Si la parabole de Jésus semble
simple, pleine d’images nous permettant de nous représenter la scène, elle n’en
semble pas moins compliqué quant au message qu’elle nous transmet. Nous pouvons,
à force de l’entendre trop vite, nous méprendre sur son sens et mal comprendre
sa pointe. Il nous faut donc la relire et écarter une à une les mauvaises
interprétations.
Commençons par dire que ce n’est pas
un évangile pour gilet jaune en mal de révolution, contemplant avec satisfaction
la déchéance de ce riche qui se retrouve tourmenté à jamais au séjour des
morts. Voyez-vous, ce riche n’est pas un méchant capitaliste libéral qui
volerait les pauvres. Il est juste un riche, aveuglé par sa richesse, qui ne
voit pas plus loin que son monde. Il n’est pas décrit comme mauvais ou méchant.
Il a plutôt de l’entre-gens puisqu’il peut donner des fêtes chaque jour. Non, le
message de la parabole n’est pas à chercher du côté de la lutte des classes qui
verra tous ces riches, trop riches pour les pas assez riches que nous sommes,
périr en enfer. Jésus n’appelle pas à la révolution contre eux ; il ne
justifie pas les manifestations qui détruisent tout sur leur passage au motif
que c’est le seul moyen devenu légitime pour se faire entendre.
Ce n’est pas non plus un évangile
pour français insoumis qui ne voit dans le religieux qu’une survivance du passé
dont il faut se débarrasser au motif que la religion endormirait les citoyens
et réduirait leur capacité à se révolter. Voyez Lazare ; il est resté là,
couvert de plaies, devant la maison de ce riche. Personne, pas même Dieu, n’est
intervenu en sa faveur. Il aura dû attendre sa mort pour trouver la récompense
et le réconfort dans le sein d’Abraham. Trop facile, diront-ils ! Pas
besoin de ces messages ; révoltons-nous, soyons des insoumis à Dieu et à
la société. Non, le message de la parabole n’est pas à chercher du côté de l’opium
des peuples. Jésus ne justifie pas ces discours lénifiants, maintenant les pauvres
dans leur pauvreté, leur promettant des lendemains qui chantent ; il ne
justifie pas les affirmations du style : sois pauvre et tais-toi ; un
jour tu seras riche !
Ce dont nous parle cette parabole, c’est
de nous, et de l’urgence que nous avons à devoir nous convertir. Elle nous
avertit que seule la Parole de Dieu, transmise par la Loi et les Prophètes,
nous sauve. Elle contient tout le nécessaire pour bien comprendre ce qui est
attendu de nous. Cette parabole nous avertit qu’aucun signe extraordinaire, pas
même un revenant d’entre les morts, ne saurait nous obliger à croire, à nous
convertir et à vivre selon l’Alliance de Dieu. Nous ne pouvons qu’en faire le
constat amer aujourd’hui. En Jésus, nous avons plus que la Loi et les Prophètes ;
nous avons cette Loi et ces Prophètes pleinement réalisés ; nous avons même
celui qui est revenu du séjour des morts. Et pourtant, notre monde ne tourne
pas plus rond ; et pourtant, notre monde n’en est pas plus humain. Des inégalités
terribles subsistent ; la terre elle-même est mise en danger par les
hommes, tous les hommes ! Par nous tous !
Au lieu de nous convertir, nous
sommes comme ce riche, ne voyant que nos intérêts, notre style de vie, refusant
de partager, refusant d’envisager une plus grande égalité entre tous. Les privilèges
d’autrefois sont devenus des avantages acquis dont personne ne veut se défaire
au profit d’un bien commun. Au lieu de nous convertir, nous nous révoltons,
détruisant un peu plus chaque fin de semaine le lien qui devrait nous unir. Au lieu
de nous convertir, nous nous opposons : les riches contre les pauvres, les
citadins contre les ruraux, le « peuple » contre « les élites ».
Nous ne voyons pas plus Lazare aujourd’hui que le riche ne le voyait hier.
Il y a urgence à nous convertir,
parce que quand la mort viendra, elle fera du définitif. Il sera trop tard. C’est
dès maintenant qu’il nous faut changer de vie et écouter ce que la Loi et les
Prophètes n’ont cessé de dire. C’est dès maintenant qu’il nous faut changer de
vie et mettre en œuvre l’enseignement du Christ qui, résumant la Loi et les Prophètes,
nous invite à aimer Dieu et les autres. Quand l’homme se convertit, l’amour devient
réalité et le bien commun peut enfin progresser. N’attendons ni révolution
sanglante, ni signe extraordinaire pour changer de vie. Mais vivons la
révolution de l’amour, qui ne détruit rien, mais construit tout. Là est le
salut ; là est la vie juste pour tous. Le Christ Jésus n’a cessé de nous
le dire. Ecoutons-le, enfin ! Amen.