Quand nous allons à la rencontre de Jésus...
Je voudrais commencer par remercier les personnes qui ont préparé cette messe pour avoir conservé les textes du dimanche et n’avoir pas cédé à la facilité de les remplacer, en ce jour où nous célébrons des premières communions, par des textes eucharistiques ou par des textes qui « seraient plus adaptés aux enfants », si toutefois de tels textes existent. Vous nous rappelez que nous ne sommes pas propriétaires de la Parole de Dieu, que le dimanche on ne choisit pas, mais on reçoit ce que Dieu veut nous dire. Et voyez-vous, si je considère la messe comme le moment où je vais à la rencontre de Jésus, les textes entendus conviennent très bien, puisque les lectures nous rappellent quelques fondamentaux et l’Evangile nous donne à voir des personnes qui vont à la rencontre de Jésus.
Rapidement les fondamentaux (ce qu’on ne peut pas ignorer quand on est croyant) qui nous sont rappelés dans les deux lectures. Celle du Premier Testament d’abord nous redit que Dieu n’a pas fait la mort. Il faut entendre cela et le croire vraiment, parce que cela nous dit aussi que nous, les humains, nous-ne-sommes-pas-faits-pour-la-mort ; nous ne sommes pas faits pour quitter la vie. Au contraire, Dieu nous a fait pour que nous venions à la Vie, il nous a fait naître et nous fait renaître en Jésus, par notre baptême. Ne l’oublions jamais : notre destinée, c’est la Vie en plénitude, la Vie vraie, pas cette espèce de vie raccourcie que nous connaissons depuis plus d’un an maintenant, pas une vie confinée, pas une vie sans relation. Chaque fois que vous venez à la messe, vous venez à la Vie, vous venez accueillir, dans la Parole et dans le Pain, la Vie même de Dieu.
La lecture de l’apôtre Paul ensuite nous a redit le don généreux de notre Seigneur Jésus Christ. C’est l’autre fondamental de notre foi qui est comme la garantie du premier fondamental que je viens de rappeler. Dieu n’a tellement pas fait la mort (premier fondamental) qu’il a envoyé Jésus pour affronter la mort (deuxième fondamental). C’est un cadeau que Jésus nous fait, un cadeau généreux. Il a offert sa vie gratuitement pour que nous puissions partager la vie de Dieu. Il est mort (alors qu’il est la Vie) pour que nous puissions vivre alors que nous étions comme morts à cause de notre péché. Et ce don généreux doit entraîner chez nous un élan au partage. Ceux qui ont trop doivent partager avec ceux qui n’ont pas assez. Il ne s’agit pas de déshabiller Paul pour habiller Pierre. L’Apôtre le dit bien : il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Autrement dit, venir vers Jésus, c’est adopter un style de vie, une manière d’être qui soit à la hauteur du cadeau que Jésus nous fait, une manière de vivre qui soit à la hauteur de la vie de Dieu.
Les fondamentaux étant rappelés, nous pouvons alors découvrir comment et pourquoi, dans l’Evangile entendu, les gens viennent vers Jésus. Nous verrons successivement Jaïre, le chef de synagogue, la femme qui avait des pertes de sang, et les proches de Jaïre. De Jaïre, nous apprenons qu’il est chef de synagogue (je dirais qu’il est croyant-pratiquant) et que sa fille est très malade, au point qu’elle va mourir si Jésus ne fait rien. Il vient vers Jésus avec assurance, il connaît les bonnes manières (il tombe à ses pieds, il supplie). Ce qu’il veut, c’est que sa fille soit sauvée, autrement dit qu’elle vive. Il reconnaît donc que Jésus vient de Dieu qui n’a pas fait la mort. Il reconnaît que Jésus est son dernier recours possible. Et Jésus se met en chemin pour répondre à la demande, pour manifester la gloire de Dieu qui est pour la Vie. En chemin, ils sont retardés par une femme. Elle est malade depuis douze ans, elle a des pertes de sang. Elle a essayé les traitements de nombreux médecins, mais aucun n’a réussi à la guérir. Elle aussi veut être sauvée. Pas guérie, mais sauvée. En effet, sa maladie l’empêchait de pratiquer sa religion. Perdant du sang, elle était considérée impure. Elle était devenue, malgré elle, une croyante non pratiquante. Ce qu’elle cherche, au-delà de la guérison, c’est bien le salut, c'est-à-dire pouvoir vivre de nouveau la vie normale des membres du peuple que Dieu s’est choisi. C’est bien sa participation à la vie de Dieu qui est en cause. Est-ce qu’elle a oublié, en douze années, les bonnes manières des croyants ? Ou est-ce qu’elle a simplement honte d’être impure et ne veut pas, par un geste public, rendre Jésus impur ? Toujours est-il qu’elle « vole » en quelque sorte sa guérison. Elle vient, par derrière, avec une grande foi : si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. Elle pensait s’en sortir, ni vu ni connu ; mais Jésus a senti qu’une force était sortie de lui. Il a senti que quelqu’un a bénéficié de quelque chose qu’il n’a pas demandé. Il cherche à savoir : Qui a touché mes vêtements ? Quand vous êtes pressés de toutes parts dans une foule, voilà une question incongrue ! Comment savoir ? Prise de peur, la femme se dénonce et avoue tout. Jésus ne la condamne pas : il confirme par sa parole le salut et la guérison obtenus : Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. Dieu n’a pas fait la mort, il a envoyé Jésus pour offrir son salut, sa vie aux hommes qui en avaient besoin.
Restent alors les gens de la maison de Jaïre, parce que tout cela, ça a mis Jésus en retard, la fille de Jaïre est morte et on vient le lui dire. Ecoutons bien ce qu’ils disent : Ta fille vient de mourir. A quoi bon déranger encore le Maître ? Je comprends leur question de deux manières. Première manière : puisque ta fille est morte, ce n’est plus la peine de déranger Jésus ; il ne peut plus rien, l’histoire de ta fille s’arrête là. Ils ont oublié que Dieu n’a pas fait la mort et surtout, ils n’ont pas encore reconnu que Jésus vient de Dieu. Pleins de gens, affrontés à des difficultés, réagissent pareil : Dieu ne peut plus rien pour moi. Ils laissent la mort gagner leur vie. Il n’y a pas de jugement à porter ; il faut juste en être conscient. Il nous arrive à tous d’oublier que Dieu n’a pas fait la mort et que donc, il peut toujours quelque chose pour nous. C’est pour nous le rappeler qu’il y a, dans la célébration de la messe, la prière universelle qui nous fait confier à Dieu les situations où nous ne pouvons plus rien, mais en étant sûrs que Lui peut toujours quelque chose. Il y a une deuxième manière de comprendre la question des proches de Jaïre : à quoi bon déranger encore le Maître ? C’est la manière des gens qui non seulement ont oublié que Dieu n’a pas fait la mort, mais qui en plus pensent que c’est une perte de temps de se tourner vers Dieu. Une manière de dire : ta fille est morte, pourquoi tu t’embêtes encore avec lui ? Ils ne croient pas que Jésus peut encore quelque chose pour elle. Il n’est qu’un homme, un beau parleur, et tout ce qu’il pourra dire n’y changera rien. Dans cette deuxième interprétation, ils refusent de croire que Jésus est plus fort que la mort ; ils refusent de croire que Jésus est la Vie véritable. Ce sont des croyants en Dieu qui, face à l’épreuve, ont perdu la foi. Tout est fini, ne me parlez plus de Dieu ! Quand Jésus, parvenu chez Jaïre, affirme : l’enfant n’est pas morte, elle dort, ce sont eux qui se moquent de lui.
Vous qui allez faire votre première des communions, approchez-vous de Jésus à la manière de Jaïre ou à la manière de cette femme. Tous les deux savent que Jésus peut quelque chose pour eux. Tous les deux savent que la Vie se trouve en Jésus. Quand on sait cela, quand on sait que la Vie est en Jésus, qu’elle vient de lui et qu’elle demeure en lui, alors on vient vers lui souvent. Aujourd’hui, ce n’est que votre première communion. Première veut dire qu’il y en aura une deuxième, une troisième… et la deuxième communion, ce n’est pas ni la profession de foi, ni la confirmation. La deuxième communion, c’est dimanche prochain ; la troisième, le dimanche d’après… au point que rapidement, vous ne saurez plus à la combientième communion vous serez. Ce que je vous demande, c’est à la fois de ne pas prendre la communion par habitude, et en même temps de ne pas perdre l’habitude de la prendre. Jésus vous attend chaque dimanche ; la communauté des croyants établie sur les villages de notre communauté de paroisses vous attend chaque dimanche. Venez comme Jaïre avec assurance ; venez comme cette femme malade avec beaucoup de discrétion ; venez comme vous êtes ! Jésus vous accueillera toujours, Jésus vous offrira toujours sa vie. L’eucharistie n’est pas une récompense pour enfant sage, ce n’est pas la médaille du bon croyant. L’eucharistie, c’est le pain des forts, de ceux qui sont forts dans leur foi ; mais c’est aussi le pain d’effort, le pain que Dieu nous donne pour nous redonner la force de croire en lui, toujours et encore, pour que nous ne perdions jamais l’assurance qu’il peut toujours quelque chose pour nous. Le pain pour l’effort qui nous reste à faire en vue de répondre généreusement au don généreux que Jésus nous fait.
A vous qui communierez pour la
première fois, comme à nous tous ici rassemblés qui communions depuis plus
longtemps, je voudrais dire en conclusion : ne nous moquons pas de
Jésus quand nous nous approchons de lui. Ce pain consacré et
partagé, devenu son Corps et son Sang livrés, c’est tout pour nous ; c’est
notre plus grand trésor. Rien n’a plus d’importance pour le prêtre que je suis
que ce Pain rompu et livré. Quand je le tiens dans mes mains, c’est Jésus que
je tiens dans mes mains. Quand je le partage, c’est Jésus que je vous partage,
Jésus qui est ma vie, Jésus qui veut être votre vie. Ne vous moquez pas de
lui : accueillez-le, en sachant que c’est Jésus qui vient enrichir votre
vie par la pauvreté de ce signe du pain partagé. Ce n’est rien, un
morceau de pain, et pourtant, il est toute notre vie, ce morceau de pain. Il
est Jésus qui se livre à nous par amour. Ne l’oublions jamais. Amen.