Avec Marie, disons notre "Fiat" et notre "Magnificat".
En cette année si particulière, marquée par une crise sanitaire sans précédent qui n’en finit pas de durer, tous les grands pèlerinages sont suspendus par souci de l’autre, par crainte de la maladie. D’où cette opération « Lourdes en Alsace » que notre archevêque nous propose de vivre en ce quinze août, fête de l’Assomption de Notre Dame. A cette occasion, dans le souci d’une démarche réellement diocésaine, Mgr Christian Kratz, évêque auxiliaire, propose deux homélies au choix. Je vais vous en partager une, celle qui nous rappelle que Marie est la figure de tout croyant, appelé à dire à sa suite son « Fiat » et son « Magnificat ». Voici donc le texte de cette homélie.
« En cette fête de l’Assomption, notre regard et notre cœur se tournent vers Marie. Arrêtons-nous quelques instants auprès de celle qui a permis à Dieu d’habiter la terre des hommes. Elle est pour nous un repère, un modèle, un signe fort de ce que Dieu veut faire avec chacune et chacun d’entre nous. En effet, notre vocation chrétienne est fondamentalement mariale : il nous faut, comme elle, accueillir l’Esprit de Dieu pour qu’il féconde notre vie, pour que Dieu puisse prendre corps en nous, que nous puissions vivre de sa présence et le donner aux autres.
Pour être à la hauteur du projet de Dieu et prendre notre part à la mission de l’Eglise, trois conditions sont nécessaires, trois conditions que Marie a pleinement remplies.
Première condition : on ne peut donner que ce que l’on a ! Donc pour donner Dieu au monde, pour en témoigner, il faut en vivre passionnément. Marie était tout habitée de Dieu avant même l’Annonciation ; elle était une de ces pauvres de Dieu éternel et vrai que nous présente la Bible. Dès son plus jeune âge, elle a appris à connaître Dieu, à le fréquenter, à l’écouter, à lui parler. C’est à cela que nous aussi sommes appelés : considérer que Dieu est quelqu’un, un vivant qui se donne à nous pour que nous nous donnions à lui, un vivant qui veut nous faire vivre et nous communiquer son bonheur. Dieu n’est ni une théorie abstraite, ni un principe immuable, ni un code de morale, ni même une habitude. Dieu n’est pas obligatoire ! Dieu est vie ; Dieu est amour ; et le fréquenter, c’est aimer et c’est vivre ! Nombre de baptisés confirmés s’ennuient avec le Bon Dieu parce qu’ils n’ont pas compris que la foi est d’abord une histoire d’amour, une formidable histoire d’amour que Dieu ne cesse de tisser avec chacune et chacun d’entre nous, conjuguant sa grâce qui se donne et notre liberté qui accueille. Renouons avec un désir plus fort de fréquenter les Ecritures, de mieux connaître le Seigneur, de nous mettre un peu plus à son écoute et à son école.
Deuxième condition : Marie n’est pas une espèce de météorite qui serait tombée du ciel. C’est une fille d’Israël, membre d’un peuple qui a reçu la Révélation et qui est chargée d’être, au milieu des nations, le signe de la transcendance, de l’unicité et finalement de l’amour de Dieu. Marie, membre d’un peuple ! C’est de ce peuple qu’elle a tout reçu, et c’est à ce peuple qu’elle a tout donné. Oui, Marie est membre du peuple d’Israël et membre éminent du nouveau peuple de Dieu, du nouvel Israël qui a jailli, qui s’est constitué le jour de la Pentecôte ; c’est pour cela que nous vénérons Marie comme Mère de l’Eglise, Mère de ce peuple en marche vers l’accomplissement de son espérance. Cela veut dire qu’il n’y a pas de foi qui ne soit fondamentalement ecclésiale. La foi des chrétiens est ecclésiale ou elle est bancale. C’est parce qu’elle était membre d’un peuple que Marie a pu remplir sa mission et qu’elle a pu répondre « fiat » et « magnificat » à l’Annonciation.
Nous aussi, nous sommes membres d’une communauté, d’une Eglise, d’une paroisse. Je sais bien que parfois, c’est un peu lourd à porter, que l’Eglise n’est pas à la hauteur, qu’elle a des défauts… Evidemment qu’elle a des défauts, puisque ce sont les nôtres, les miens, les vôtres, les défauts de chacune et de chacun ; mais l’Eglise n’est pas sainte à cause des membres qui la constituent, mais parce que Dieu l’habite et veut rendre saints tous ceux qui acceptent de se reconnaître en elle et d’y apporter leur contribution, leurs compétences et leur amour. Vous savez, l’Eglise c’est comme une famille ; dans une famille, on s’aime et de temps en temps, on se dispute : les adolescents veulent plus de liberté, les parents freinent ; parfois il sont un peu dépassés. Dans l’Eglise, c’est un peu pareil ! Cette Eglise, même si parfois elle nous fait souffrir, nous devons l’aimer parce que c’est elle qui nous a engendrés à la foi et qui ne cesse de nous enfanter à la vie de Dieu. C’est elle qui nourrit notre foi, qui l’encourage, qui la stimule, qui la régule aussi, car sinon notre foi risquerait de partir dans tous les sens. Pour vivre notre foi, pour vivre notre vocation et notre mission, nous avons besoin de l’Eglise et l’Eglise a besoin de nous. Ensemble, formons une communauté dynamique, appelante pour que d’autres puissent y trouver un sens à leur vie, à leurs souffrances, aux difficultés qu’ils rencontrent, qu’ils puissent se sentir enracinés dans l’Evangile et portés par une communauté de frères.
Relation à Dieu, membre d’un peuple et enfin, troisième condition pour remplir cette mission de Marie : être, devenir sans cesse des serviteurs. Vous le savez, le seul titre que Marie a revendiqué dans l’Evangile, c’est à l’Annonciation, lorsqu’elle dit à l’ange : Je suis la servante du Seigneur, que tout se fasse pour moi selon ta parole. Autrement dit : Je suis disponible, je suis prête, Seigneur, tu peux compter sur moi, je suis ta servante ! Chacun d’entre nous est appelé à être un serviteur, et l’Eglise est appelée à être servante d’humanité, servante des pauvres, servante pour révéler l’amour incroyable que Dieu porte à notre humanité, pour révéler à tous l’espérance qui nous est offerte et la vie que la Pâque de Jésus et l’Assomption de Marie ouvrent à chacun d’entre nous. Alors, au-delà des tentations du pouvoir qui nous habitent, au-delà des habitudes qui nous enferment, au-delà des peurs qui parfois nous paralysent, soyons des serviteurs et des servantes simples, humbles mais pleins de confiance, parce que nous savons que nous sommes formidablement aimés ; nous savons que Dieu a le projet d’habiter notre cœur. En accueillant ce Dieu pauvre de la crèche, de la croix et de l’eucharistie, ce Dieu pauvre qui, dans quelques instants, va encore se remettre entre nos mains, nous ne pouvons qu’être à notre tour simples, pauvres et disponibles pour que vive et grandisse l’amour dans les cœurs et dans le monde. Vous le savez bien : c’est à l’amour que nous aurons les uns pour les autres qu’on nous reconnaîtra comme les disciples du Crucifié Ressuscité, disciples de Jésus.
En concluant, je voudrais vous rappeler ces trois impératifs, ces trois conditions que je viens de développer : avec Marie, à la suite de Jésus, vivons une relation forte, habituelle, chaleureuse, vivante au Dieu de la vie et de l’amour ; cette relation, vivons-la au sein d’un peuple, d’une communauté de frères, d’une Eglise et, dans cette Eglise au milieu du monde, soyons les bons serviteurs, les bonnes servantes de la tendresse de Dieu. En cette fête de l’Assomption, redisons comme Marie au Seigneur : Fiat ! Oui, je suis d’accord, Seigneur, d’accord pour me laisser appeler et envoyer, d’accord pour me laisser éclairer, fortifier et transformer par l’amour ; fiat, mais aussi magnificat, car ma vocation, ma mission, et tout ce que tu me donnes, tout ce que tu me confies, c’est cela ma joie profonde. Magnificat, pour maintenant et pour l’éternité. Amen ! »
(Arcabas, Assomption, Congrégation des Augustins de l'Assomption, Paris, 2007)
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