Et
toi, qu’en dis-tu ? Cinq mots pour provoquer Jésus à se prononcer sur la
Loi et sur Dieu. Cinq mots qui peuvent
aboutir à la condamnation d’une femme à la lapidation, uniquement pour piéger
Jésus ! Il faut vraiment que la haine à l’égard de Jésus soit grande pour
que des hommes en arrivent à de telles extrémités. Une vie pour en piéger et en
abattre une autre ! Ne nous y trompons pas : c’est bien de cela qu’il
s’agit : à quoi l’homme est-il prêt pour en discréditer ou en abattre un
autre ? Heureusement que celui à qui s’adresse cette question n’est pas
seulement homme : il est de Dieu, vient de Dieu et son seul souci est de
parler juste de Dieu, de parler juste au nom de Dieu.
C’est bien cette connaissance fine de Dieu
et de l’homme que possède Jésus qui va sauver cette femme. En premier lieu, il
refuse d’entrer dans la polémique avec les pharisiens. Son souci ne semble pas
d’abord de prendre la défense de la femme – cela lui serait facile, la Loi
disant que les deux adultères doivent être lapidés : personne ne
commet un adultère tout seul ! Or où est l’homme ? – Non, son premier
souci me semble être la défense de Dieu, l’interprétation juste de la Loi de
Dieu. Il ne condamne ni la femme à cause de son péché, ni les pharisiens à
cause de leur mauvaise foi. Et s’il ne prononce pas une seule fois le nom de
Dieu, toute son attitude pourtant ne parle que de lui. A la question des
pharisiens, il répond par une attitude surprenante : il se baisse (il s’abaisse)
et dessine sur le sol. Comme pour dire : cette affaire ne concerne pas Dieu,
c’est pourquoi je me mets à la hauteur d’un homme. Mais puisqu’une réponse est
attendue, Jésus se redresse, se met à la hauteur de Dieu, à la hauteur du
Ressuscité pour annoncer, de manière surprenante son jugement : Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il
soit le premier à lui jeter une pierre ! C’est une affaire humaine qui
se doit d’être réglée par les humains ; mais puisque vous voulez que Dieu s’en
mêle, que ceux qui sont « purs de tout péché » se chargent d’appliquer
la sentence. Eux seuls pourraient juger la femme. Qui, ayant péché lui-même,
pourrait condamner cette femme sans se condamner lui-même ? Jésus semble
dire aux hommes que ce qui est grave, ce n’est pas l’espèce de péché commis
ici ; ce qui est grave, c’est le péché, quel qu’il soit. Celui qui a
commis, ne serait-ce qu’une petite entrave à la Loi, s’est disqualifié lui-même
pour juger cette femme. D’ailleurs, personne ne s’y trompe puisqu’ils s’en vont
tous, les uns après les autres, les plus âgés en premier ! Devant Dieu, il
n’y a pas de petits péchés et de grands péchés ; il n’y a pas de péché
mignon : il n’y a que le péché, dans toute sa laideur, qui nous
éloigne de Dieu. Dieu ne s’intéresse pas à nos péchés ; mais il s’intéresse
à notre désir de le rencontrer, lui. La parabole du fils prodigue que nous
avons entendu dimanche dernier nous le redisait déjà. Et voilà Jésus, seul avec
la femme. Il n’a pas eu besoin de renvoyer ses détracteurs, ils se sont
renvoyés eux-mêmes. Il ne va pas condamner la femme, mais la renvoyer dans sa
vie de femme avec cette seule demande : Va, et désormais ne pèche plus ! Ce que Jésus condamne, c’est
le péché et non ceux qui commettent le péché. Il nous redit ainsi qu’il est
bien celui qui vient nous rendre notre liberté : Va ! Ne s’intéressant qu’à l’humanité, ne posant sur elle que
le regard de Dieu lui-même, il peut nous détacher de notre péché et nous
permettre de repartir dans la vie, libres de toute attache au Mal.
En agissant ainsi, Jésus ne fait
qu’accomplir de manière parfaite la Loi au nom de laquelle les autres voulaient
condamner cette femme. Relisez Isaïe ! Après l’exil qu’Israël avait
interprété comme un châtiment envoyé par Dieu à cause des infidélités du
peuple, Dieu lui-même invite les hommes à ne plus se souvenir du passé. Non pas
à ne plus se souvenir de ce que l’amour de Dieu a réalisé pour eux (ce peuple que je me suis façonné redira ma
louange), mais à ne plus se souvenir du péché qui les a éloignés de Dieu.
Ne regardez pas sans cesse en arrière ; voici que je fais une chose nouvelle, ce que l’ancienne traduction
liturgique rendait ainsi : voici que
je fais un monde nouveau, un monde dans lequel il ne se fera plus rien de
mal, un monde dans lequel toute la création chantera la louange de Dieu (même les chacals). N’est-ce pas ce monde nouveau que Jésus est venu inaugurer ? En
renvoyant cette femme dans une vie libérée du péché, libérée du jugement des
autres, ne la fait-il pas entrer déjà dans cette nouveauté ?
L’appel de Paul dans la seconde lecture
nous ouvre aussi à cette chose nouvelle
que Dieu crée pour nous. En connaissant toujours mieux le Christ, oubliant ce qui est en arrière (c'est-à-dire
notre vie soumise au péché), et lancé
vers l’avant (c'est-à-dire vers cette
chose nouvelle que Dieu fait pour nous), nous pouvons courir vers le but en vue du
prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus : une vie
nouvelle, libre du péché, la vie même de Dieu, la sainteté retrouvée. L’énergie
nécessaire pour tenir la distance dans cette course de fond nous vient du Christ,
d’une connaissance (c'est-à-dire d’une intimité) toujours plus grande avec lui.
Plus nous nous attacherons au Christ, plus nous nous éloignerons du péché,
parce que la puissance du Christ agira en nous. Puisqu’il s’est relevé d’entre
les morts, il nous libèrera de toutes les puissances de mort. C’est avec lui
que nous courrons l’épreuve jusqu’au bout ; c’est avec lui que nous
vaincrons.
Le temps du Carême est ce temps où nous
est donnée la grâce d’une plus grande connaissance du Christ ; c’est aussi
le temps où nous est proposée la grâce du sacrement qui nous libère du péché et
de la mort. N’hésitons pas à nous en approcher ; n’hésitons pas à laisser
Dieu jeter un regard d’amour sur notre passé pour nous tirer vers notre avenir.
Et nous aussi, nous ressusciterons avec le Christ. Amen.
(Tableau : La femme adultère, Lioba artisanat - www.lioba-artisanat.com)
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