Un disciple du Christ, c'est quelqu'un qui...
Nous voici rendu au septième et dernier dimanche de Pâques. L’occasion de mesurer le chemin parcouru depuis la sainte nuit de laquelle a jailli le cri qui fonde notre foi : Christ est ressuscité, alléluia ! Nous avons, avec les Apôtres, découvert ce mystère d’un Dieu vainqueur de la Mort, d’un Dieu qui fait triompher la vie (2ème et 3ème dimanche). Nous avons entendu l’enseignement du Christ vivant, et nous pouvons désormais le reconnaître comme le seul Pasteur de son peuple (4ème dimanche). Nous l’avons entendu nous inviter à rester fixés à lui, comme le sarment à la vigne (5ème dimanche) ; à garder ses commandements comme preuve de notre attachement à sa Parole (6ème dimanche) ; sans oublier notre devoir de témoigner de lui (Ascension). Arrivés au terme de la route, avant que la Pentecôte n’inaugure une nouvelle étape, nous pouvons essayer de résumer désormais ce que doit être la vie d’un disciple du Christ. Les lectures de ce dimanche se prêtent bien à l’exercice.
La première lecture nous donnait à entendre ce passage des Actes qui voit Matthias rejoindre le collège des Apôtres en remplacement de Judas. Ce n’est pas une simple anecdote que nous raconte Luc, mais bien le premier acte officiel de Pierre qui remplit ainsi la mission que Jésus lui a confiée. Avant même la Pentecôte, Pierre fait naître l’idée de ce que nous appelons l’Eglise. Ces cent-vingt personnes assemblées qui, dans la prière, reconstituent le groupe des Douze voulu par Jésus, mettent sur les rails la communauté des croyants. Le disciple du Christ est quelqu’un qui vit en Eglise, qui prie en Eglise, qui décide en Eglise. Pierre donne les critères du discernement (il y a des hommes qui nous ont accompagnés durant tout le temps où le Seigneur a vécu parmi nous… Il faut donc que l’un d’entre eux devienne, avec nous, témoin de sa résurrection), mais il ne décide pas seul ; chacun a une voix, chacun participe (on tira au sort). C’est la première marque du disciple du Christ ; il ne peut pas dire que le sort de la communauté lui indiffère.
Si je continue dans l’ordre des lectures, nous devons, avec saint Jean, reconnaître que le disciple du Christ est un aimé et un aimant. Aimé infiniment par Dieu, il doit aimer à son tour : puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi, nous aimer les uns les autres. C’est une affirmation qui ne souffre pas de contestation. Il n’y a pas d’autre choix possible. C’est le seul choix pour être à la hauteur de l’amour que Dieu nous porte. Et même si notre amour peut sembler imparfait face à l’amour de Dieu pour nous, nous devons aimer, à tout le moins essayer d’aimer comme nous sommes aimés. L’amour que Dieu nous porte transfigurera notre pauvre amour pour en faire un amour aussi fort que le sien. L’amour est un autre signe que nous sommes à Dieu, que nous vivons du Christ, lui qui, par amour, a donné sa vie sur une croix. Dieu est amour : qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. Dieu ne peut résider là où il n’y a pas d’amour.
L’Evangile nous donne alors une autre marque du croyant au Christ ressuscité. C’est quelqu’un qui a à cœur l’unité des croyants en Dieu. La grande prière de Jésus au soir du Jeudi Saint que nous rapporte Jean, se termine sur cette demande de l’unité. Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom… pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. Il n’y a pas pire contre-témoignage que la désunion parce que la désunion est toujours le fait d’un manque d’amour, donc d’un manque de vivre en présence de Dieu. Il nous faut entendre cette demande d’unité pour la communauté à laquelle nous appartenons et au-delà, pour l’Eglise tout entière, et même pour tous ceux qui se disent être du Christ. Et il nous faut la prendre au sérieux. Il n’est pas possible de se dire disciples du Christ sans chercher à vivre et à faire vivre cette unité.
Il est un autre trait du croyant que Jésus indique dans l’Evangile quand il dit : Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. Le disciple du Christ n’est pas désincarné, il ne doit pas chercher à vivre sur une île déserte à l’abri du monde. Il doit vivre dans le monde, mais sans se laisser égarer par l’esprit du monde. C’est dans le monde tel qu’il est que nous devons vivre notre foi, comme une différence qui rend fort, comme un atout qui rend sage, comme un levier efficace contre le Mal. Mais nous ne pouvons pas nous laisser « contaminer » par l’esprit mondain dont parle souvent le Pape François, cet esprit qui nous ferme les yeux sur la misère du monde, cet esprit qui nous ferait choisir le puissant contre le faible, le riche contre le pauvre. Le croyant doit être un signe de contradiction qui fait voir plus loin, plus haut, plus juste. Sa boussole, ce ne sont pas les petits arrangements entre amis, mais la Parole du Dieu vivant et vrai, qui ne lui appartient pas et qu’il doit transmettre telle qu’il l’a reçue.
A écouter les textes de ce jour,
nous pouvons affirmer que le croyant doit vivre en ayant les pieds sur terre,
le cœur ouvert et offert au monde, et la tête tournée vers le ciel. De cette
tension naît sa passion pour le monde et pour Dieu. Et notre eucharistie en est
le signe le plus beau : là nous sortons du monde pour une rencontre avec
Dieu ; nous lui offrons ce monde et il nous renverra vers ce monde pour y
témoigner de son amour pour nous et pour tous. Ainsi nous devenons toujours
plus ces autres Christ, trait d’union entre Dieu et les hommes qui ne le
connaissent pas encore. Amen.
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