Heureux les invités au repas des noces de l'Agneau !
(Frères Van Eyck, L'Agneau mystique, Cathédrale Saint-Bavon, Gand)
Si la Bonne Nouvelle du Royaume est quelquefois surprenante, il faut bien reconnaître qu'aujourd'hui, elle est particulièrement sanglante. Entre les invités qui ne veulent pas venir et qui tuent les messagers, envoyés pour leur rappeler que les noces, c'est maintenant, et le roi qui envoie ses troupes massacrer les meurtriers et incendier leur ville, nous ne pouvons pas vraiment dire que ces noces sont joyeuses : elles sont même plus proches d’un épisode de Games of Thrones que de l’Evangile. Et c’est sans compter le pauvre type ramassé à la va vite qui se retrouve expulsé, pieds et poings liés, parce qu’il n’a pas le bon vêtement ! Faut-il donc craindre d’être invité aux noces du Royaume ?
Non, bien sûr. Il nous faut entendre l’invitation qui nous est faite à chaque eucharistie. Elle s’énonce ainsi : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! Il n’est pas question de massacre, ni de rejet. La joie du Royaume est réelle et notre participation à cette joie est attendue. Cette invitation est large et nous rappelle qu’ici-bas, nous pouvons tous déjà avoir un avant-goût de ce repas des noces éternelles. Mais cette invitation large ne doit pas nous faire oublier que nous avons à nous tenir prêts en vue de ce jour. Nous ne pourrons pas en repousser le délai, ni nous excuser d’avoir autre chose à faire. Cette parabole sanglante est un avertissement pour nous. La patience de Dieu est grande, mais elle ne supportera pas la violence des hommes qui ne veulent pas répondre. Cet envoi des troupes qui firent périr les meurtriers est aussi le rappel que le mal sera détruit, radicalement et que les noces de l’Agneau inaugureront un temps nouveau, un monde nouveau où le mal n’aura plus droit de cité. Ceux qui font le mal ne sont pas dignes de participer à ces noces. Nul ne peut se réjouir du mal qui est fait ; nul ne peut se réjouir avec les malfaisants.
Si le message de la parabole des invités à la noces est plutôt facile à comprendre, celui de la seconde parabole de vient plus obscur parce que cette parabole est justement tissée dans la première. Je vous rappelle la fin de la première parabole : les serviteurs allèrent sur les chemins, rassemblèrent tous ceux qu’ils trouvèrent, les mauvais comme les bons, et la salle de noce fut remplie de convives. Autrement dit, la fête a lieu, comme prévu. Fin de la première parabole. La seconde parabole commence ainsi : le roi entra pour examiner les convives, et là il vit un homme qui ne portait pas le vêtement de noce. Rien ne permet de dire qu’une tenue a été distribuée, comme ce sera bientôt le cas pour nos écoles, afin que tout le monde soit compatible avec le lieu. Mais puisque cette histoire est intimement liée à la première, est-il vraiment surprenant que, laissant entrer les mauvais comme les bons, il s’en trouve un qui ne soit pas bien habillé ? Ce qui est me surprend, c’est plutôt qu’à inviter large au dernier moment, il n’y en ait pas plus dans son cas ! Puisque les mauvais comme les bons ont été accueillis, le vêtement de noce ne peut être que dans l’attitude de celui qui est invité. Et peut-être retrouvons-nous là la joie que la liturgie souligne quand elle nous invite à participer au repas des noces de l’Agneau. Si les mauvais sont accueillis, c’est que le mal qu’ils ont pu commettre a été pardonné, et ils sont capables de partager la joie des noces. De cet homme qui ne porte pas le vêtement de noce, il n’est pas dit qu’il est méchant ou bon ; il est juste dit qu’il n’a pas le bon vêtement. Dans cette assemblée qui se réjouit, il doit être le seul à ne pas être en joie, comme s’il était venu malgré lui ; il est là sans vraiment y être ; son cœur n’y est pas ! Il se fait donc expulser, manu militari. Ceci nous rappelle qu’on ne vient pas à la noce par hasard, parce qu’on a vu de la lumière. Participer aux noces de l’Agneau demande à avoir le cœur prêt à y participer, que l’on soit bon ou mauvais. On ne fait pas une tête de six pieds de long quand on est invité à la noce du fils du roi.
Si je reprends alors ces deux
paraboles, j’en retiens quoi ? D’abord une espérance : nous sommes invités
au repas des noces de l’Agneau. Autrement dit, Dieu nous attend en son
Royaume, et il attend les mauvais comme les bons ; c’est la
parabole qui le dit ! Mais cette espérance doit nourrir ma foi. Si je
crois cela, si je crois que Dieu m’attend, alors je dois me réjouir avec lui,
me réjouir d’être accueilli par lui. Dieu ne forcera personne à entrer dans la
salle de noce. Le « On ira tous au paradis » n’a rien d’obligatoire ;
celui qui ne veut pas, ne vient pas. Chacun est libre. Tu préfères aller à ton
champ ou à ton commerce, c’est ton droit. Celui qui t’invite n’en sera pas
ravi, mais il respectera ton choix. Mais si tu viens, que ta foi illumine ton
regard. Si tu viens, remercie celui qui t’a invité : porte ton vêtement de
noce, apporte ta joie. Amen.
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