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samedi 22 août 2020

21ème dimanche ordinaire A - 23 août 2020

 Quand Jésus confie à Pierre son Eglise.




Saint Pierre - église de Wolfisheim (67)




            Pierre a-t-il bien compris ce que signifie les paroles que Jésus lui adresse dans l’évangile entendu ce dimanche ? Et nous-mêmes, mesurons-nous la portée de ces paroles et de ce qu’elles signifient pour nous ? Ne croyons pas que, parce qu’elles sont adressées à Pierre seul, elles ne signifient rien pour nous. 

            Certains entendent dans ces paroles la source du pouvoir pontifical. Pierre est établi comme chef de l’Eglise. Il a tout pouvoir. Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu as délié sur la terre sera délié dans les cieux. Les esprits les plus critiques diront que là est la source de tous les maux, en particulier du mal du cléricalisme. Il est vrai que les petits chefs ne manquent pas dans l’Eglise, et ils ne sont pas tous uniquement dans les rangs du clergé. Est-ce ainsi qu’il faut entendre tout cet épisode ? Est-ce bien là ce que Jésus entendait faire ? Rien n’est moins sûr. D’ailleurs, cette affirmation de Jésus ne vient pas ainsi, comme tombée du ciel. Il y a quelque chose qui précède ; il y a une question préalable. Pour vous, qui suis-je ? On ne peut pas détacher les paroles de Jésus à Pierre de cette question de Jésus à tous et de la réponse que Pierre y apporte. Cela forme un tout indissociable qui nous dit quelque chose de Pierre et qui nous dit quelque chose de Jésus. 

            La question de Jésus vient après une série de signes qui disaient des choses de Jésus. Je vous invite à relire les évangiles des dimanches de ce temps de vacances pour les retrouver tous. Les plus récents sont la reconnaissance par Jésus de la foi d’une étrangère et la libération de sa fille d’un démon, Jésus qui marche sur l’eau, Jésus qui nourrit une grande foule avec presque rien, sans oublier son enseignement sur le Royaume des Cieux, justement, ceci pour ne prendre que les quatre dernières semaines. Il nous faudrait ici tout relire pour avoir la même expérience que Pierre au moment où Jésus pose la question de son identité. Ayant vu les signes posés par Jésus, ayant entendu Jésus prêcher, qu’en déduisent les Apôtres ? Qui est celui qui les a appelés ? Qui est celui qui les conduit ? Mesurons bien que la question n’est pas sans risque pour Jésus. Selon la réponse apportée, il pourrait bien se rendre compte que tout ce qu’il fait ne sert à rien parce que ce n’est pas reçu, pas compris par ses disciples. Pierre sauve les meubles avec sa belle profession de foi, mais si le Père ne lui avait pas révélé cela, qu’aurait-il dit ? Qu’aurions-nous dit à l’époque ? Si nous n’avions pas nos années de catéchèse, mais juste le vécu de Pierre et des autres disciples, aurions-nous répondu comme lui spontanément ? Jésus a pris le risque de la question qui tue. Pierre a pris le risque de la réponse qui tue. Ce que Pierre affirme, c’est ce que les ennemis de Jésus lui reprocheront au moment du procès. Nous apprenons de Pierre son attachement profond à Jésus et sa capacité à comprendre ce que Dieu dit aux hommes par ce Jésus. Il voit au-delà des signes ; il entend au-delà des mots. Et le fait qu’il soit inspiré par le Père n’enlève rien à son mérite : combien d’hommes et de femmes refusent d’écouter Dieu qui se révèle à eux ? Mais cela ne fait pas de lui non plus un super héros ; c’est le même Pierre qui, oubliant sa belle profession de foi, reniera Jésus, par trois fois, dans la cour du palais du Grand Prêtre. Il ne faut pas l’oublier au moment où nous entendons cet épisode précis où Jésus fait de Pierre la pierre sur laquelle sera bâtie l’Eglise de Jésus Christ. 

            Ceci nous amène alors à ce que nous apprenons de Jésus. Parce que si la réponse de Pierre peut sembler une fulgurance, l’attitude de Jésus n’en est pas moins surprenante. Il aurait pu se contenter de son mini-sondage sur sa cote de popularité. Mais il se sert de cette question et de la réponse apportée pour faire un pas de plus, complètement inattendu : il établit Pierre comme « gardien » de son Eglise : Je te donnerai les clés du royaume des Cieux. Et c’est cela qui me surprend le plus. Jésus fait confiance à Pierre au point de lui donner les clés de la maison. C’est Pierre qui ouvrira ou fermera la porte ! Vous rendez vous compte : c’est à un homme qu’il reviendra de décider qui il laissera entrer ; il a les clés ! Jésus, et l’on peut dire sans excès Dieu lui-même, fait confiance aux hommes ! En s’adressant à Pierre, il s’adresse à tous pour qu’ils fassent Eglise autour de lui. En faisant le choix de Pierre, il ne fait pas le choix du meilleur ; en appelant les hommes à faire Eglise, il ne choisit pas que les saints. Jésus fait confiance à des hommes faillibles pour construire son Eglise ; il fait le choix d’un homme faillible (Pierre) pour en faire le gardien des clés. Peut-être est-ce la meilleure des solutions pour que le royaume des Cieux se remplissent. En prenant un homme imparfait, un homme qui reniera, mais un homme qui fera aussi l’expérience de l’immense amour et de la miséricorde infinie de Dieu envers lui, en prenant un tel homme donc, peut-être que Jésus s’assure simplement que cette porte sera bien ouverte parce que le gardien des clés lui-même sera capable de la miséricorde et de l’amour dont Dieu a fait preuve envers lui. La suite de l’histoire donnera raison à Jésus : Pierre ne sera pas un douanier qui ferme les frontières, mais un passeur du Christ, un passeur de grâce. 

            N’est-ce pas le rôle de tout disciple ? N’est-ce pas notre rôle ? Nous n’avons pas les clés du royaume des cieux ; elles sont heureusement dans les mains de Pierre. Mais ne nous comportons-nous pas souvent comme des douaniers, fermant les portes à ceux qui ne correspondent pas exactement à notre vision du chrétien, notamment en matière de morale sexuelle ? De Pierre, apprenons à nous laisser guider par le Père. De Jésus, apprenons à nouveau la confiance qu’il nous fait pour être des passeurs de sa grâce à tous les hommes que Dieu aime. Amen.

 

 


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