Faire route avec Jésus pour affronter le mal.
Après avoir préparé notre sac, au mercredi des Cendres, pour la route que nous voulons faire avec Jésus au long de ce Carême, après trois jours à commencer en douceur ce temps si particulier, voici une première étape, un premier dimanche pour comprendre mieux à quoi peut nous servir ce temps. Nous faisons route avec Jésus pour affronter le mal. Il s’agit bien d’oser affronter les structures de péché qui peuvent exister dans notre propre existence, mais aussi d’oser affronter la racine même du mal qui détruit notre monde. Le disciple du Christ ne peut pas se contenter de vivre à côté du mal ; le mal lui est insupportable, le mal, il doit le combattre, en lui et autour de lui.
Je reconnais volontiers qu’en ce début de Carême 2022, nous sommes servis et plutôt vernis si nous voulons affronter le mal. Après la pandémie qui a pu nous atteindre en profondeur ces deux dernières années, non pas parce que nous aurions été positifs voire malades, mais parce qu’elle a pu changer notre rapport aux autres (les autres, ce sont ceux dont il fallait se protéger, ceux qui pouvaient me rendre malade et dont j’étais invité à me méfier, ceux qui voulaient m’injecter des choses et ceux qui refusaient de se faire injecter…), voilà qu’une guerre éclate à l’Orient de l’Europe. Et déjà nous entendons, en France, des discours qui divisent, des réflexions sur les migrants « de qualité » que seraient les Ukrainiens par rapport aux autres migrants qui ne viennent pas d’Europe, discours qui en d’autres temps nous auraient été insupportables. Le mal est à nos portes, pas seulement dans la lointaine Ukraine, mais à la porte de nos réflexions, à la porte de notre bouche, à la porte de notre cœur.
A celui qui veut lutter contre le mal, est donné aujourd’hui un exemple et deux armes. L’exemple, c’est celui du Christ lui-même qui, sitôt baptisé, fut conduit à travers le désert où, pendant quarante jours, il fut tenté par le diable. Il ne mangea rien durant ces jours-là. Quarante jours à affronter le mal en jeûnant. Nous ne savons pas grand-chose de ce temps, si ce n’est sa conclusion. Luc détaille en effet ce qui s’est passé quand ce temps fut écoulé. Jésus eut faim. Tu m’étonnes ! Il a beau être Fils de Dieu, ne rien manger durant un temps si long, ça donne faim. Le diable intervient alors trois fois ; et par trois fois, Jésus contre ses projets : il ne jouera pas au magicien qui ordonne à cette pierre de devenir du pain ; il n’est pas assoiffé de pouvoir au point de se prosterner devant le diable et pactiser avec lui ; il ne mettra pas à l’épreuve le Seigneur son Dieu.
La première arme pour affronter le mal, nous venons de l’entendre, c’est le jeûne. Si nous l’avons mise dans notre sac mercredi, c’est pour que cela serve. Et c’est bien ce à quoi nous invite le Pape François pour prendre notre part au retour à la paix en Ukraine et ailleurs dans le monde. La seconde arme, c’est la Parole de Dieu. Jésus s’oppose au diable en reprenant la Parole à laquelle il est fidèle : Il est écrit dira-t-il deux fois en introduction de sa réponse. Il est dit répliquera-t-il la dernière fois lorsque le diable essaiera de le faire tomber en utilisant à son tour la formule « il est écrit ». Il est écrit : Il donnera pour toi, à ses anges, l’ordre de te garder... Jésus lui fit cette réponse : Il est dit : Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. Luc semble ainsi nous mettre en garde. La Parole de Dieu ne peut pas, ne doit pas servir à mettre en tentation ; la Parole de Dieu n’est pas faite pour conduire l’homme au mal. La Parole de Dieu est l’arme du Juste, de celui qui reste fidèle à Dieu. Il sait reconnaître les utilisations frauduleuses de cette Parole, et les dénonce. Un chrétien ne peut pas bénir les armes qui servent à détruire ; un chrétien ne peut pas utiliser la Parole de Dieu pour justifier le mal commis ; un chrétien ne peut pas être solidaire du mal qui est fait. Il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir de solidarité avec le mal ; ce serait être tout entier plongé dans le péché ; cela reviendrait à pactiser avec le diable. Ce n’est jamais bon ; cela n’apporte pas jamais rien de bon. Depuis le temps que l’homme essaie, il devrait le savoir, il devrait avoir appris la leçon. Si je suis effrayé d’entendre des hommes et des femmes politiques français qui arrivent presque à justifier les événements dramatiques qui se déroulent en Ukraine, je suis proprement scandalisé d’entendre le Patriarche de Moscou les justifier d’un point de vue religieux. A moins d’avoir l’esprit gravement corrompu et gangrené par le mal, un croyant ne peut sous aucun prétexte justifier des actes mauvais. Les rêves de grandeur, qu’ils soient rêves d’un seul ou de tout un peuple, sont des rêves mauvais car ils entraînent violence, destruction, pauvreté, rancœur et vengeance. Rien de bon pour l’humanité.
A défaut de pouvoir agir réellement
sur les événements du monde, nous pouvons déjà agir sur notre propre vie.
Certains pensent que la guerre est un grand mal contre lequel on ne peut rien,
mais qu’ils ne font, eux, que de petites choses qui relèvent du domaine du mal.
Eh bien, je prétends qu’il n’y a pas de grand mal et de petit mal. Il n’y a que
du mal, fait à l’échelle à laquelle je peux le faire. Certains peuvent
grand ; d’autres ne peuvent que petit. Mais c’est toujours le mal qui est
fait. Disciples du Christ, le mal ne doit même pas faire partie de l’horizon de
nos possibles. Rappelons-nous des questions posées lors de la grande nuit de
Pâques, lorsque nous renouvelons les promesses de notre baptême. Elles sont
formulées ainsi : Pour vivre dans la
liberté des enfants de Dieu, renoncez-vous au péché ? Pour échapper au
pouvoir du péché, renoncez-vous à ce qui conduit au mal ? Pour suivre
Jésus le Christ, renoncez-vous à Satan, auteur et instigateur du péché ? Notre réponse, lors de la nuit pascale, doit
être notre réponse quotidienne : J’y renonce. Amen.
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