Bienvenue sur ce blog !

Ce blog voudrait vous permettre de vivre un chemin spirituel au rythme de la liturgie de l'Eglise catholique.

Les méditations s'appuient soit sur les textes bibliques quotidiens, soit sur la prière de l'Eglise.

Puisque nous sommes tous responsables de la foi des autres, n'hésitez pas à laisser vos commentaires.

Nous pourrons ainsi nous enrichir de la réflexion des autres.







samedi 29 juin 2024

13ème dimanche ordinaire B - 30 juin 2024

 Partage ou repli sur soi ?





 

 

            Dieu ne cesse de m’étonner ! En ce premier dimanche où nous sommes appelés à choisir nos députés, ceux qui nous représentent et font les lois, voilà que nous entendons cet extrait de la deuxième lettre aux Corinthiens qui parle d’un don généreux fait par les Corinthiens pour les chrétiens de Jérusalem. Voilà qui doit nous interroger et nous apprendre à discerner encore avant de glisser un bulletin dans une urne. 

            Ce qui est intéressant, c’est la manière dont Paul parle du don. Il rapproche nos gestes de partages du don généreux de notre Seigneur Jésus Christ : lui qui est riche, il s’est fait pauvre à cause de vous, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Il donne à notre sens du partage une dimension théologique. Ce que nous faisons pour les plus pauvres, pour ceux qui ont besoin de nous, rejoint ce que le Christ a fait pour chacun de nous. Nos gestes de partage prolongent le geste de salut que le Christ a fait en s’incarnant, en devenant l’un de nous alors qu’il était Dieu. Il a tout laissé de sa vie pour que nous puissions tout avoir ! Voilà un premier point de discernement. 

            Paul n’est pas un doux rêveur, il a le sens des réalités. Ecoutez plutôt : Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins. La rencontre avec l’autre, le différent, l’étranger, n’est jamais source d’appauvrissement, même si cela nous demande de partager ce que nous avons. La rencontre avec l’autre est toujours source d’enrichissement réciproque. De nouveaux mondes, de nouvelles perspectives s’ouvrent quand nous ne nous refermons pas sur nous-même. Et Paul parle bien d’égalité. Pourquoi aurions-nous tout quand d’autres n’ont rien ? 

            Je n’oublie pas plus que Paul le principe de réalité. Je sais que la vie est difficile et que tout augmente. Mais ce n’est pas en désignant l’étranger comme responsable que notre vie sera plus facile. Aujourd’hui, la riche Europe et la riche France – parce que oui nous sommes encore un pays riche – accueille moins que certains pays réellement pauvres du continent africain. Même si, en partageant, nous nous appauvrissons un peu, nous serons toujours plus riches que beaucoup d’hommes et de femmes dans le monde. Désigner le différent, l’étranger comme bouc émissaire de toutes nos difficultés, ne les fera pas disparaître. Par contre, se retrousser les manches avec les autres, pour trouver ensemble des solutions qui nous rendrons plus égaux, voilà qui est prometteur. Si mon unique solution à mes difficultés est de trouver un bouc émissaire, je risque fort un jour d’être celui d’un autre qui estimera que j’ai trop, que je profite trop, et que sans moi, la vie serait plus facile pour lui. Nous sommes tous le riche de quelqu’un et le pauvre d’un autre ; nous sommes tous l’étranger de quelqu’un ; nous sommes tous le responsable des maux des autres et la victime de leurs maux. Préférer l’entre-soi n’a jamais enrichi personne. Préférer l’entre-soi n’a jamais réglé les difficultés que nos sociétés occidentales connaissent. Ce dont nous parle Paul, c’est d’égalité, de justice et donc de paix. Il n’y a pas de paix possible sur des demi vérités. Il n’y a pas de paix possible sur le rejet des différences. Il n’y a pas de paix possible quand l’autre est vu comme le problème et jamais comme la solution.

Après quinze jours d’incertitudes et d’angoisses, le moment est venu pour nous de faire un choix. Pas d’abord le choix d’hommes ou de femmes pour nous représenter. Non, il s’agit d’abord de choisir dans quel monde nous voulons vivre aujourd’hui et faire vivre nos enfants demain. Il nous faut choisir entre ouverture pour tous, nous y compris, ou fermeture pour tous, nous y compris. Nous ne pouvons pas estimer que nous valons mieux que les autres et que nous avons droit à plus et à mieux que les autres. C’est une question d’égalité ! C’est une question d’honnêteté. Nos plus anciens ont connu un monde dans lequel un homme estimait que lui et les siens valaient plus que tous les autres. Est-ce vraiment ce monde que nous voulons reproduire ? A l’Est de l’Europe, il y a un homme qui estime que lui et les siens valent mieux que nous et qu’ils sont le salut du monde ; demandez à l’Ukraine si c’est bien vrai et si elle vit mieux depuis ! Que la sagesse de Paul nous inspire de désirer un monde où l’égalité est recherchée et le partage promu, pour le bien de tous, nous y compris. Amen.  


samedi 22 juin 2024

Fête de Saint Pierre et Saint Paul - 23 juin 2024

 Pierre et Paul, le coeur et la raison.

(Je célèbre ce dimanche dans une petite communauté qui n'a pas souvent la messe dans son village. Nous en profitons pour célébrer leur fête patronale. D'où cette homélie sur Pierre et Paul).




(Source : Icône de Saints Pierre et Paul (Réf. IC_9156) - Vente d'icônes religieuses (traditions-monastiques.com)





 

            Fêter Pierre et Paul ensemble ! Il fallait tout l’humour de Dieu, je pense, pour mettre ensemble, sur le calendrier, ces deux Apôtres que rien ne destinait à se rapprocher, si ce n’est Jésus Christ. Pierre, celui qui a connu Jésus et qui l’a suivi ; Paul, celui qui a persécuté Jésus à travers ses disciples et qui est tombé dans une connaissance renouvelée de sa foi qu’il croyait menacée. Quel beau jour que celui de cette solennité qui nous donne de les célébrer ensemble ! 

            Si je devais qualifier d’un mot Pierre, je dirais qu’il est le cœur. Toujours un peu trop rapide à parler, il a une vraie admiration pour Jésus. Sans doute ne comprend-t-il pas tout ce que Jésus dit, mais il est volontaire, franc. C’est quelqu’un sur qui on peut s’appuyer. Ce n’est pas pour rien que Jésus le choisit pour être le gardien de ses frères et la pierre sur laquelle Jésus bâtira son Eglise. Solide comme un roc, mais terriblement humain. Capable des plus grandes déclarations comme cette profession de foi entendue dans l’Evangile : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! et capable aussi d’avoir peur et de renier Jésus parce qu’il n’a pas vraiment compris les implications de sa profession de foi. Bref, tellement comme nous ! 

            Comme Pierre, nous déclarons notre attachement à Jésus et notre foi en sa personne. Et comme Pierre, nous tombons devant l’adversité, prenons peur devant les difficultés ; mais, au fond de nous, nous savons Jésus présent. Nous comptons sur cette Eglise fondée sur Pierre pour nous conduire toujours plus au Christ, le Fils du Dieu vivant. Nous comptons sur Pierre pour faire de nous de meilleurs disciples, des amoureux de Jésus, comme il l’a été. 

            Si Pierre est le cœur, Paul est la raison. C’est la raison qui l’a mis en chasse de ces hommes et femmes qui, d’après lui, mettaient la foi de ses pères en danger. Mais c’est la raison aussi qui l’a emporté, et qui lui fera réfléchir et mettre par écrit les grands principes de la foi chrétienne. Il a raison de dire qu’il a mené le bon combat. D’abord le combat intérieur qui lui fera reconnaître son erreur et embrasser la foi en Jésus Christ. Puis le combat de l’évangélisation de l’empire romain, traversé du sud au nord et d’ouest en est. Combien de lieux lui doivent la foi ? Combien d’hommes et de femmes, aujourd’hui encore, lui doivent une foi plus profonde, plus riche après la lecture et l’étude de ses lettres. J’ai pour lui une tendresse particulière, parce que la profondeur de sa pensée me touche à chaque fois. Oui, Paul est la foi raisonnée, réfléchie, sans cesse reprise pour corriger les erreurs, faire grandir la foi, l’espérance et la charité de celles et ceux à qui il écrit. Plutôt que de révolutionner le monde, il préfère indiquer une voie supérieure, une autre manière de vivre. Voyez comment il a réglé le cas d’Onésime. Il était l’esclave de Philémon. Celui-ci l’a-t-il prêté à Paul ou était-il en fuite ? Qu’importe ! Ce qui compte, c’est ce qu’il écrit à Philémon quand il lui renvoie Onésime. Il ne lui dit pas que c’est mal d’avoir des esclaves ; il lui dit simplement qu’il a baptisé Onésime, et donc qu’il en a fait un frère pour Philémon. Il espère bien que c’est ainsi qu’il sera traité désormais ; mieux, il espère que Philémon l’accueillera comme s’il accueillait Paul en personne. 

            Comme Paul, ne cessons pas d’approfondir notre foi, de la réfléchir pour mieux la comprendre, et l’ayant mieux comprise, pour mieux la vivre. Parce que c’est la seule chose qui compte pour Paul : que notre foi soit bien vécue ; elle est une loi de liberté qui met loin de nous notre péché. Comme Paul, laissons-nous transformer par notre rencontre avec le Ressuscité ; comme Paul, annonçons à temps et à contre-temps celui qui nous rend libre ; comme Paul, propageons l’amour du Christ en aimant celles et ceux qu’il met sur notre route. Comme Paul, notre caractère sera adouci par Celui qui a livré sa vie par amour pour nous. 

            Pierre et Paul, le cœur et la raison. Finalement, l’Eglise a bien raison de nous les faire célébrer ensemble car que serait le cœur sans la raison, c'est-à-dire sans la foi réfléchie ? Un vague humanisme, et l’Eglise une ONG parmi tant d’autres. Et que serait la raison sans le cœur, sans une foi simplement vécue dans l’ordinaire d’une vie ? Un système de pensée, une idéologie de plus et l’Eglise, un vague parti qui voudrait convaincre les autres qu'elle seule a la vérité. 

            Pierre et Paul, le cœur et la raison. En les définissant ainsi, je ne dis pas que Pierre ne sait pas réfléchir (il y a deux lettres dans le NT qui montrent le contraire), ni que Paul ne sait pas aimer (il y a quatre lettres à ses amis pour prouver le contraire). Cœur et raison sont une dominante de leur caractère respectif qui, j’aime à le croire, leur ont permis de se retrouver et sans doute de s’apprécier. Qu’ils se retrouvent en nous comme ils ont su se retrouver jadis, à Jérusalem, dépassant leurs craintes et leurs oppositions. Avec eux deux, nous pourrons encore faire grandir l’Eglise, le Corps unique du Christ, pour la gloire de Dieu et le salut du monde. Amen.

samedi 15 juin 2024

11ème dimanche ordinaire B - 16 juin 2024

 Au sujet du règne de Dieu...




 

 

          Règne de Dieu, Royaume de Dieu. Si vous prenez un dictionnaire de théologie biblique, ces deux expressions sont synonymes. Elles nous parlent d’une réalité qui est déjà là et encore à venir, puisque le règne de Dieu ne sera définitivement établi qu’à la fin des temps. Dans l’imaginaire collectif, ces expressions sont souvent associées à un lieu. Nous imaginons le royaume de Dieu à la manière des royaumes humains, avec leurs palais magnifiques. Pour sortir de cette identification, il nous faut alors écouter à nouveau ce que nous dit Jésus, quand il nous parle du règne de Dieu. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela nous décentre et nous invite à entrer dans une autre manière de voir et de comprendre. 

          Quand Jésus parle du règne de Dieu, il utilise cette forme particulière du discours que sont les paraboles. Et il n’y en a pas qu’une, pas même seulement les deux que Marc nous livre en ce dimanche. Matthieu par exemple a un chapitre entier dans son évangile consacré aux paraboles du royaume de Dieu. A chaque parabole, une image ; à chaque image, une réalité. Autant dire que le règne de Dieu est une réalité difficile à décrire, à saisir. Et encore, Marc nous fait comprendre que ces images sont imparfaites. L’expression qu’il utilise n’est-elle pas : il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence ; ou encore il est comme une graine de moutarde. Il est comme : c’est à la fois quelque chose de ce genre et en même temps autre chose, tellement plus grand, tellement plus difficile à saisir. 

          Ce qui est sûr, c’est que le règne de Dieu n’est pas un lieu géographique ; vous ne le trouverez pas sur une carte. Ni sur une carte terrestre, ni sur une carte céleste. Il faut de multiples images pour le décrire, et pourtant il est bien réel. L’expression « Il est comme » nous permet juste de comprendre comment ça fonctionne, le règne de Dieu. De la première parabole entendue, nous comprenons que le règne de Dieu a sa propre existence, comme l’homme qui, une fois semé le grain, ne maîtrise plus la vie de cette graine. Le règne de Dieu progresse mystérieusement. Que l’homme qui a semé dorme ou se lève, la semence germe et grandit. Et elle grandit au-delà de toute espérance. C’est ce que nous enseigne la deuxième parabole. De la plus petite de toutes les semences, jaillit une plante qui étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. Nous pourrions dire que le règne de Dieu, ce n’est rien et c’est tout ; c’est ridiculement petit et extraordinairement grand. Alors qu’avons-nous à faire de ces paraboles mystérieuses et pleines de paradoxes ? En quoi nous concernent-elles ? 

Elles nous concernent d’abord parce que Jésus les prononce, et que Jésus n’a pas l’habitude de nous parler pour rien, ni en vain. Elles nous concernent parce que le règne de Dieu nous concerne, parce qu’il est fait pour nous, ou mieux parce que nous sommes faits pour le règne de Dieu. Dans sa dimension « pas encore là », le règne de Dieu est notre but, notre destinée, le fruit de notre espérance. Si le règne de Dieu est comme cette plante qui étend de longues racines, nous sommes comme ces oiseaux appelés à faire là notre nid. Dans sa dimension déjà là, si le règne de Dieu est comme un homme qui jette en terre la semence, nous sommes comme la terre qui accueille cette semence. Nous devons laisser cette semence travailler en nous pour qu’elle porte son fruit, d’abord l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Nous sommes concernés par ce règne de Dieu parce que comme nous l’espérons mystérieusement, lui a besoin de nous mystérieusement. Dieu a besoin de nous comme nous avons besoin de lui. Souvenez-vous de la première lecture de dimanche dernier, ce passage de la Genèse dans lequel Dieu cherchait l’homme : Où es-tu donc ? Nous chercherait-il s’il n’avait pas besoin de nous ? Construirait-il son règne si ce n’était pas pour nous y abriter ? Jetterait-il sa semence si ce n’était pour nous permettre de l’accueillir ? S’il est vrai que Jésus ne parle pas pour rien, il est vrai aussi que Dieu n’agit pas en vain. 

Le règne de Dieu est comme tout ce que Dieu fait : il est pour nous, pour que nous ayons la force de le construire ici-bas, et pour que nous ayons le désir de nous y abriter au terme de notre existence. Je me plais à croire qu’il en va du règne de Dieu comme du nom de Dieu jadis révélé à Moïse : il est et sera toujours celui que nous aurons besoin qu’il soit, pour nourrir notre foi, faire grandir notre espérance et stimuler notre charité. Il est un don que Dieu nous fait pour que jamais nous ne doutions de lui. Qu’importe l’image ; qu’importe la réalité. Le règne de Dieu est, parce que Dieu existe et qu’il nous veut avec lui, maintenant et toujours. Cela doit nous suffire. Amen.

samedi 8 juin 2024

10ème dimanche ordinaire B - 9 juin 2024

 Laissons Dieu s'approcher de nous ! 





 

 

            Je suis toujours bouleversé lorsque je lis ou entends le passage du livre de la Genèse que nous avons eu en première lecture. Nous sommes au commencement, Dieu a tout créé. Il existe une harmonie, une perfection dont nous ne pouvons que rêver. Et pourtant, elle va être rompue et le premier blessé, ce n’est pas l’homme, ni sa femme d’ailleurs ; le premier blessé, c’est Dieu. La femme s’est laissé tromper par le serpent, l’homme a partagé sa faute, ils se découvrent nus, prennent peur et se cachent de Dieu, obligeant celui-ci à les chercher. Comment ne pas être saisi par cette question de Dieu adressée à chacun de nous ce matin : Homme, où es-tu donc ? 

            Peut-être avez-vous entendu un jour Raymond DEVOS. Dans un de ses sketchs, il dit ceci : J’ai lu quelque part : « Dieu existe, je l’ai rencontré ! » Ça alors ! Ça m’étonne ! Que Dieu existe, la question ne se pose pas ! Mais que quelqu’un l’ait rencontré avant moi, voilà qui me surprend. Parce que j’ai eu le privilège de rencontrer Dieu juste à un moment où je doutais de lui. Dans un petit village de Lozère, abandonné des hommes. Il n’y avait plus personne. Et en passant devant la vieille église, poussé par je ne sais quel instinct, je suis entré… et là, j’ai été ébloui… par une lumière intense, insoutenable : C’était Dieu ! Dieu en personne, Dieu qui priait ! Je me suis dit : Qui prie-t-il ? Il ne se prie pas lui-même, pas lui, pas Dieu ! Non, il priait l’homme ! Il me priait moi ! Il doutait de moi comme j’avais douté de lui. Il disait : Oh homme, si tu existes, un signe de toi ! J’ai dit : Mon Dieu, Je suis là ! Il a dit : Miracle ! Une humaine apparition ! Je lui ai dit : Mais, mon Dieu, comment pouvez-vous douter de l’existence de l’homme puisque c’est vous qui l’avez créé ? Il m’a dit : Oui… mais il y a si longtemps que je n’en ai pas vu un dans mon église que je me demandais si ce n’était pas une vue de l’Esprit. Je lui ai dit : Vous voilà rassuré, mon Dieu ! Il m’a dit : Oui ! Je vais pouvoir leur dire là-haut : « L’homme existe, je l’ai rencontré ! » 

            Il y a là quelque chose de fondamental pour notre vie spirituelle, une manière autre de la comprendre. Il arrive que des gens disent ne pas croire en Dieu parce qu’ils n’arrivent pas à le voir. Les difficultés de leur vie, l’existence du mal, les injustices commises… tout cela leur fait dire que cela ne sert à rien de chercher Dieu. Si Dieu existait, tout ce mal n’existerait pas ! Peut-être cela vous est-il arrivé, un jour, de penser ainsi. Je ne dis pas que c’est mal ; je crois juste que c’est mal comprendre le mouvement de la vie spirituelle. Pour croire en Dieu, il ne s’agit pas tant de chercher Dieu, d’accumuler des preuves de son existence, mais plutôt de se laisser trouver par lui, de se laisser approcher par lui. Que Dieu existe, la question ne se pose pas, ni pour Raymond DEVOS, ni pour Adam et Eve. Ils savent qu’ils lui doivent l’existence. La question qui se pose est celle-ci : après avoir transgressé l’unique interdit, se laisseront-ils encore approcher de Dieu ? Se laisseront-ils encore trouver par lui ? Le seul fait qu’ils se cachent, par peur de Dieu, montre bien qu’ils n’ont pas compris qui est celui qui les a appelés à la vie. Le seul fait que Dieu les cherche, montre bien que la rencontre quotidienne avec Adam et Eve n’était pas pour Lui un moyen de les surveiller, de vérifier qu’ils ont bien tout fait comme il faut, mais un moment de grâce pour eux et pour Dieu. Dieu avait plaisir à les rencontrer chaque jour, et devant leur absence, il s’inquiète : Où es-tu donc ?  

            Nous retrouvons quelque chose de cela dans la page d’évangile entendue. Alors arrivent sa mère et ses frères. Restant au-dehors, ils le font appeler. Une foule était assise autour de lui et on lui dit : « Voici que ta mère et tes frères sont là, dehors : ils te cherchent. » Cette manie bien humaine de chercher Dieu, de chercher Jésus. Ecoutez bien la réponse de Jésus : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? Et parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » Certains vont pinailler en disant que c’est bien la foule qui s’est rassemblée autour de Jésus. Oui, mais elle le laisse parler, elle l’écoute ! Ce seul fait me fait dire qu’elle a laissé Jésus s’approcher d’elle, la foule. Si je vais vers quelqu’un pour lui dire quelque chose, c’est moi qui le cherche, puisque j’ai quelque chose à lui dire. Si je vais vers quelqu’un pour l’écouter, c’est lui que je laisse approcher de moi ; je le laisse me donner ce qu’il a envie de me donner. Si je ne me laisse pas trouver par Dieu, il ne pourra pas me parler ; s’il ne peut me parler, je ne saurai pas quelle est sa volonté pour moi, et donc je ne pourrai pas l’accomplir. Seul celui qui vient vers Dieu avec l’intention de se laisser trouver par Dieu, peut connaître et accomplir sa volonté. 

            Laissons-nous donc approcher par Dieu, ne nous cachons pas de lui. Quand bien même notre vie serait noire comme la nuit, allons vers lui sans crainte. Il est celui qui nous a dit par Jésus : Tout sera pardonné aux enfants des hommes : leurs péchés et les blasphèmes qu’ils auront proférés. Seul le blasphème contre l’Esprit Saint n’aura jamais de pardon. Celui qui se laisse approcher de Dieu et qui écoute Dieu ne peut pas commettre ce péché impardonnable, puisque Dieu ne peut se retourner contre lui-même. Approchons-nous Dieu avec la ferme intention de le laisser s’approcher de nous ; et nous serons vraiment fils et filles du Très-Haut, frères et sœurs de Jésus Christ. Amen.

samedi 1 juin 2024

Fête du Corps et du Sang du Christ B - 02 juin 2024

 L'Eucharistie, le don qui surpasse tous les dons.



(Arcabas, Les pèlerins d'Emmaüs)



 

 

            Si tu devais partir sur une île déserte, et que tu ne pouvais emporter qu’une seule chose, ce serait quoi ? Peut-être certains d’entre vous se sont déjà entendu poser cette question, qui fut très en vogue dans ma jeunesse. C’est une question très simple qui avait pour seul but de nous faire exprimer ce qui était le plus important pour nous, la chose sans laquelle nous ne pourrions pas vivre. Bien sûr les réponses étaient aussi variées que les personnes qui étaient interrogées. Je ne saurais plus bien vous dire quelle bêtise je jugeais importante autrefois, mais je peux vous dire ma réponse d’aujourd’hui. Si je devais finir sur une île déserte, j’emporterais avec moi l’eucharistie. Pourquoi ? 

            La première raison qui justifie mon choix, c’est parce que ce morceau de pain consacré représente la certitude de n’être jamais seul. Et sur une île déserte, cela me semble plutôt important. Dans ce Pain consacré, Celui que j’aime et que je sers est présent, et il se donne et se redonne à moi autant que j’en ai besoin. Ceux qui ont vécu un temps d’adoration peuvent partager avec moi cette expérience de plénitude qui nous envahit quand nous prenons le temps de visiter le Christ. Vous pouvez vous sentir intérieurement heureux ou misérable, le Christ vous rejoint. Le silence de cette rencontre est un silence habité et vous savez, presque instinctivement, que Jésus est vraiment là. La parole qu’il a laissée à ses disciples après sa résurrection se vérifie : Et moi je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps. Elle n’est jamais aussi vraie pour moi que devant le Saint Sacrement. Là je trouve le Christ ; là le Christ me trouve, me rejoint dans ce qui fait ma vie du moment. Là le Christ prend soin de moi ! Il m’est arrivé d’être au milieu d’une foule et de me sentir terriblement seul ; mais cela n’arrive jamais devant le Saint Sacrement, quand bien même je serais effectivement le seul humain présent. 

            Une deuxième raison conforte mon choix d’emporter l’eucharistie : c’est que ce sacrement est notre nourriture. Comme je le dis lorsque je prêche une première communion, c’est le Pain des forts, qui nous garde dans cette force de Dieu, qui nourrit cette force de Dieu qui est en nous. Mais il est aussi le Pain d’effort, le Pain qui me rend toute force quand je suis épuisé, le Pain qui me donne de pouvoir continuer alors que je voudrais tout arrêter. Dans un monde qui perd la tête, une telle nourriture me permet de ne pas désespérer. Dans un monde angoissant, cette nourriture me fait retrouver l’espérance d’un avenir meilleur. Dans un monde où les faits les plus simples et les plus avérés sont contestés, cette nourriture m’apporte la stabilité dont j’ai besoin. Là, dans ce Pain consacré, je sais que je retrouve le Christ. Là dans ce Pain consacré, je sais que le Christ se donne à moi, toujours et encore. Il se donne entièrement comme il l’a fait dans ce dernier repas partagé avec ses disciples. L’Eucharistie est le mémorial de son sacrifice, de son don absolu pour la vie des hommes. Ce qu’il a fait une fois pour toutes en se livrant sur la croix, est rendu actuel lorsque l’Eglise partage le Corps et le Sang du Christ, au point que nous pouvons dire, vingt-et-un siècle plus tard : c’est aujourd’hui que le Christ se donne, c’est aujourd’hui que le Christ se livre pour notre salut.

            L’Eucharistie, que nous célébrons dans cette fête du Corps et du Sang du Christ, est le don par excellence que Dieu nous fait. Ici, il nous donne tout. Il nous donne sa Parole, puisque jamais nous ne célébrons ce sacrement sans l’entendre nous parler ; il nous donne sa vie, puisque ce petit morceau de pain est devenu, par les mains du prêtre, le Corps du Christ offert pour notre vie ; il nous donne l’éternité, parce que ce pain et ce vin nous font entrer dans le monde et le temps de Dieu. Ce faisant, il nous donne tout son Amour, cet Amour qui nous sauve en nous donnant le pardon de nos péchés. Le pain est rompu, le sang est versé pour vous (pour nous qui sommes là) et pour la multitude (ceux qui ne sont pas encore ou qui ne sont plus là) en rémission des péchés. Dieu ne peut rien nous donner de plus que son Fils, parce qu’en lui, il nous a déjà tout donné. Il est le don qui surpasse tous les dons. Comment pourrais-je accepter de vivre sur une île déserte sans emporter ce don ? 

            L’Eglise affirme avec raison que l’Eucharistie est la Source et le Sommet de notre foi. J’espère que vous comprenez mieux pourquoi elle le dit. Toute notre foi part de là, du sacrifice unique du Christ pour nous ; tout converge là, vers ce repas où Dieu nous attend pour toute l’éternité. Notre eucharistie terrestre n’est qu’un avant-goût du festin que Dieu nous servira quand nous le verrons face-à-face. Faisons venir nos frères et sœurs en humanité à cette source ; ne négligeons pas nous-mêmes cette source ; et nous parviendrons tous au sommet, à la claire vision de Dieu, à la béatitude éternelle. Amen.