A César ce qui revient à César ; à Dieu ce qui revient à Dieu : une devise missionnaire.
Comme chaque année, l’avant-dernier
dimanche du mois d’octobre nous fait célébrer la clôture de la Semaine
Missionnaire Mondiale. Le thème choisi par le pape François cette année s’énonçait
ainsi : Des cœurs brûlants, des pieds en marche. Il nous invitait ainsi à méditer le récit des
disciples d’Emmaüs pour comprendre la démarche missionnaire. En effet, selon la
lettre du pape François présentant ce thème, il faut des cœurs brûlants pour
les Ecritures expliquées par Jésus, des yeux ouverts afin de le reconnaître et,
comme point culminant, des pieds en marche pour nous rappeler que l’on n’évangélise
pas depuis son canapé ! L’Evangile de ce dimanche nous invite à sa manière
à être missionnaire avec cette parole singulière de Jésus : Rendez donc à César ce qui est à César, et à
Dieu ce qui est à Dieu.
Certains ont voulu voir dans cette phrase l’affirmation avant l’heure des principes de laïcité : César d’un côté et Dieu de l’autre, et prière de ne pas mélanger, César ne s’occupant pas de Dieu et Dieu ne s’occupant pas de César ! C’est, me semble-t-il, se tromper de combat, parce que je ne vois pas bien pourquoi, dès lors que quelqu’un s’engage en politique, il ne pourrait pas le faire au nom de sa foi, et surtout pourquoi, de ce seul fait, Dieu ne s’occuperait plus de lui. Avant d’être un principe séparant les pouvoirs, ce verset est d’abord une occasion de rappeler que le croyant ne peut se soustraire aux autorités qui le gouvernent. Ou, pour reprendre le cas d’école présenté à Jésus (le paiement de l’impôt à un gouvernement que l’on déteste et estime illégitime), rappeler au croyant qu’il ne peut mettre en avant sa foi pour échapper à la solidarité nationale que permet le prélèvement d’un impôt, et rappeler à César et à ceux qu’il gouverne, qu’il ne peut se prendre pour Dieu ! L’impôt à César, la gloire et les honneurs à Dieu ! Nous pouvons y voir là l’étape nécessaire à toute œuvre missionnaire. Quel que soit l’endroit où iront les disciples du Christ, ils reconnaitront les autorités humaines sans les confondre avec l’autorité divine. Et les autorités humaines n’empêcheront pas les disciples du Christ d’annoncer le Royaume.
L’histoire de Cyrus, Roi des Perses, nous montre fort justement que celui qui gouverne peut avoir été choisi par Dieu comme son instrument pour rétablir la justice et permettre aux hommes de rendre à Dieu ce qui lui est dû. Cyrus est celui qui vaincra les Babyloniens qui avaient déporté le peuple juif, et en suite de sa victoire, il sera celui qui permettra le retour en Israël des déportés afin que la gloire de Dieu soit manifestée à son peuple qui jadis s’était détourné de lui. Il faut entendre Dieu parler à Cyrus : Je t’ai rendu puissant, alors que tu ne me connaissais pas, pour que l’on sache, de l’orient à l’occident, qu’il n’y a rien en-dehors de moi. Je suis le Seigneur, il n’en est pas d’autre. Cyrus est le messie, l’envoyé de Dieu, mais il n’est pas Dieu. Il ne peut s’attribuer ce qui revient à Dieu seul.
Il nous faut aussi entendre Paul, dans sa première lettre aux Thessaloniciens. L’œuvre missionnaire qu’il a accompli, son annonce de l’Evangile qui porte du fruit à Thessalonique, il ne se l’attribue pas ; il reconnaît que c’est l’œuvre de Dieu : notre annonce de l’Evangile n’a pas été, chez vous, simple parole, mais puissance, action de l’Esprit Saint, pleine de certitude. Paul ne se prend pas pour Dieu ; il reconnaît l’œuvre de l’Esprit Saint à travers lui, œuvre qui permet une annonce efficace de la Parole. Voici le vrai travail missionnaire rappelé : laisser l’Esprit Saint agir à travers nous. Ce n’est pas amoindrir notre importance ; si nous ne prêtons pas la voix à l’Esprit Saint, qui le fera ? Le missionnaire est utile, important, mais il n’est pas Dieu ; il est à son service. A César ce qui revient à César (dans le cas de Paul, le courage de se mettre en route, d’oser une parole nouvelle), à Dieu ce qui revient à Dieu (la reconnaissance de son Esprit à l’œuvre en nous et dans le monde). Ainsi la foi peut se répandre ; ainsi le Royaume des cieux peut-il être annoncé.
Comprenez-vous
mieux en quoi la règle énoncée par Jésus (à
César ce qui revient à César, à Dieu ce qui revient à Dieu) est missionnaire ? Cette règle peut se décliner ainsi : aux
hommes ce qui revient aux hommes, à Dieu ce qui revient à Dieu. Ou encore ainsi
pour qu’elle soit comprise comme une invitation à la mission : aux
croyants ce qui revient aux croyants, à Dieu ce qui revient à Dieu. Ce qui
revient aux croyants que nous sommes, c’est de témoigner de ce Dieu qui nous
fait vivre et qui nous envoie l’annoncer par notre seul baptême. Si étant
croyants, nous n’avons plus le cœur brûlant pour cette Parole à proclamer ;
si étant croyants, nous n’avons plus des yeux ouverts sur le monde pour
reconnaître Jésus à l’œuvre ; si étant croyants, nous n’avons plus des
pieds en marche, comment le Christ parviendra-t-il aux extrémités du monde ?
Comment le Christ sera-t-il annoncé ? Comment son Evangile sera-t-il vécu ?
A César (c'est-à-dire à nous), ce qui lui revient : annoncer le Royaume et
témoigner du Christ ; à Dieu ce qui lui revient : nous donner les
mots et la force de convaincre. Quand César est à sa juste place et qu’il reconnaît
la juste place de Dieu, alors le monde peut être transformé par la Parole d’amour
et de pardon que Dieu ne cesse de répandre par ses disciples. Soyons de ceux-là :
ayons un cœur brûlant et des pieds en marche, rendant à César ce qui est à
César et à Dieu ce qui est à Dieu. Le Royaume n’en sera que mieux annoncé. Amen.
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