Au sujet du règne de Dieu...
Règne de Dieu, Royaume de Dieu. Si vous prenez un dictionnaire de théologie biblique, ces deux expressions sont synonymes. Elles nous parlent d’une réalité qui est déjà là et encore à venir, puisque le règne de Dieu ne sera définitivement établi qu’à la fin des temps. Dans l’imaginaire collectif, ces expressions sont souvent associées à un lieu. Nous imaginons le royaume de Dieu à la manière des royaumes humains, avec leurs palais magnifiques. Pour sortir de cette identification, il nous faut alors écouter à nouveau ce que nous dit Jésus, quand il nous parle du règne de Dieu. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela nous décentre et nous invite à entrer dans une autre manière de voir et de comprendre.
Quand Jésus parle du règne de Dieu, il utilise cette forme particulière du discours que sont les paraboles. Et il n’y en a pas qu’une, pas même seulement les deux que Marc nous livre en ce dimanche. Matthieu par exemple a un chapitre entier dans son évangile consacré aux paraboles du royaume de Dieu. A chaque parabole, une image ; à chaque image, une réalité. Autant dire que le règne de Dieu est une réalité difficile à décrire, à saisir. Et encore, Marc nous fait comprendre que ces images sont imparfaites. L’expression qu’il utilise n’est-elle pas : il en est du règne de Dieu comme d’un homme qui jette en terre la semence ; ou encore il est comme une graine de moutarde. Il est comme : c’est à la fois quelque chose de ce genre et en même temps autre chose, tellement plus grand, tellement plus difficile à saisir.
Ce qui est sûr, c’est que le règne de Dieu n’est pas un lieu géographique ; vous ne le trouverez pas sur une carte. Ni sur une carte terrestre, ni sur une carte céleste. Il faut de multiples images pour le décrire, et pourtant il est bien réel. L’expression « Il est comme » nous permet juste de comprendre comment ça fonctionne, le règne de Dieu. De la première parabole entendue, nous comprenons que le règne de Dieu a sa propre existence, comme l’homme qui, une fois semé le grain, ne maîtrise plus la vie de cette graine. Le règne de Dieu progresse mystérieusement. Que l’homme qui a semé dorme ou se lève, la semence germe et grandit. Et elle grandit au-delà de toute espérance. C’est ce que nous enseigne la deuxième parabole. De la plus petite de toutes les semences, jaillit une plante qui étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre. Nous pourrions dire que le règne de Dieu, ce n’est rien et c’est tout ; c’est ridiculement petit et extraordinairement grand. Alors qu’avons-nous à faire de ces paraboles mystérieuses et pleines de paradoxes ? En quoi nous concernent-elles ?
Elles
nous concernent d’abord parce que Jésus les prononce, et que Jésus n’a pas l’habitude
de nous parler pour rien, ni en vain. Elles nous concernent parce que le règne
de Dieu nous concerne, parce qu’il est fait pour nous, ou mieux parce que
nous sommes faits pour le règne de Dieu. Dans sa dimension « pas encore là »,
le règne de Dieu est notre but, notre destinée, le fruit de notre espérance. Si
le règne de Dieu est comme cette plante qui étend de longues racines,
nous sommes comme ces oiseaux appelés à faire là notre nid. Dans sa
dimension déjà là, si le règne de Dieu est comme un homme qui jette en terre
la semence, nous sommes comme la terre qui accueille cette semence. Nous
devons laisser cette semence travailler en nous pour qu’elle porte son fruit, d’abord
l’herbe, puis l’épi, enfin du blé plein l’épi. Nous sommes concernés par ce
règne de Dieu parce que comme nous l’espérons mystérieusement, lui a
besoin de nous mystérieusement. Dieu a besoin de nous comme nous avons besoin
de lui. Souvenez-vous de la première lecture de dimanche dernier, ce passage de
la Genèse dans lequel Dieu cherchait l’homme : Où es-tu donc ? Nous
chercherait-il s’il n’avait pas besoin de nous ? Construirait-il son règne
si ce n’était pas pour nous y abriter ? Jetterait-il sa semence si ce n’était
pour nous permettre de l’accueillir ? S’il est vrai que Jésus ne parle pas
pour rien, il est vrai aussi que Dieu n’agit pas en vain.
Le
règne de Dieu est comme tout ce que Dieu fait : il est pour nous, pour
que nous ayons la force de le construire ici-bas, et pour que nous ayons le
désir de nous y abriter au terme de notre existence. Je me plais à croire qu’il
en va du règne de Dieu comme du nom de Dieu jadis révélé à Moïse : il est
et sera toujours celui que nous aurons besoin qu’il soit, pour nourrir notre
foi, faire grandir notre espérance et stimuler notre charité. Il est un don que
Dieu nous fait pour que jamais nous ne doutions de lui. Qu’importe l’image ;
qu’importe la réalité. Le règne de Dieu est, parce que Dieu existe et qu’il nous
veut avec lui, maintenant et toujours. Cela doit nous suffire. Amen.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire