait : Plutôt mourir que d’abandonner le Seigneur pour servir d’autres dieux ! Rien ne vaut face à la tendresse de Dieu ! Rien ne vaut face à la miséricorde de Dieu ! Rien ne vaut face à la puissance de Dieu ! Rien ne vaut face à l’amour de Dieu ! C’est le Seigneur notre Dieu qui nous a fait monter, nous et nos pères, du pays d’Egypte, cette maison d’esclavage ; c’est lui qui, sous nos yeux, a accompli tous ces signes et nous a protégés tout le long du chemin que nous avons parcouru… Nous aussi, nous voulons servir le Seigneur, car c’est lui notre Dieu. Oubliées les épreuves traversées ; oubliées les révoltes maintes fois commencées ; oubliée l’odeur des marmites d’Egypte ; ne seule chose compte : la foi au Dieu d’Israël, l’attachement à celui qui vraiment nous rend libres même si quelquefois nous l’oublions, même si quelquefois nous préférons d’autres dieux. Un seul vaut qu’on le suive : celui qui a tout fait pour nous, celui qui sans cesse nous ouvre à la vie. 

A la fin de notre parcours avec saint Jean, prenons le temps de cette eucharistie pour mesurer les merveilles que Dieu fait pour nous en Jésus Christ. Et si nous avions quelques doutes encore, en rentrant, prenons notre missel et relisons simplement l’une ou l’autre préface : chacune chante, à sa manière, tout ce que Dieu fait pour nous par son Fils Jésus. Et après cela, reprenons la question de Jésus : veux-tu partir, toi aussi ? Qui, mieux que lui, peut remplir et combler notre vie ? Qui, mieux que lui, peut nous mener à la vie véritable ? Amen.

 

 

samedi 18 août 2018

20ème dimanche ordinaire B - 19 août 2018

Quand Jésus parle du don de sa vie…






            S’ils avaient su jusqu’où Jésus les emmèneraient dans la réflexion, je doute qu’ils eussent pris le risque de courir après lui pour lui redemander du pain, vous savez, juste après la multiplication des pains sur le bord du lac de Tibériade. Cela fait quelques semaines maintenant que nous assistons à l’enseignement de Jésus sur le pain de vie. Et plus le temps passe, plus l’incompréhension s’installe et plus l’opposition grandit. Nous avons entendu le reproche du jour : Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? Dimanche dernier déjà, nous avions constaté une impossibilité pour les gens de comprendre Jésus : elle reposait sur le fait que ses adversaires pensaient connaître Jésus. Ce dimanche, nous découvrons une deuxième impossibilité fondamentale : elle repose sur le fait que ce discours de Jésus est tenu avant sa mort et sa résurrection. Or, il fait tout entier référence à l’événement de Pâques, c’est-à-dire à sa mort et à sa résurrection. Comment ceux qui s’affrontent avec Jésus pourraient-ils comprendre un argumentaire qui concerne quelque chose qui n’a pas encore eu lieu ? 

            Ecoutons à nouveau l’affirmation de Jésus au début de notre page d’évangile : le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. Notez bien le futur : que je donnerai et non que je donne maintenant ! Comme le souligne le pape Benoît XVI dans son livre Jésus de Nazareth, je le cite : Au-delà de l’acte de l’incarnation, ce mot suggère son but profond et sa dernière réalisation : le fait que Jésus se donne jusque dans la mort et dans le mystère de la Croix. Cela se manifeste encore plus clairement dans le verset 53 où le Seigneur précise qu’il nous donne son sang à « boire ». Ce mot nous renvoie clairement à l’Eucharistie, mais ici apparaît surtout le sacrifice qui la fonde, le sacrifice de Jésus. Pour nous, Jésus verse son sang ; sortant pour ainsi dire de lui-même, il « s’écoule », il se donne à nous. C’est donc bien à la lumière de Pâques que nous devons et pouvons comprendre ce long discours qui nous occupe depuis plusieurs dimanches. Il s’agit d’accepter que la mort de Jésus sur la Croix ne soit pas un accident de l’Histoire, mais bien un acte voulu et assumé par Jésus pour que les hommes aient la vie ; pour que tous les hommes aient la vie, et pas seulement ceux qui ont vécu à l’époque de Jésus. Il s’agit d’accepter que ce sacrifice, réalisé une fois pour toute à Jérusalem, quand Ponce Pilate était gouverneur de Judée, est actualisé, rendu contemporain des hommes et des femmes qui célèbrent l’Eucharistie. Ce sacrifice de Jésus nous est rendu contemporain ce matin, et le pain consacré, auquel nous communierons dans un instant, est bien le Corps du Christ livré, vrai pain descendu du ciel et offert pour notre salut. 

            Lorsque nous parlons de l’Eucharistie, lorsque nous vivons une Eucharistie, il nous faut alors admettre que ce sacrement est à la fois le mémorial du dernier repas de Jésus et le mémorial du sacrifice de Jésus sur la Croix. L’autel est à la fois la table autour de laquelle Dieu rassemble son peuple et l’autel du sacrifice sur lequel son Fils s’offre en victime pour notre salut. Le pain et le vin consacrés sont l’aliment donné par Dieu en nourriture, et le Corps livré et le Sang versé de son Fils sur la Croix. Lorsque nous venons célébrer l’Eucharistie, nous ne nous rassemblons pas pour le repas hebdomadaire du club des amis de Jésus : nous venons communier à la vie de Jésus pour qu’elle fasse grandir la nôtre et la mène à son achèvement. Nous ne venons pas ici parce que nous avons vu de la lumière ; nous ne venons pas ici parce que nous n’avions rien de mieux à faire ce matin. Nous venons ici, semaine après semaine, à la rencontre du Christ qui se livre à nous à la table de la Parole et à la table de l’Eucharistie. Il se donne tout entier à nous pour que nous soyons tout entier à lui. La préface que nous entendrons tout à l’heure, celle du Jeudi Saint, résume admirablement les choses : C’est lui [Jésus] le prêtre éternel et véritable, qui apprit à ses disciples comment perpétuer son sacrifice ; il s’est offert à toi en victime pour notre salut ; il nous a prescrit d’accomplir après lui cette offrande pour célébrer son mémorial. Quand nous mangeons sa chair immolée pour nous, nous sommes fortifiés ; quand nous buvons son sang versé pour nous, nous sommes purifiés. A la question posée par la foule : Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ?, il nous faut désormais répondre : en se livrant totalement à nous sur la Croix et en nous offrant le sacrement de l’Eucharistie en mémorial de son sacrifice. Ici, chaque dimanche, tout est dit ; ici, chaque dimanche, tout est donné ; ici, chaque dimanche, nous puisons la force et la vie nécessaire pour la semaine à venir, car Jésus est notre force et notre vie, et il s’offre toujours encore à nous. Nous ne manquerons jamais de cet aliment du Salut parce que nous ne manquerons jamais de la présence du Christ, mort et ressuscité pour notre vie. 

            Ayant entendu tout cela, ayons ainsi une plus grande conscience de ce qui se joue chaque dimanche. Ayons de plus en plus conscience de l’importance de notre présence au rassemblement hebdomadaire des chrétiens. Certes, nous pouvons penser à Jésus et prier Jésus ailleurs que dans l’eucharistie. Mais ce n’est qu’au cours de l’Eucharistie que je peux réellement communier à sa vie, comprendre sa Parole et recevoir de lui le Pain vivant descendu du ciel. Il n’y a que là, au cœur du sacrement de l’Eucharistie, que la totalité du Christ nous est donnée ; il n’y a que là que sa vie peut jaillir en nous en source vivifiante. Accueillons ce don avec reconnaissance en y participant autant que faire se peut. Amen.

 (Dessin de M. Leiterer)

 

samedi 11 août 2018

19ème dimanche ordinaire B - 12 août 2018

Jésus, le pain vivant : un don de Dieu à accueillir.







            Tout avait pourtant bien commencé ! Souvenez-vous : c’était au bord du lac de Tibériade, la foule qui suivait Jésus était affamée et pourtant, parce que quelqu’un avait pensé à apporter un peu de pain et des poissons, parce qu’il avait accepté de ne pas les garder pour lui, et parce que Jésus était là, chacun a pu manger à sa faim, et il en restait encore de quoi remplir douze paniers. Tout le monde avait mangé ; tout le monde était content au point d’en vouloir encore de ce pain. Alors, quand Jésus se lance dans ce grand discours sur le pain de vie, les choses commencent à déraper. Personne ne le comprend plus !

            Il faut dire qu’il y a une impossibilité de comprendre au départ. En effet, la foule pense connaître Jésus. Celui-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors comment peut-il nous dire maintenant : « Je suis descendu du ciel » ? Forcément, si c’est le voisin de votre quartier qui demain matin va vous dire : Je suis descendu du ciel, reconnaissez que vous aurez aussi un peu de mal à le croire ! Et peut-être même ferez-vous venir un médecin pour une hospitalisation forcée s’il se faisait insistant ! Ne leur en voulons donc pas, à ces braves gens de Galilée et des environs, de ne rien comprendre aux paroles de Jésus. Je ne suis pas sûr que nous comprenions mieux d’ailleurs ! Y a-t-il seulement moyen de comprendre ce qu’il nous dit ?

            Jésus lui-même répond : Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. Il faut donc aller au-delà de la rencontre purement humaine pour connaître et comprendre Jésus. Il faut l’accueillir comme un don fait par Dieu aux hommes. Sinon, nous dirons comme les contemporains de Jésus : celui-là on le connaît ; d’où lui vient qu’il nous fait la leçon ? Nous ne connaitrons pas Jésus réellement si nous n’acceptons pas qu’il est le cadeau de Dieu aux hommes, qu’il est Dieu, né de Dieu, comme l’affirme un de nos symboles de foi. Tout ce discours sur le pain de vie n’est que du vent sans la foi en Dieu qui nous donne Jésus pour nous sauver. La première chose à faire pour aborder ces paroles de Jésus, c’est donc de croire ! Croire en Dieu et croire en celui qu’il a envoyé. D’ailleurs, sans la foi, comment accepter que quelqu’un donne sa vie pour tous les autres ? Sans la foi, comment accepter que le salut ne soit pas de mon fait, de mes forces, mais que le salut vienne de Dieu seul ? Je sais bien que l’homme moderne préfère concevoir sa vie sans Dieu, se sentant assez fort pour se sauver lui-même. Mais où cela nous mène-t-il ? Malgré toute la technologie qu’il développe, l’homme n’est pas capable de sauver l’homme. Il n’est même pas capable d’éradiquer la misère malgré toutes les richesses qu’il produit. 

            Réentendons alors Jésus nous dire : Moi je suis le pain vivant qui est descendu du ciel ; si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Jésus nous redit qu’il est le seul à pouvoir nous sauver ; Jésus nous redit qu’il est le seul à nous ouvrir la vie véritable. Sans Jésus, rien d’éternel n’est possible pour l’homme. Sans Jésus, la vie de l’homme n’a pas pris toute sa dimension. Sans Jésus, les faims qui assaillent l’homme ne sont pas, et ne seront jamais, vraiment rassasiées. Il est le pain de Dieu offert aux hommes, le seul pain véritable qui comble toutes nos faims. Il ne vient pas combler nos faims matérielles ; il ne vient pas nous apporter un bien-être passager. Il vient nous sauver en faisant de la volonté de Dieu notre nourriture. Benoît XVI, dans son livre Jésus de Nazareth, précise : Dans la rencontre avec Jésus, nous nous nourrissons pour ainsi dire du Dieu vivant lui-même, nous mangeons vraiment le pain venu du ciel. En conséquence, Jésus avait d’emblée clarifié que la seule œuvre que Dieu demande consiste à croire en lui (Evangile de dimanche dernier). C’est pour cela que Benoît insiste : Nous devons accepter le don, et nous devons entrer dans la dynamique de ce qui nous est donné. Cela se fait dans la foi en Jésus, qui est dialogue, relation vivante avec le Père, et qui veut redevenir en nous parole et amour. 

            Nous comprenons alors pour quoi Paul invite les chrétiens à vivre dans l’amour, comme le Christ nous a aimés et s’est livré pour nous. Puisque par notre communion eucharistique nous accueillons en nous l’amour du Christ qui s’est livré, nous devons répandre cet amour par notre manière de vivre. Nous ne pouvons pas faire comme si notre communion ne changeait rien. Nous ne pouvons pas faire comme si ce pain rompu et partagé n’était qu’un morceau de pain. Il est le pain véritable, Jésus Christ, venu dans le monde pour le salut de tous les hommes. Si nous l’accueillons en notre vie par la communion, nous devons le rendre au monde par notre art de vivre. Générosité, tendresse, pardon mutuel : voici les signes donnés au monde de notre appartenance au Christ ; voici les signes du salut à l’œuvre ; voici les signes de la présence réelle du Christ au monde de notre temps ; voici les signes que ce pain, rompu et partagé, est vraiment le pain de Dieu qui comble toutes nos faims ; voici les signes qu’un monde nouveau est possible parce que marqué du sceau de l’Esprit Saint et rassasié du pain vivant qui est descendu du ciel. 

            Le discours sur le pain de vie se poursuit encore sur deux dimanches. Nous aurons encore le temps d’approfondir ce que nous dit Jésus. Pour aujourd’hui, retenons que c’est notre foi qu’il nous faut examiner et approfondir pour reconnaître dans le pain partagé la vie donnée du Christ qui nous sauve. Acceptons ce don pour n’en manquer jamais. Amen.

 

samedi 4 août 2018

18ème dimanche ordinaire B - 05 août 2018

Mann hou ? Qu'est-ce que c'est ?






            Nous avions laissé      Jésus, ses disciples et la foule sur une des rives du lac de Tibériade, rassasiés du pain que Jésus venait de partager entre tous. Jésus s’était retiré dans la montagne, sachant qu’ils allaient l’enlever pour faire de lui leur roi. Nous les retrouvons tous sur l’autre rive, Jésus et la foule poursuivant leur jeu de : vous me cherchez là, je n’y suis déjà plus. Il a bien raison de se méfier de cette foule qui court après lui pour de mauvaises raisons. Ce n’est pas le fils de Dieu qu’elle cherche, mais celui qui lui a donné du pain. En ce sens, elle est bien de son époque, cette foule, qui d’ordinaire vit sous domination romaine, cette société même qui promettait du pain et des jeux en échange de sa tranquillité. Elle est bien de ce monde, tout en étant très proche de ces ancêtres, prompts à se révolter pour un morceau de pain. 

            C’est ce que nous raconte la première lecture entendue. Le peuple que Moïse vient de sortir d’Egypte, le libérant de la main puissante de Pharaon, vient récriminer contre lui et contre son frère Aaron. Cela fait un mois et demi qu’ils ont franchi la mer Rouge et déjà, ils regrettent l’Egypte. Ecoutez-les se plaindre :  Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d’Egypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! L’odeur des marmites est plus longue à oublier que les coups des gardes chiourmes et les travaux forcés. Apparemment ce peuple préfère avoir le ventre plein en étant esclave, qu’être libre et connaître la faim. Le pire dans l’histoire, c’est qu’ils en viennent à accuser le libérateur de les avoir menés au désert pour les y faire périr ! Le Dieu qui a suscité Moïse, le Dieu qui s’est engagé personnellement pour leur libération, n’aurait d’autre dessein que de les faire disparaître ! Peut-on être à ce point de mauvaise foi ? Peut-on à ce point si vite oublier l’engagement de Dieu en faveur de la vie de ce peuple ? Une difficulté passagère, et revient en mémoire le temps où l’on mangeait à sa faim, asservi par un peuple étranger. Il a la mémoire sélective, ce peuple : il a déjà oublié sa récrimination précédente, trois jours après le franchissement de la mer Rouge quand il manquait d’eau ; il a déjà oublié que Dieu était intervenu alors, rendant potable l’eau de Mara avant de le conduire à Elim où coulait douze sources d’eau. Si Dieu avait voulu faire mourir son peuple, il en avait déjà eu l’occasion. La patience de Moïse et la patience de Dieu sont mises à rudes épreuves. Mais ni l’un, ni l’autre ne se découragent. Quand le peuple récrimine, Moïse se tourne vers Dieu et Dieu répond. A manger, il y aura des cailles et le pain venu du ciel. Ce pain sera quotidien, donné chaque matin, double ration le sixième jour en prévision du septième jour, sabbat en l’honneur du Seigneur. A ceux qui doutent, il est rappelé que Dieu veille sur le peuple qu’il se donne ; il est Dieu de la vie. 

            La foule rassasiée par Jésus ne tarde pas à faire le lien entre le pain multiplié qu’elle a reçue et la manne, pain venu du ciel, donné par Dieu au désert. Mais Jésus élargit le regard de la foule. Au-delà du pain reçu, il les invite à découvrir une autre nourriture, la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle. A nouveau, comme jadis au désert, la foule peut interroger : Mann hou ? Qu’est-ce que c’est cette nourriture ? La réponse de Jésus jaillit, lumineuse : le pain de Dieu, c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. Et à la foule qui insiste, cette dernière réponse : Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n’aura jamais faim ; celui qui croit en moi n’aura jamais soif. Pas sûr qu’ils aient bien compris. Pas sûr que nous comprenions toujours bien ce que Jésus nous dit ici. Toujours est-il qu’il se présente bien comme la source de la vie véritable, celui vers qui il nous faut aller. Comme les pères au désert, nous devons apprendre la foi, la confiance absolue en Dieu qui nous aime et qui veille sur nous. Comme la foule autour de Jésus, nous devons élargir notre regard et découvrir que la vraie faim dont nous devons être rassasiés, c’est la faim de Dieu, et que Jésus est celui qui nous rassasie. La faim, la soif, les petits soucis que nous pouvons rencontrer durant notre vie doivent nous apprendre à voir au-delà de ces réalités terrestres les réalités éternelles. Elles seules doivent occuper notre esprit. C’est ce à quoi nous invite Paul quand il nous dit : Laissez-vous renouveler par la transformation spirituelle de votre pensée. Revêtez-vous de l’homme nouveau. Le nécessaire, c’est peut-être de manger ; mais l’urgent, c’est d’être au Christ qui nous donne tout, et de vivre selon son enseignement ! 

            Mann hou ? Qu’est-ce que c’est ? interrogeait jadis le peuple, découvrant la manne recouvrant le campement. Mann hou ? Qu’est-ce que c’est ? Nous pouvons pareillement nous interroger sur cette qualité de disciple que nous devons approfondir pour ne pas être accablés par la faim spirituelle qui dévaste notre époque. Que la célébration de cette eucharistie nous fasse entrer toujours plus dans la compréhension de notre foi et la découverte de ce que Dieu attend de nous ; que le pain partagé nous donne la force de l’accomplir et nous ouvre au salut éternel. Amen.

 
(Dessin de M. Leiterer, La manne ramassée)